Forum Social Mondial à Tunis du 26 au 30 mars 2013

mardi 2 avril 2013.
 

- I) Le vent d’un nouvel internationalisme a bien soufflé sur Tunis…
- H) Déclaration finale de l’Assemblée des mouvements sociaux - Forum social mondial 2013 de Tunis
- G2) A Tunis, le Parti de Gauche jette les bases de l’Euro-Méditerranée
- F) A Tunis, les altermondialistes veulent redonner du souffle aux révolutions arabes

I) Le vent d’un nouvel internationalisme a bien soufflé sur Tunis…

Au coeur des luttes sociales, féministes, culturelles, politiques

Comme nous l’avions pressenti, le Forum Social Mondial à Tunis fut un grand moment de solidarité avec le Peuple Tunisien, deux ans après le soulèvement des tunisiens contre Ben Ali. Ce fut aussi un grand moment pour renforcer le camp démocratique dans le monde arabe.

Il a apporté une bouffée d’énergie, de dynamisme à tous les progressistes du monde présents qui ont retrouvé dans le souffle de la révolution tunisienne des jasmins un dynamisme communicatif, malgré les difficultés, se traduisant notamment par l’assassinat de Chokri Belaid, leader charismatique du front populaire en Tunisie.

Les femmes étaient très présentes avec une assemblée des femmes stimulante et combative. Transform ! y a tenu un séminaire « féminisme et révolution » qui a interpellé l’ensemble des mouvements progressistes de la région et a rencontré un vif succès (environ 100 personnes).

L’ensemble des peuples du Maghreb Mashrek était bien représenté : 500 Palestiniens, 300 Egyptiens, 500 Marocains, 250 Algériens (de nombreux syndicalistes n’ont pu passer la frontière), 150 Sahraouis, 100 Lybiens, 80 Jordaniens, 60 Irakiens. 60 000 personnes ont participé à ce forum avec de fortes délégations venues des pays européens méditerranéens. De nombreuses délégations étaient également issues des « nouveaux mouvements » qui ont émergé un peu partout, prenant comme modèle la révolution des jasmins ; parmi eux, les indignés des différents pays d’Europe mais aussi les Occupy, les mouvements étudiants du Québec, les mouvements des diplômés chômeurs du Maghreb, le groupe « Yen a marre » du Sénégal…Tous ces mouvements de jeunesse, quelles que soient leurs particularités, ont au coeur de leurs préoccupations la démocratie et la volonté de se réapproprier leur vie contre un système néolibéral qui les en empêche.

Dans ce cadre, Transform ! avec ses neuf séminaires a apporté sa contribution avec ses analyses sur la crise et les alternatives possibles. Transform ! est un acteur original et singulier du FSM. Affrontant les questions stratégiques se posant aux mouvements, il pose la question des fronts et coalitions à construire à gauche, interpelle les forces politiques et les mouvements sociaux sur les types de dialogue et de convergences à trouver ensemble pour construire une hégémonie culturelle à gauche face à cette crise.

La question de l’Altersommet européen qui aura lieu à Athènes, en juin, était aussi fortement présente lors de ce forum.

La dynamique du FSM a permis de dynamiser les mouvements sociaux européens présents. Le vent d’un nouvel internationalisme a bien soufflé sur Tunis…

Par Chantal Delmas (Réseau Transform)

H) Déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux - Forum social mondial 2013 de Tunis

Nous, réunies et réunis lors de l’Assemblée des mouvements sociaux du Forum social mondial 2013 à Tunis affirmons l’apport capital des peuples du Maghreb-Mashrek (du Nord d’Afrique jusq’au Moyen Orient) dans la construction de la civilisation humaine. Nous affirmons que la décolonisation des peuples opprimés reste pour nous, mouvements sociaux du monde entier, un grand défi à relever.

Au sein du processus FSM, l’Assemblée des mouvements sociaux est l’espace où nous nous réunissons avec notre diversité, pour construire nos agendas et luttes communes contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et toute forme de discrimination et d’oppression. Nous avons construit une histoire et un travail communs qui a permis certaines avancées, notamment en Amérique latine, où nous avons réussi à freiner des alliances néo-libérales et concrétiser plusieurs alternatives pour un développement socialement juste et respectueux de la nature.

Ensemble, les peuples de tous les continents mènent des luttes pour s’opposer avec la plus grande énergie à la domination du capital, cachée derrière des promesses de progrès économique et d’apparente stabilité politique.

Maintenant, nous nous trouvons dans un carrefour où les forces conservatrices et retrogrades veulent arrêter les processus initiés il y a deux années soulèvement populaire dans la région du Maghreb-Mashrek qui a permis de faire chutter des dictatures et contester le systeme neoliberale imposé aux peuples. Ces soulevements si sont étendus à tous les continents du monde en generant de procesus d’indignation et d occupation des places publiques.

Les peuples du monde entier subissent aujourd’hui l’aggravation d’une crise profonde du capitalisme dans laquelle ses agents (banques, transnationales, conglomérats médiatiques, institutions internationales et tous les gouvernements complices avec le neoliberalisme) cherchent à accroître leurs bénéfices au prix d’une politique interventionniste et néo-colonialiste.

Guerres, occupations militaires, traités néo-libéraux de libre-échange et « mesures d’austérité » se voient traduits en paquets économiques qui privatisent les biens communes et les services publiques, baissent les salaires, réduisent les droits, augmentent le chômage, augmentent la surcharge des femmes dans le travail de soins et detruisent la nature.

Ces politiques affectent lourdement les pays riches du Nord, augmentent les migrations, les déplacements forcés, les délogements, l’endettement et les inégalités sociales comme en Grece, Chypre, Portugal, Italie, Irlande et dans l´Etat Espagnol. Elles renforcent le conservatisme et le controle sur le corps et la vie des femmes. En outre, ils tentent de nous imposer « l’économie verte » comme solution à la crise environnementale et alimentaire, ce qui non seulement aggrave le problème, mais débouche sur la marchandisation, la privatisation et la financiarisation de la vie et de la nature.

Nous denonçons l´intensification de la répression aux peuples rebelles, l´assassinat des leaderships des mouvements sociaux, la criminalisation de nos luttes et de nos propositions.

Nous affirmons que les peuples ne doivent pas payer pour cette crise et qu’il n’y a pas d’issue possible au sein du système capitaliste. Ici, à Tunis, nous réaffirmons notre engagement avec la construction d’ une stratégie commune de lutte contre le capitalisme. C’est pour ça qui, nous, les mouvements sociaux luttons :

* Contre les transnationales et le système financier (FMI, BM et OMC), principaux agents du système capitaliste, qui privatisent la vie, les services publics et les biens communs comme l’eau, l’air, la terre, les semences, les ressources minérales, promeuvent les guerres et les violations du droit humain. Les transnationales reproduisent des pratiques extractivistes nuisibles à la vie, accaparent nos terres et développent des semences et aliments transgéniques qui privent les peuples de leur droit à l’alimentation et détruisent la biodiversité.

Nous luttons pour l´annulation de la dette illégitime et odieuse qui est aujourd´hui un instrument global de domination, de répression et d´asphyxie económique et financière des peuples. Nous refusons les accords de libre-échange que nous imposent les États et les transnationales et nous affirmons qu’il est possible de construire une mondialisation d’un autre type, par les peuples et pour les peuples, fondée sur la solidarité et sur la liberté de circulation pour tous les êtres humains.

* Pour la justice climatique et la souveraineté alimentaire parce que nous savons que le réchauffement global est un résultat du système capitaliste de production, distribution et consommation. Les transnationales, les institutions financières internationales et les gouvernements qui sont à leur service ne veulent pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous dénonçons l´ « économie vert », et refusons les fausses solutions à la crise climatique comme les agrocarburants, les organismes génétiquement modifiés, la géo-ingénierie et les mécanismes de marché de carbone, comme le REDD (Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation), qui font miroiter aux populations appauvries des progrès, tout en privatisant et transformant en marchandises les forêts et territoires où ces populations ont vécu pendant des millénaires.

Nous défendons la souveraineté alimentaire et l’agriculture paysanne qui est une solution réelle à la crise alimentaire et climatique et signifie aussi l’accès à la terre pour celles et ceux qui la travaillent. Pour cela, nous appelons à une grande mobilisation pour stopper l’accaparement des terres et soutenir les luttes paysannes locales.

* Contre la violence envers les femmes qui est exercée régulièrement dans les territoires occupés militairement, mais aussi contre la violence dont souffrent les femmes quand elles sont criminalisées parce qu’elles participent activement aux luttes sociales. Nous luttons contre la violence domestique et sexuelle qui est exercée sur elles quand elles sont considérées comme des objets ou marchandises, quand leur souveraineté sur leur corps et leur spiritualité n’est pas reconnue. Nous luttons contre la traite des femmes, des filles et garçons.

Nous défendons la diversité sexuelle, le droit à l’autodétermination du genre, et nous luttons contre l’homophobie et les violences sexistes.

* Pour la paix et contre la guerre, le colonialisme, les occupations et la militarisation de nos territoires. Nous dénonçons le faux discours de défense des droits humains et de combat aux integrismes, qui souvent sont utilisés pour justifier l´interventions militaires comme au Haiti, Libye, Mali et Syrie. Nous defendons le droit à la souveraineté e à l’auto-détermination des peuples comme dans la Palestine, le Sahara Occidental et le Kurdistan.

Nous denonçons l’installation des bases militaires étrangères pour fomenter des conflits, contrôler et piller les ressources naturelles et promouvoir des dictatures en divers endroits du monde.

Nous luttons pour la liberté de nous organiser dans des syndicats, des mouvements sociaux, des associations et toutes autres formes de resistance pacifique.

Renforçons nos instruments de solidarité entre les peuples comme le boycott, désinvestissement et sanctions contre Israel et la lutte contre l’OTAN et pour l’élimination de toutes les armes nucléaires.

* Pour la démocratisation des médias de masse et la construction de médias alternatifs, qui sont fondamentales pour faire renverser la logique capitaliste.

Inspirés par l’histoire de nos luttes et par la force rénovatrice des peuples dans les rues, l’Assemblée des mouvements sociaux appelle tous et toutes à développer des actions de mobilisation coordonnées au niveau mondial dans une journée global de mobilisation le XXXXX (date à definir).

Mouvements sociaux du monde entier, avançons vers une unité globale pour défaire le système capitaliste !

Assez d´explotation, assez de patriarcat, de racisme et colonialisme ! Vive la revolution ! Vive la lutte de tous les peuples !

G) Le Parti de Gauche au Forum social mondial de TUNIS

G2) FSM A Tunis, le Parti de Gauche jette les bases de l’Euro-Méditerranée

La délégation du Parti de Gauche présente au Forum Social Mondial (FSM) à Tunis a rencontré le 28 mars une délégation représentant une dizaine de partis et d’organisations progressistes du Maghreb, prolongeant ainsi la récente tournée de Jean-Luc Mélenchon dans la région.

Ce moment a été l’occasion de consolider les liens et de mettre en lumière les volontés de construire une unité large contre l’oligarchie de la finance toute puissante et contre les diktats de l’Union Européenne qui s’imposent au-delà de ses propres frontières.

Le Parti de Gauche a présenté aux différentes organisations présentes les 18 thèses pour l’écosocialisme et les a mises en discussion pour construire un projet unificateur et concret pour les peuples en mouvement dans les pays du Maghreb, préfigurant ainsi un projet alternatif pour l’Euro-Méditerranée.

Cet échange est le prélude du travail à élaborer en commun pour offrir l’alternative internationaliste basée sur les revendications populaires universelles qui s’élèvent dans le pourtour méditerranéen.

Magali ESCOT, Christophe VENTURA, Alain BILLON, représentants du Parti de Gauche au FSM

G1) Le PG prépare le Forum social mondial de TUNIS

Le Parti de Gauche participe aux journées internationales et altermondialistes du Forum Social Mondial qui se déroule du 26 au 30 mars à Tunis.

La délégation du Parti de Gauche est composée de :

- Christophe Ventura, Secrétaire national aux Relations internationales

- Corinne Morel Darleux, Secrétaire nationale à l’Ecologie

- Alain Billon, responsable Maghreb/Machrek,

- Magali Escot, membre du Bureau national.

Ils participeront au Forum mondial des parlementaires, ainsi qu’aux débats du Forum social mondial : medias libres, espace climat, liberté de circulation, etc.

Ils rencontreront les différentes délégations du Parti de la gauche européenne et seront à l’initiative d’une rencontre sur l’Ecosocialisme et la Méditerranée avec les représentants des partis de gauche du Maghreb. Cette réunion sera organisée en lien avec les partis de gauche de Tunisie.

Christophe Ventura

F) A Tunis, les altermondialistes veulent redonner du souffle aux révolutions arabes

Deux ans après la révolution, la Tunisie accueille le Forum social mondial. Du 26 au 30 mars, plus de 30 000 personnes et 4 500 associations, syndicats et organisations non gouvernementales sont attendus à l’université El Manar. Droits sociaux, lutte contre le réchauffement climatique, émergence des « médias libres »... Autant de thèmes altermondialistes incontournables. Auxquels s’ajoute le soutien aux soulèvements populaires et aux processus de démocratisation en Maghreb-Machrek.

Les derniers coups de pelleteuses résonnent dans le campus. Elles aplanissent deux immenses terrains où s’établira le camp des jeunes autogéré. Les travaux de terrassement sont attentivement suivis par Abdelhafidh Gharbi, professeur et président de l’Université El Manar (« lumière » en arabe) à Tunis. Plus de 30 000 participants venus de 127 pays devraient arpenter les allées de l’université et participer à quelques uns des 950 ateliers du Forum social mondial (FSM). C’est au cœur des « Révolutions arabes » qu’après Porto Alegre au Brésil, Mumbai en Inde ou Dakar au Sénégal, les altermondialistes ont choisi d’organiser leur rencontre biennale.

« Un tel événement est une première depuis l’indépendance (de 1956, ndlr). L’ensemble du conseil de l’université élu démocratiquement a donné son accord pour sa tenue sur le site, se félicite le président de l’Université. On essaie d’instaurer une bonne gouvernance dont nous n’étions pas capables avant la révolution. » Les crédits débloqués pour l’occasion par le ministère de l’Enseignement supérieur, en vue d’améliorer le campus, profiteront également à l’ensemble des étudiants. « Sur le fond, les centaines d’ateliers prévus vont permettre aux jeunes d’échanger et de débattre. C’est la vocation même de l’université. »

Faire voyager les Tunisiens sans visas

A proximité, Layla enchaîne les coups de fil. Électricité, restauration, hébergement... Toutes les ultimes questions logistiques à régler. « Le fait que je sois architecte a certainement contribué à ce que je sois autant impliquée ici », confie-t-elle. Depuis plusieurs semaines, la jeune femme consacre bénévolement tout son temps à l’organisation du site qui doit accueillir, outre les Tunisiens, des Marocains, des Égyptiens, des Palestiniens, des Syriens, mais aussi des Brésiliens, des Italiens, des États-uniens ou des Français.

« Ce forum, c’est l’occasion de faire voyager les Tunisiens qui n’ont pas d’argent ou de visas en leur montrant qu’il y a des gens qui se battent pour les mêmes causes qu’eux ailleurs dans le monde », se réjouit Layla. La jeune femme s’est immergée dans les réseaux militants lorsqu’elle étudiait à Marseille. « Bien que la Tunisie soit centrale dans la Méditerranée, notre jeunesse ne connait pas le monde. Elle a peu de bagages lui permettant d’initier, de fournir et de faire aboutir une lutte. Ce forum arrive à un moment où tout est remis en question en Tunisie, y compris les rapports entre la société civile et l’État. C’est une opportunité inouïe. »

Redonner du souffle à « une révolution trahie »

En centre-ville, non loin de l’avenue Bourguiba, un bâtiment est au cœur d’une grande agitation. C’est celui du comité préparatoire du FSM où travaillent les organisateurs. Rohmdane participe au pôle communication. Derrière son bureau, le portrait de Chokri Belaïd, un militant de gauche tunisien assassiné début février. « Le Forum social mondial est la meilleure réponse à ceux qui ont commis ce crime », assène Rhomdane. Originaire de Redeyef, ce jeune blogueur a commencé à militer lors des grandes grèves du bassin minier de Gafsa en 2008, mouvement précurseur de la chute du régime de Ben Ali. « Je faisais des vidéos et des photos de l’événement, puis j’ai commencé à bloguer. Ma relation avec les mouvements sociaux a commencé dans ce cadre-là. » Ce qui l’intéresse aujourd’hui, c’est de savoir ce que les mouvements tunisiens vont faire de ce forum, et s’ils seront en mesure d’organiser leur lutte. « Depuis 2008, les mouvements sociaux font tout : ils manifestent, sont réprimés, mais rien ne change malgré leurs sacrifices. La pauvreté, la marginalisation, le chômage continuent. C’est un printemps arabe qui n’a pas fleuri. »

« C’est une révolution trahie, poursuit Abderrhamane Hedhili du Comité d’organisation du FSM. Une révolution, ça donne de l’espoir normalement à la jeunesse. Et pourtant, environ 40 000 jeunes ont quitté le pays, ceux-là mêmes qui étaient à l’avant-garde car ils ne voyaient pas de solutions à court terme pour leur avenir ici, en Tunisie. » Selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, la plus grosse vague d’émigration a eu lieu entre février et mars 2011, dans les semaines suivant le départ de Ben Ali. Le pays affiche un taux de chômage officiel de près de 18 %... 40% chez les femmes diplômées. « Ce n’est pas les religions qui étaient au cœur du débat, mais les questions de chômage, de santé, d’éducation, explique Abderrhamane. La révolution tunisienne était d’ordre social à 100 %. L’objectif du forum est de faire réapparaitre ces questions. »

S’inspirer de l’Amérique latine

Des mineurs de Gafsa aux ouvrières des usines textiles de Monastir, en passant par le mouvement des mères des disparus, de nombreux acteurs de la révolution qui ont renversé un régime dictatorial qui perdurait depuis 24 ans, devraient contribuer à la dynamique du Forum social mondial. Même les syndicats, qui ont annoncé une grève dans les aéroports de Tunisie au moment de l’ouverture du forum, ont reporté ce mouvement par « geste de solidarité ». Ce forum sera-t-il aussi en mesure de gagner les quartiers populaires ? Rohmdane en doute du fait d’un manque de moyens. « Le Forum social mondial est fait pour eux, mais on leur demande de financer leur hébergement et leurs déplacements, alors qu’ils ne peuvent même pas se payer des cigarettes ».

Impliqué dans le Forum social maghrébin, Hamouda Soubhi, l’un des responsables du Forum social Maghreb-Machrek, voit dans le FSM de Tunis la possibilité d’en élargir son assise. « Beaucoup de gens croient que ce qui s’est passé en 2011 en Tunisie c’était LA révolution. Or, 2011 n’est pas une goutte d’eau mais une boule de neige qui a pris dès les années 2000 en partant du Maroc, de l’Égypte, de l’Algérie, puis de Gafsa. » Ce forum devrait favoriser des échanges sur toute la région. Hamouda espère notamment que les expériences venues d’Amérique latine, du Mercosur – le marché commun latino-américain – et de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), inspireront ses concitoyens. Les témoignages qu’apportent Brésiliens, Argentins ou Vénézuéliens à Tunis seront cruciaux.

Les droits des femmes, un sujet tendu

« Ce forum va être au cœur de questions déterminantes pour l’équilibre géopolitique mondial », ajoute Amélie Cannone, une militante altermondialiste travaillant pour le comité d’organisation. De nombreux débats seront dédiés à la question syrienne et libyenne mais aussi palestinienne, et sahraoui. D’autres thématiques plus « classiques » du champ d’action altermondialiste seront bien sûr présentes, comme la domination des multinationales et l’épuisement des ressources naturelles. « L’accaparement de la rente minière est un élément de transversalité important dans la région, et un point d’entrée riche pour aborder les questions de justice écologique et de démocratie. Faire avancer une réflexion sur le changement de modèle et structurer les mouvements d’opposition dans la région est un des défis. » Ces thèmes côtoieront des sujets plus tendus, alors que certains courants islamistes tunisiens, proches du gouvernement, ont manifesté leur défiance vis-à-vis du forum. « Les droits des femmes et les traditions, principal obstacle dans leurs libertés, ne seront pas des questions périphériques mais bien transversales, ajoute Layla. C’est vrai que la révolution est économique et sociale, mais elle est aussi culturelle et on ne peut l’occulter. »

Poussé par le souffle révolutionnaire, le processus d’organisation même du FSM rassemble des cultures militantes extrêmement diverses. Avec son lot de frustrations pour les nouvelles générations, mais aussi de réussites. « Le renouvellement des pratiques, la capacité à intégrer des mouvements sociaux plus récents travaillant différemment et représentant de nouveaux types de dynamiques sociales, sont des questions importantes à poser, analyse Amélie. Certes, les mouvements des Indignés, Occupy, les printemps arabes, n’étaient pas dans le processus des forums mais ce dernier les a nourris, et l’on trouve énormément de connexions. » « La question n’est pas de savoir si les Forums sociaux mondiaux s’essoufflent ou pas, assure Hamouda. Le FSM fait partie d’une dynamique. Qu’il meure ou qu’il vive, nous continuerons à construire sur la diversité et l’horizontalité. » Les lumières qui brillent à l’université El Manar repousseront-elles les obscurantismes ?

Sophie Chapelle

Source : http://www.bastamag.net/article2996.html

E) Dignité, liberté, égalité… le Forum social mondial veut un changement de société

Tunis, envoyé spécial. Le Forum social s’est ouvert mardi dans une Tunisie divisée. Dans la manifestation de lancement, les femmes rappelaient qu’elles refuseraient de se faire confisquer leurs droits.

Dans les rues de Tunis, des stands, des slogans, des banderoles… La onzième édition du Forum social mondial, la première dans un pays du Maghreb, a débuté. La ville semble vibrer au rythme de cet événement international. Mardi, la manifestation de lancement a vu plusieurs milliers de personnes se rassembler pour exiger, dans les rues de la capitale tunisienne, une rupture avec les politiques libérales qui dominent dans le monde. Les femmes, qui avaient ouvert les débats avec l’assemblée des femmes, étaient présentes en nombre.

Alternatives

Myriam Nobre, coordinatrice du secrétariat international de la Marche mondiale des femmes, est dans le cortège. Elle est venue du Brésil pour « exprimer la solidarité envers la lutte des femmes tunisiennes mais aussi pour dire que beaucoup d’enjeux qui concernent les femmes tunisiennes touchent, en réalité, toutes les femmes dans le monde ». Pour elle, « face au défi que représente la montée des conservatismes, il faut placer le féminisme au centre des débats et apporter des réponses à la question de la crise – des réponses qui soient différentes de l’austérité – ainsi qu’à celle des réactions qui affectent le corps de femmes. » Le FSM est, dit-elle, un moment important pour débattre de ces questions et proposer des alternatives.

Ce mot revient aussi dans la bouche de Naïla Ouardi de l’association UniEs vers elles, une association féministe mixte franco-tunisienne. Elle vit entre la France et la Tunisie. « Il est important, et symbolique, que ce FSM se tienne dans ce pays », explique-t-elle. Car, après le soulèvement populaire qui a fait tomber le dictateur Ben Ali le 14 janvier 2013, la Tunisie reste à reconstruire. « Je participe à cette manifestation en tant que féministe et crois beaucoup en la lutte des femmes et féministes pour la libération de la Tunisie », souligne-t-elle. Libération ? « De la troïka [les partis qui dirigent le pays, NDLR], de la droite classique… » De ceux-là même qui essayent, aujourd’hui, de renvoyer les femmes au foyer.

« Les femmes ont été partie intégrante de la révolution, rappelle la militante. Nous pensions qu’ensuite, le statut des femmes serait amélioré. Mais la déception a été grande ! Les femmes sont les grandes victimes », dit-elle, ainsi que ceux qui les défendent, le regard rivé sur une affiche arborant le portrait de Choukri Belaïd, le dirigeant de gauche assassiné. Il était en passe de réaliser un front populaire. « Il a été tué parce qu’il défendait la démocratie et la laïcité dans le pays. Certains veulent oublier que la liberté des femmes est une constituante intrinsèque de la Tunisie. Sans égalité, il n’y a pas de démocratie. »

Fabien Perrier, L’Humanité

D) Face à Davos, dix ans de forums sociaux pour construire un autre monde

De Porto Alegre à Tunis « La société civile planétaire suit son propre chemin, qui n’est ni simple ni linéaire »

D1) Rappel des Forums Sociaux Mondiaux précédents

Forum Social Mondial de Dakar FSM DAKAR (janvier 2011) : DÉCLARATION DE L’ASSEMBLÉE DES MOUVEMENTS SOCIAUX (8 articles)

Forum Social Européen d’Istanbul : Déclaration finale (4 articles)

Le Forum Social de Dakar en février 2011 "marquera l’histoire du processus de construction d’un autre monde" (ATTAC)

C) Préparation du FSM en Tunisie

C1) 3ème Forum mondial des médias libres à Tunis du 24 au 30 mars 2013

C2) Déclaration de Hammamet

Pour accéder à cette déclaration, cliquer sur le titre C2 ci-dessus.

C3) Déclaration des organisations et des mouvements sociaux participants au forum social local de Jendouba

Dans le cadre de la préparation et la mobilisation pour le forum social mondial, l’union des diplômés chômeurs « UDC » a organisé, avec la participation d’une quarantaine d’associations et d’organisations non-gouvernementales régionales des gouvernorats de Jendouba, el Kef, Béja et Siliana, le forum social du Nord-Ouest à Jendouba le 25, 26 et 27 Janvier 2013 sous le slogan « pas de dignité sans justice sociale ».

Le forum comprenait deux conférences (2), des ateliers (6), des projections de films (4), une exposition des produits artisanaux et des tables rondes ouvertes (3). Ces activités se sont caractérisées par des débats rigoureux et profonds sur des thèmes sociaux, économiques, politiques et culturels comme le chômage, la marginalisation de la femme, la colonisation culturelle, la démocratie, le développement et le développement local, l’exploitation des richesses, la citoyenneté, l’exploitation des enfants, la centralisation excessive, l’endettement, et l’avenir du tissu associatif.

La plupart des participants ont convenu que le principal responsable de la souffrance, la marginalisation et l’exclusion du secteur Nord-Ouest sont les gouvernements laquais qui ont dirigé la Tunisie, fidèles serviteurs de la politique impérialistes, approfondissant l’inégalité sociale et consacrant les disparités régionales.

Les participants au forum social interrégional déclarent :

1. Leur attachement à la charte de Porto Allègre et leur participation à la préparation du forum social mondial qui aura lieu à Tunis en Mars 2013.

2. Leur conviction que la lutte contre le capitalisme sauvage et ses clients est une partie intégrante de la lutte de l’humanité contre la marginalisation, l’exclusion et l’appauvrissement.

3. L’exigence du rôle de la société civile dans le soutien des politiques et des options qui visent à construire des communautés équilibrées et cohérentes, à une répartition équitable des richesses, et à instaurer le droit des peuples et des régions de participer à la prise de décision et de choisir leurs destins.

4. La mobilisation populaire et associatives contre ce modèle de développement injuste et contre le politique capitaliste sauvage qui ont appauvri et marginalisés notre peuple et la totalité de peuple de monde et la continuation de la lutte afin de répondre le droit de catégories sociale et de régions dépourvues.

5. Il est impératif que le tissu associatif assume ses responsabilités dans la lutte contre toute forme de colonialisme, de centralisation, de discrimination, de dépendance et d’endettement, et a travers l’élaboration des cadres des actions participatives.

B) LES ENJEUX DU FORUM SOCIAL MONDIAL DE TUNIS

par Gustave Massiah Représentant du CRID Au Conseil International du FSM

Le Forum Social Mondial de Tunis (FSM), du 26 au 30 mars 2013, sera un moment de convergence des mouvements sociaux et citoyens qui inscrivent leur action dans une perspective altermondialiste. En partant des mouvements, il sera l’occasion de penser l’évolution de la situation mondiale et mettra l’accent sur la manière de renforcer le processus au service des mouvements sociaux et citoyens, de leurs mobilisations, de leurs luttes et des alternatives qu’ils portent. Parmi les enjeux, on peut retenir l’évolution de la situation mondiale, la stratégie des mouvements, l’évolution des printemps arabes, le nouveau cycle de luttes et de révolutions ; l’évolution du processus des forums sociaux mondiaux.

B1) Les mouvements et l’évolution de la situation mondiale

Le FSM de Tunis permettra aux mouvements de confronter, à partir de leurs situations, leurs appréciations de l’évolution de l’état du monde. Malgré la profondeur de la crise, la bourgeoisie financière reste encore au pouvoir et la logique dominante reste celle de la financiarisation. Mais la mondialisation est en train d’évoluer et ses contradictions augmentent. Elle se traduit par une différenciation des situations suivant les régions du monde, une sorte de dérive des continents. Chaque grande région évolue avec des dynamiques propres et l’évolution des mouvements sociaux cherche à s’adapter à ces nouvelles situations. Cette évolution modifie les conditions de la convergence des mouvements.

En Amérique Latine, des régimes desarrollistas ou développementalistes, mettent en place des politiques post-néolibérales. Des politiques qui ne sont pas du tout anticapitalistes et qui combinent des gages au marché mondial des capitaux et des politiques sociales avec des redistributions. Elles ont pour conséquence une forme de banalisation de l’altermondialisme et une fragmentation des mouvements sociaux. En Asie, des alliances combinent des bourgeoisies étatiques, nationales et mondialisées. Comme en Amérique Latine, se pose la question sur le rôle des mouvements sociaux des nouvelles puissances qu’on appelle faute de mieux « pays émergents ». Dans ces deux régions, le mouvement social s’organise autour des travailleurs en lutte pour leurs droits et leurs salaires, qui passent des alliances spécifiques avec la bourgeoisie étatique, d’autant que cette dernière contrôle une partie de l’appareil productif.

Au Moyen Orient, le nouveau cycle de luttes et de révolutions débouche sur une période de fortes contradictions. La présence réelle des mouvements est confrontée à l’émergence de forces politiques se référant à l’islam con-frontées au pouvoir gouvernemental, et à l’instrumentalisation des grandes puissances qui cherchent à compenser la chute de leurs alliés dictateurs en jouant des situations. En Afrique, la course aux matières premières et à l’accaparement des terres et la multiplication des conflits et des guerres qui en résulte brouille la dynamique éco-nomique réelle et la vivacité des mouvements.

En Amérique du Nord, les nouveaux mouvements, occupy et carrés rouges, sont confrontés à la violence de la réaction des pouvoirs économiques et à la montée des conservatismes inquiétants. En Europe, les mouvements sont confrontés à trois défis principaux : la précarité, la xénophobie, la définition d’un projet européen alternatif. Le premier concerne l’indispensable et très difficile alliance pour les luttes communes entre travailleurs précaires et travailleurs non-précaires. Le second concerne la montée des idéologies racistes et xénophobes qui prolifèrent à partir de la peur et des insécurités sociales, écologiques et civiques. Le troisième concerne la définition d’un projet européen alternatif qui se dégagerait du projet européen dominant et de ses impasses et qui traduirait en termes politiques et culturels l’unité du mouvement social européen.

Confrontés à la nouvelle situation et à la vigueur de la réaction conservatrice, les mouvements déploient une très forte combativité et beaucoup d’inventivité. Ils n’ont pas encore redéfinis les nouvelles formes et les priorités qu’ils veulent accorder à la convergence des luttes internationales. Ils sont conscients de son importance et restent présents dans les espaces existants, notamment dans les forums sociaux, sans toujours les investir avec une attention suffisante.

B2) La stratégie des mouvements

Dans les forums sociaux mondiaux, deux préoccupations sont présentes : la définition de mesures immédiates à imposer par rapport aux conséquences de la crise sur les conditions de vie des couches populaires et la nécessaire définition d’une orientation alternative

De nombreuses propositions immédiates qui ont été avancées dans le Forums depuis dix ans. Par exemple : la suppression des paradis fiscaux et juridiques ; la taxe sur les transactions financières ; la séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ; la socialisation du secteur financier ; l’interdiction des marchés financiers dérivés ; les redistributions de revenus ; la protection sociale universelle ; etc. Ces propositions ne sont pas révolutionnaires en elle-même. Elles sont reprises aujourd’hui par des économistes de l’establishment et même par certains gouvernements. Mais ces déclarations ne sont pas suivies d’effet car elles nécessitent une rupture avec le dogme néolibéral et la dictature des marchés financiers. Et ce sont toujours ces forces qui sont dominantes et qui n’accepteront pas, sans affrontements, de renoncer à leurs gigantesques privilèges. Dans le FSM la question posée est de mener les mobilisations à la hauteur des enjeux.

Une orientation alternative s’est dégagée dans les forums sociaux mondiaux. On peut organiser chaque société et le monde autrement que par la logique dominante de la subordination au marché mondial des capitaux. On peut organiser chaque société et le monde à partir de l’accès aux droits pour tous et de l’égalité des droits, du local au planétaire. Les mouvements sociaux préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique et démocratique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, le contrôle de la finance, le buenvivir et la prospérité sans croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits, etc. Cette rupture est engagée dès aujourd’hui à travers les luttes, car la créativité naît des résistances, et des pratiques concrètes d’émancipation qui, du niveau local au niveau global, préfigurent les alternatives

Entre la question de l’urgence, celle de la dictature du réalisme, et celle de la transformation structurelle, les mouvements sont confrontés à la nécessité de définir une nouvelle pensée stratégique. D’autant que les mouvements sont confrontés à la question très difficile des nouvelles stratégies militaires, celle de la guerre sans fin et de la déstabilisation systématique.

B3) L’évolution des « printemps arabes »

Le FSM aura lieu en Tunisie. Là où a commencé le nouveau cycle de luttes et de révolutions. Les insurrections méditerranéennes portent une espérance révolutionnaire. Ce qu’il y a de nouveau dans ce cycle de révolutions est en gestation ; il n’est pas prédéterminé. La période amène à ouvrir la discussion publique sur les révolutions et les ruptures. Quelques pistes peuvent être dégagées.

Le temps des révolutions est un temps long et n’est pas linéaire. Les ruptures ne sont pas définitives. Certaines situations sont déviées pour ramener les insurrections populaires à des guerres civiles. Les révoltes populaires contre les régimes dictatoriaux confrontés à des répressions sanglantes ouvrent, de plus, la possibilité à toutes les manœuvres des puissances dominantes et environnantes. Elles rendent plus difficile la perception des enjeux de long terme par rapport aux situations dramatiques.

Au-delà de la démocratisation, étape nécessaire, une orientation alternative à la mondialisation capitaliste est au-jourd’hui en gestation. Elle doit répondre aux contradictions sociales, écologiques, géopolitiques, démocratiques. Un autre enjeu majeur est celui d’une nouvelle phase de la décolonisation qui correspondrait au passage de l’indépendance des Etats, qui a caractérisé la première phase de la décolonisation, à l’autodétermination des peuples. Cette nouvelle phase de la décolonisation ne se réduit pas à la montée en puissance des pays dits émer-gents. Elle se construit dans la convergence des mouvements qui a progressé dans l’espace des Forums sociaux mondiaux. Cette nouvelle phase de la décolonisation va mettre sur le devant de la scène les questions de l’épuisement des ressources naturelles, particulièrement de l’eau, du climat, de la biodiversité, du contrôle des matières premières et de l’accaparement des terres.

Une part de ce qui est nouveau cherche son chemin à l’échelle des régions et n’est visible qu’à l’échelle d’une génération. L’Amérique Latine est sortie des dictatures il y a moins de trente ans. La démocratisation a donné naissance à une période de démocraties bourgeoises. Ces régimes ont mis en place des systèmes de croissances néolibérales, conformes à la logique dominante, et des démocratisations plus ou moins limitées. Et les Etats-Unis sont passés du contrôle des dictatures à des formes de contrôle des démocraties bourgeoises. Mais, dans ce processus, de nouveaux mouvements sociaux et citoyens se sont développés, modifiant la situation dans de nombreux pays et dans la Région et ouvrant la possibilité à de nouvelles évolutions.

Dans la région Maghreb-Machrek, les contradictions vont s’amplifier entre les tentatives de régimes conservateurs et les nouveaux mouvements sociaux et citoyens. Que seront les nouveaux mouvements sociaux et citoyens qui vont se construire dans la nouvelle période. C’est dans cette perspective que se situe la réflexion sur l’évolution de l’islam politique. C’est aussi dans cette situation que la réalité migratoire dans toutes les régions montre l’importance, exacerbée par la crise, du racisme et de la xénophobie dans toutes les sociétés. Les sociétés sont multiples et le rejet de l’étranger met en danger la cohésion de chaque société.

Le FSM de Tunis permettra l’expression de l’émancipation des peuples de la région : tunisien, marocain, sahraoui, algérien, égyptien, syrien, … Le peuple palestinien sera à l’honneur avec notamment la présentation des conclusions du tribunal Russell sur la Palestine et la marche de clôture du Forum qui lui sera dédiée.

B4) Le nouveau cycle de luttes et de révolutions

Le FSM à Tunis se tiendra là où la réponse des peuples, à l’accentuation de la crise en 2008 et aux politiques répressives d’austérité, a ouvert un nouveau cycle de luttes et de révolutions. Le vent nouveau parti de Tunis s’est d’abord propagé en Egypte. Il a mis en avant la lutte contre les dictatures et il s’est étendu à toute la région Maghreb-Machrek. Il a traversé la Méditerranée et s’est propagé en Europe du Sud, en Espagne, au Portugal, en Grèce en posant la question de la démocratie réelle. Il a trouvé un nouveau souffle en traversant l’Atlantique à travers les “occupy” Wall Street, London, Montréal. Il prend aujourd’hui des formes plus larges dans de nombreux pays du monde, au Chili, au Canada, au Sénégal, en Croatie, autour de la faillite des systèmes d’éducation et de la généralisation de l’endettement. Le pouvoir économique et le pouvoir politique, à travers leur complicité, ont été désignés comme les responsables de la crise. Ce qui a été démasqué c’est la dictature du pouvoir financier et la « démocratie de basse intensité » qui en résulte.

Au-delà des spécificités, ce nouveau cycle de luttes met en avant la justice sociale, le refus de la misère, des inégalités, de la corruption ; la revendication de systèmes démocratiques qui garantissent les libertés individuelles et collectives, la dignité de chacun ; les contradictions géopolitiques liées à l’hégémonie occidentale ; les contradictions écologiques de plus en plus sensibles. Elles mettent en lumière des contradictions sociales entre les couches populaires et les oligarchies. Elles remettent en cause l’hégémonie culturelle nécessaire à la domination des valeurs de la bourgeoisie et des élites dirigeantes.

Une des questions qui sera discutée à Tunis est celle du rapport entre les nouveaux mouvements et le mouvement altermondialiste. Ces mouvements ne se sont pas organisés dans le mouvement altermondialiste, même si de nombreuses relations ont existé dès le début. Les nouveaux mouvements sociaux ont leur dynamique propre. Les jonctions avec les mouvements plus anciens de l’altermondialisme existent mais elles sont diffuses. Les mouve-ments plus anciens de l’altermondialisme devront tirer les leçons de leurs avancées et de leurs limites. Et, comme le dit si bien Esther Vivas pour les nouveaux mouvements : « c’est un prologue ».

B5) La situation en Tunisie

L’appréciation du contexte tunisien est nécessaire. Un Forum social mondial n’est pas organisé par rapport aux situations internes mais il ne peut s’en désintéresser et chaque FSM a eu un impact sur la situation politique in-terne du point de vue des mouvements sociaux. Cette interrogation est très forte en Tunisie où la situation est relativement instable. Elle ne paraît pas pour l’instant remettre en cause la sécurité nécessaire à la tenue du FSM. Les différents courants intéressés par le FSM ont aussi affirmé que celui-ci ne serait pas un enjeu des luttes entre les tendances et un espace d’affrontements sur les questions internes à la Tunisie.

Le Secrétariat Tunisien du FSM 2013 s’inscrit dans le Comité de suivi du Forum social maghrébin qui en élargit l’assise. Ces mouvements tunisiens représentent une base large inscrite dans la société civile tunisienne. Une des questions posées est celle de l’organisation d’un forum inclusif permettant à tous les courants défendant des positions compatibles avec la Charte des principes du FSM d’y participer. Pour que le forum ne soit pas exclusif, il faut laisser jouer la diversité en l’élargissant aux mouvements qui peuvent naître de l’évolution de l’islam politique.

La question de la sécurité du Forum est souvent posée. Cette interrogation est très forte en Tunisie où la situation est instable. Il y a actuellement quatre pôles en confrontation : le pôle aujourd’hui majoritaire avec un groupe dominant, Ennahda dont la qualification va de « frère musulman » à « islamiste modéré » ; le pôle des partis de la gauche laïque dans lequel malgré sa fragmentation on retrouve les principaux organisateurs du forum ; le pôle conservateur traditionnel qui regroupe des forces de l’ancien régime et qui reste influent dans la police et l’administration ; le pôle dit des « salafistes » qualifié aussi de « islamiste radical », minoritaire mais très organisé et déterminé. Cette configuration est propice aux provocations ; chaque incident fait exploser l’ensemble. Pour autant, il y a une forme de stabilité relative dans la mesure où aucun pôle ne peut imposer son hégémonie et où la société reste très mobilisée. Après chaque affrontement, on revient à une situation d’équilibre. Pour l’instant, la sécurité nécessaire à la tenue du FSM n’est pas remise en cause ; bien qu’il n’y ait évidemment pas de situation avec un « risque zéro. Il y a aussi un accord pour que le FSM conserve sa dimension mondiale et ne soit pas un enjeu des luttes entre les tendances et un espace d’affrontements sur les questions internes à la Tunisie.

B6) La situation du processus des forums sociaux mondiaux

Le FSM joue un rôle central dans le processus des forums sociaux. Il est l’occasion d’événements spécifiques qui s’y préparent (Forum Mondial Science et Démocratie, Forums des Autorités locales, Forum de Parlementaires, Forum syndical, Forum des médias libres,..) et de l’organisation d’activités qui sont directement issus d’autres événements qui ont eu lieu ou qui se préparent (Rio+20, Forum des migrants d’Oujda, Forum Free Palestine, Tribunal Russell sur la Palestine, Forum Irakien, Forum Paix et désarmement, Florence+10 sur le mouvement social européen, Forum pan canadien, Forums Paix et désarmement à Sarajevo en 2014, etc.).

Les forums nationaux et régionaux explorent des voies de transformations politiques et ouvrent la question de l’évolution des régimes et des rapports entre les mouvements et les Etats. Des politiques post-néolibérales sont en gestation. Elles ne sont pas anticapitalistes mais elles cherchent des voies d’autonomie par rapport au marché mondial des capitaux et des possibilités de redistribution partielle. Par rapport à la fragmentation du mouvement social dans certaines situations, l’autonomie des mouvements sociaux reste la priorité, y compris dans les négociations et dans le soutien à certains régimes. Les forums thématiques approfondissent l’orientation stratégique, celle de l’égalité des droits et des mobilisations contre la logique du capitalisme. La liste des forums thématiques, régionaux et mondiaux s’allonge ; on en compte une cinquantaine pour la période 2012 à début 2013. Par rapport à la nouvelle période, le FSM de Tunis amorcera la mutation du processus des forums sociaux mondiaux.

A) Textes de lancement du FSM de Tunis

1) Appel du comité organisateur tunisien et maghrébin

Chers amis,

C’est avec un grand plaisir que le comité organisateur tunisien et maghrébin du FSM de Tunis qui se tiendra du 26 au 30 mars 2013 s’adresse à vous. Le comité organisateur est composé, entre autres, d’organisations tunisiennes qui ont été motrices dans le processus révolutionnaire qui a permis d’en finir avec la dictature et qui poursuivent aujourd’hui la lutte pour la défense et l’élargissement des droits sociaux et démocratiques.

Pour la première fois le FSM, créé il y a 12 ans à Porto Alegre, au Brésil, se tiendra dans le monde arabe, dans un contexte de bouleversement révolutionnaire dans toute la région. Deux ans de révoltes et de lutte ont renversé quatre régimes dictatoriaux, le premier d’entre eux ayant été le régime de Ben Ali en Tunisie, et le combat contre les dictatures continue dans de nombreux pays. Plus généralement le FSM de Tunis sera l’occasion de discuter et de préparer les mobilisations sur les enjeux centraux dans la situation internationale actuelle avec tous les nouveaux mouvements qui ont émergé ces dernières années.

Que vous soyez membre ou pas d’un mouvement ou d’une organisation, le site web du FSM vous donnera des informations sur la situation des mouvements en Tunisie et dans la région et sur les moyens de participer au forum, que vous vous rendiez à Tunis fin mars 2013 ou que vous y participiez à distance, dans une activité qui se tiendrait dans une autre région du monde. Vous pouvez donc souscrire à la liste mail du FSM qui vous communiquera toutes les deux ou trois semaines les informations utiles à la préparation du forum : http://www.fsm2013.org/news_inscription

Comme vous le savez certainement, les FSM sont préparés par les associations, syndicats, mouvements et ONG du monde entier qui proposent des activités et des débats puis se regroupent avec des mouvements d’autres parties du monde qui ont des préoccupations similaires. Pour ce faire, un site web vous permet d’y inscrire les mouvements auquel vous appartenez et d’y proposer des activités, et cela dans les quatre langues officielles de ce forum, l’anglais, l’arabe, l’espagnol et le français :www.fsm2013.org.

Jusqu’à mi-décembre 2012 vous pourrez proposer des activités, ensuite, et jusqu’à mi-février 2013, vous pourrez vous regrouper avec d’autres mouvements ou organisations et enregistrer définitivement vos activités.

Avec toute notre amitié militante,

Le comité organisateur tunisien et maghrébin

2) Forum Social Mondial de Tunis : contexte, axes directeurs, programme, commissions de préparation, organisation

Synthèse : Réunion internationale de préparation du prochain Forum Social Mondial, Tunis 2013 décembre 2012

Contexte général :

La situation sociopolitique en Tunisie a fait que le FSM ait un champ d’action assez limité. L’actualité a souvent bousculé ou freiné les actions de mobilisation.

Au sommet préparatoire organisé au Monastir en juillet 2012, il a été décidé de mettre en place 9 commissions : méthodologie et contenu, communication, mobilisation, finances, logistique, jeunesse, femmes, culture, santé et sécurité.

Une rencontre a été organisée du 14 au 16 décembre 2012 à Tunis pour évaluer l’état d’avancement du FSM et de ces commissions, ainsi que planifier la période qui précède le forum. Programme de a rencontre.

Axes directeurs du FSM :

- Faire des révolutions et leurs nouveaux acteurs le sujet principal du forum. Inviter les militants qui y ont participé ainsi que les blessés des révolutions et les familles des martyrs. Evoquer la place des immigrés dans ces processus.

- Réflexions sur l’avenir des révolutions et la situation de la Syrie.

- La présence féminine doit être visible et refléter leur participation dans les révolutions arabes et autres mouvements sociaux.

- Exposer les problèmes maghrébins : Sahara de l’ouest, ouverture des frontières entre le Maroc et l’Algérie, la situation des Amazighs dans l’Afrique du nord…

- Converger les problèmes de fond : régime international, crise mondiale, horizons du militarisme, migration : racisme et xénophobie, crise foncière et accaparement des terres…

- Unifier les luttes pour réussir les changements.

- Démocratisation de la culture.

Evaluation générale

- Un intermédiaire a été désigné pour établir la communication entre le comité de pilotage et le gouvernement. Ce dernier assure que le gouvernement est dors et déjà conscient de l’importance du FSM, qu’il soutient l’organisation sans intervenir dans le contenu.

- L’échange entre commissions locales et internationales doit être amélioré de sorte à pouvoir impliquer tout le monde dans l’organisation du FSM.

- Forum Social Etendu : ceci concerne les personnes qui ne pourront pas assister à Tunis et se fait suite à des inscriptions personnelles ou d’organisations sur le site web du FSM et des propositions d’activités avec option « étendu ». La participation à distance peut se faire par des télé-rencontres, télé- participation ou des activités sans accès internet hors Tunis.

- Inscriptions : 1050 organisations inscrites et 658 activités proposées. 20000 visites ont été enregistrées dont la part la plus importante revient à la Tunisie. Peu de visites ont été enregistrées au niveau de l’Amérique du Sud, l’Afrique Subsaharienne et l’Asie car la mobilisation dans ces régions est très limitée et ce à cause du manque de moyens logistiques et financiers. L’ATFD a proposé de prendre en charge quelques personnes venant de ces régions. Une collaboration avec le ministère de l’intérieur est prévue pour faciliter l’obtention du visa surtout aux ressortissants de pays où la Tunisie n’a pas d’ambassade. La première langue utilisée dans le site est l’arabe. On s’est accordé de ne pas avoir recours à la traduction en italien et en allemand.

- La société civile présente au FSM se doit d’être diversifiée. Il a été convenu de faire participer les quartiers populaires et défavorisés, les personnes à mobilisation réduite et celles en situation d’handicape.

- La première estimation du budget s’est élevée à 1 700 000 € qu’on a ensuite baissé à 1 500 000 €. Les ressources certaines s’élèvent à 600 000 €. La mobilisation n’est pas comprise dans le budget. Cependant certains fonds sont ponctuellement déployés à cet effet. Les dépenses relatives aux participants sont prises en charge par leurs organisations.

• Commission mobilisation et communication (extraits)

- Algérie : vu le contexte sociopolitique et la répression policière, la réunion du comité de suivi en Algérie a été reportée. La mobilisation y est difficile et un appui financier y est requis pour pouvoir diffuser l’information et éviter d’avoir un seul vis-à-vis. Des rencontres de mobilisation thématiques sont cependant prévues, ainsi que des rencontres avec le comité de suivi et les coordinateurs internationaux.

• Commission culture

a- Au sein du forum, la culture va s’articuler autour de plusieurs axes dont les plus importants sont les suivants :
- La manipulation de la culture, sa marginalisation et sa place dans le développement.
- La démocratisation de la culture.
- Les nouvelles expressions culturelles peuvent elles être incluses dans la culture alternative ?
- La diversité culturelle dans le monde et en Tunisie.
- Patrimoine et mémoire.
- Culture de la paix, culture universelle, convention de Fribourg, convention de l’UNESCO.
- Le statut de l’artiste.
- La lutte contre la culture de domination. b- Programme du FSM

- Journée du 26 Mars : marche populaire à caractère festif.

- Journée du 27 Mars : journée des révolutions et des nouveaux acteurs. 3 slots autogérés + une ½ heure ou une heure en soirée pour les assemblées des convergences.

- Journée du 28 Mars : 3 slots autogérés + une ½ heure ou une heure en soirée pour les assemblées des convergences.

- Journée du 29 Mars : 2 slots pour les activités autogérées, dernier slot pour les assemblées des convergences

- Journée du 30 Mars : assemblées des assemblées le matin, puis clôture l’après-midi. L’heure et le lieu de la manifestation reste à étudier.

• Commission jeunes

- La région Maghreb-Machreq a connu un mouvement populaire et social, dont le moteur principal est les jeunes. Ces personnes en furent les premières victimes. Les révolutions ont été récupérées par des mouvements religieux qui n’y ont pas contribué. Ces derniers ont maintenu une politique impérialiste et militarisée.

- En Tunisie : Des rencontres sont prévues à Tunis, au Kairouan et à Gafsa, avec l’appui de l’UGTT. Le Forum régional de Séliana sera organisé le 13 et14 janvier et celui de Monastir se tiendra du 24 au 27 janvier.

- Au Maroc : 10 rencontres régionales sont programmées.

- En Algérie : sont programmées des rencontres de coordination, rencontres de jeunes ouvertes au Maghreb- Machreq, ainsi qu’une caravane.

- En Egypte : des rencontres régionales sont prévues pour les dates du 29 et 30 janvier.

- En Palestine : mobilisation du mouvement des jeunes palestiniens réfugiés.

- Inclure les jeunes du Yémen, Bahreïn et Syrie.

• Dynamique femme

- La commission a mis l’accent sur les valeurs suivantes : l’égalité, la dignité, la liberté et la citoyenneté.
- Rôle des femmes dans la société. Droits économiques et sociaux des femmes et unification des luttes.


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