Rencontre avec Marie George Buffet

mardi 30 janvier 2007.
 

Riche journée. J’ai eu José Bové au téléphone et j’ai déjeuné avec Marie-George Buffet. De Bové, je parlerai demain. L’évènement pour moi à cette heure c’est Marie-George Buffet. Je fais partie de ceux qui apprécient sa façon d’être et le style de sa campagne. Je considère que c’est un privilège de disposer d’un entretien avec elle en tête à tête, alors même qu’elle est dévorée par l’activité de la campagne présidentielle. Le matin même elle était sur France Inter pendant près de deux heures, exercice éreintant s’il en est un.

Notre conversation avait un tour amical et familier car nous nous connaissons et nous rencontrons -finalement - à intervalles réguliers. De notre entretien, je résume, sous ma seule responsabilité, deux points qui me paraissent mériter une attention particulière. Le premier concerne l’appréciation du Parti Communiste à propos de sa participation au gouvernement en cas de victoire de la gauche aux élections présidentielles. Le second à propos de la crise de l’Union européenne. Je lui ai demandé si elle m’autorisait à en parler sur ce blog et elle m’a donné son accord. Mais bien sûr ce que j’écris tant pour la forme que pour le fond n’engage que moi puisque je ne lui ai pas fait relire.

"Nous ne faisons pas une croix sur la possibilité d’un gouvernement de gauche", m’a-t-elle dit. Donc, première conséquence, en ce qui concerne le désistement pour le second tour, elle s’est déjà engagée de longue date. D’ailleurs les communistes n’y mettent aucune condition et ne demandent aucune négociation à ce sujet. Par contre, pour ce qui concerne la participation au gouvernement, il n’y a absolument rien d’automatique. A l’heure actuelle, sur les bases de ce que les communistes connaissent du programme de Ségolène Royal, ils ne participeront pas à un gouvernement sur ces bases. J’ai dit à Marie-George Buffet que je me souvenais bien l’avoir entendu dire la même chose à la fête de l’Humanité sans que la presse le relève. A l’époque, les socialistes n’avaient pas encore choisi leur candidat mais chacun de ceux-ci avaient déjà avancé ses principales orientations et notamment Ségolène Royal qui était alors déjà annoncée comme la favorite des sondages. Je lui ai demandé sur quels points elle fondait son appréciation, c’est à dire sur quelles questions elle considérait que porte l’essentiel. Elle en a évoqué trois.

J’ai noté sur mon carnet pour épauler ma mémoire. La fiscalité, le changement institutionnel et l’Europe. Sur la fiscalité, il s’agit de savoir où va être prélevé ce qui est nécessaire pour financer une politique qui change vraiment la vie des gens. Sur ce point, j’ai trouvé Marie-George Buffet très préoccupée de crédibilité, volontiers entrant dans le détail, y compris lorsqu’elle décline ses propositions à propos de la "fiscalité intelligente" pour les entreprises innovantes ou créatrices d’emplois. Sur les institutions, il y a une originalité dans son propos par rapport à ce que l’on entend d’habitude à gauche sur ce sujet. Elle insiste en effet sur les nouveaux droits d’intervention des travailleurs dans l’entreprise en ce qui concerne son pilotage, par référence aux revendications mises en avant par les ouvriers de Moulinex.

En l’écoutant, je me souvenais de la remarque de Jaurès en faveur de "la République jusqu’au bout" qu’était à ses yeux le socialisme lorsqu’il relevait que la République jusque là avait fait "le citoyen roi dans la cité et sujet à l’usine". A propos de l’Europe évidemment la matière est encore plus tranchée. Elle avait remarqué ma prise de position avec Oskar Lafontaine contre le sommet des pays du « Oui » à Madrid vendredi dernier. Marie-George Buffet pense que cette question de Constitution européenne doit être très présente dans la campagne présidentielle. Je partage son avis en dépit de tous ceux qui répètent qu’il ne faut pas "retourner le couteau dans la plaie à gauche" et que tout doit être fait pour "dépasser le oui et le non".

En vérité, le gouvernement français qui sera en place en juin prochain devra se prononcer sur les propositions de la présidence allemande deux jours après le résultat des législatives. C’est dire qu’il vaudra mieux disposer à ce moment là d’une opinion publique informée et motivée pour faire face. C’est dire aussi combien est scandaleuse l’inertie du gouvernement actuel qui laisse se faire sans un mot l’encerclement de la France par les pays du "Oui". Je partage donc complètement l’analyse de Marie-George Buffet : c’est dans la campagne et par le vote qu’il faut faire respecter le "non" de la France.

J’arrête là mon récit. Je pense que la position du Parti communiste souligne les risques et les opportunités de cette campagne présidentielle pour la gauche. Je crois que les responsables du Parti socialiste devraient s’atteler à la tâche pour dégager des positions sans ambiguïté sur ces sujets essentiels. Naturellement le projet socialiste s’exprime sur ces points mais il faut tenir compte du point de vue de la candidate. Il sera exprimé le 11 février. On doit souhaiter que les orientations sur ce sujet soient assez claires pour pouvoir être mises en discussion avec les partenaires à gauche. Ici le flou serait très dommageable.

Pour clore cette note, je voudrais indiquer ce que PRS, l’association que je préside, a décidé d’organiser sur cette question européenne. D’abord j’ai mandat de travailler sur un point précis avec mes collègues sénateurs Jean-Pierre Michel (Haute Saone), Maryse Bergé Lavigne (Haute Garonne), Bariza Khiari (Paris), Michel Charasse (Puy de Dome), Jean-Pierre Godefroy (Manche) et Sandrine Hurel (Seine Maritime). Notre intention est de déposer un amendement dans une prochaine discussion de révision constitutionnelle, afin de retirer de la Constitution française la disposition qui y avait été introduite pour affirmer que la France se situait dans le cadre de la Constitution européenne.

Deuxième point, PRS organise les 23 et 24 février prochains un colloque au Sénat réunissant les partenaires européens et français de la mobilisation pour une assemblée constituante en Europe. Cette réunion devrait aussi permettre d’entendre le point de vue des candidats de gauche (ceux qui accepteront notre invitation à s’exprimer) pour donner leur avis sur ce qu’il faut faire après l’élection pour sortir l’Europe de l’impasse. Au cours de notre déjeuner, Marie-George Buffet m’a d’ores et déjà donné son accord pour répondre favorablement à cette invitation


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