Echos du 14 novembre (Montpellier, Francfort, Rome, Caen, Tours, Madrid)

lundi 19 novembre 2012.
 

Meeting de Montpellier (PG 34)

Après avoir battu le pavé derrière les organisations syndicales en présence de plus de 2000 personnes, l’après-midi, le Parti de Gauche de l’Hérault a organisé le soir même un meeting régional en présence de François Delapierre, secrétaire national du Parti de Gauche, sous la présidence de René Revol et Myriam Hubert, co-secrétaires départementaux.

Cet échange convivial s’est déroulé devant plus de 300 personnes enthousiastes bien décidées à en finir avec cette politique d’austérité.

Dans son discours, François Delapierre a souligné le caractère historique de cette journée, car pour la première fois les syndicats européens se sont mobilisés et ont organisé une mobilisation commune contre la politique européenne d’austérité et ce à travers toute l’Europe.

Son intervention a été ponctuée par trois témoignages : Le premier celui de Dimitri, camarade grec, qui a exposé l’état de détresse et d’urgence sociale de ces concitoyens. De retour de Grèce depuis peu, Il nous a fait part de la réelle attente des citoyens envers SIRIZA, considéré comme le seul recours possible qui permettra le retour à une démocratie sociale et populaire.

Le second témoignage, celui de Christian Allègre, délégué intersyndical de SANOFI, est revenu sur son combat contre le plan de suppressions de postes. Au-delà de l’aspect local qui touche l’antenne de Montpellier, il a insisté sur le fait que la recherche et le développement étaient plus que négligés en France, considérés comme des marchandises. Et que pour la direction de Sanofi seul le profit et la rentabilité compte.

Enfin, le dernier témoignage a ému toute la salle, Brigitte, postière à Montpellier, a expliqué la situation actuelle des salariés de la Poste depuis la privatisation, entre stress et détresse humaine. Elle a aussi insisté sur la pression subie par les salariés syndicalistes et sur toutes les pratiques de la direction qui ne correspondent plus à de réelles missions de services publics.

François Delapierre a conclu ce meeting en présentant le contre-budget défendu par le parti de Gauche et en insistant sur le fait que le réel changement social et économique est possible.

Ce rendez-vous s’est terminé par une salle chantant l’Internationale et des échanges fraternels autour d’un verre.

Francfort (Pierre Arthuis)

... Le second rassemblement avait lieu devant le Consulat général de Grèce à 14h. Des membres de Die Linke et du Deutsche Kommunistiche Partei étaient là avec quelques syndicalistes et des membres du mouvement Occupy.

Je sors mon drapeau du FdG, et me fait apostropher par Thomas, un autre français.

Traducteur, il revient de Florence 10+10 où il avait offert ses services. On discute pas mal, et il se dit assez enthousiaste. D’après lui, les mouvements sociaux européens semblent sortis de dérives un peu nationalistes pour aboutir à une véritable organisation européenne des luttes.

Un journaliste de hr1, la radio de la Hesse, en profite pour prendre quelques photos et poser des questions. Je bafouille dans un allemand encore approximatif que le FdG soutient la grève, et que nous participons également aux manifs en France.

Ensuite je poursuis la discussion avec un camarade de Die Linke, assez content de pouvoir échanger avec un français, et un non-encarté. Au cœur du débat : le rôle d’éducation populaire des mouvements politiques, les objectifs qui doivent être ceux de la gauche radicale.

Après une pause-café pour se réchauffer, retour vers le Consulat à 18h pour le début de la manifestation. Nous avons été rejoints par des membres du MLPD (marxiste-léniniste), de ISL (parti-frère du NPA et de la GA), de la FAU (anarcho-syndicalistes), par les organisations de jeunesses des différents partis, ainsi que par pas mal de syndicalistes. On aperçoit également deux drapeaux de Izquierda Unida. Nous sommes à vue de nez entre 200 et 300 à partir. La manif avance dans une ambiance bonne enfant. Les travailleurs en lutte de Marendo sont là avec un porte-voix (ils rendront d’ailleurs visite à leur ancien employeur en chemin). A part eux, ce sont les anars et les jeunes de Die Linke qu’on entend le plus. Des slogans assez simples et efficaces : "Hoch die internationale Solidarität", "Anti-Anti-Anti-Kapitalismus" ou encore Staat, Nation, Kapital : Scheiße".

Un membre de ISL vient discuter avec Thomas et moi-même. Il nous invite à participer à une soirée sur la politique française qu’il organise en décembre, avec la participation d’une camarade du NPA Strasbourg. Nous arrivons tranquillement devant la BCE, après avoir été rejoints en route notamment par les syndicalistes d’IG Metall.

Première prise de parole des organisateurs, pour annoncer que nous sommes trois fois plus qu’espéré initialement, soit entre 600 et 700. Puis les travailleurs de Marendo interviennent, évoquant la similarité entre leur sort et celui des travailleurs grecs, espagnols ou portugais.

Puis prise de parole de Janine Wissler, chef de la fraction Die Linke au parlement régional. Très bonne intervention, qui souligne que ce sont des intérêts de classe qui sont en jeu, les mêmes chez tous les travailleurs européens, et non des intérêts nationaux comme on voudrait le faire croire. Elle rappelle que notre rôle est également de lutter contre le sort réservé aux migrants par l’UE (il y a eu des manifestations à ce sujet à Berlin récemment) et aux étrangers (référence entre autre à la montée d’Aube dorée en Grèce ?).

Pour terminer, un membre d’Occupy évoque les mobilisations à venir autour de la European Finance Week, et notamment la manifestation qui s’invitera aux fenêtres du dîner de clôture du 23 novembre. Nous constatons avec Thomas que contrairement à ce qui avait été demandé, certains ont pris un malin plaisir à ne pas dégager les voies de tram. Les carrefours alentours sont donc partiellement bloqués. On se sépare en chanson, avec une guitariste-chanteuse d’Occupy. Le camarde de Die Linke me demande de vous saluer (ce qui est donc fait), et chacun rentre chez soi.

Rome : Journée de mobilisation européenne (par Guillaume Mariel)

Il y a eu une très bonne participation ici en Italie à la grève générale du 14 Novembre malgré la faiblesse (voire l’inexistence pour la CISL et la UIL) des appels à la grève des organisations syndicales.

La CGIL a organisé ses petits cortèges dispatchés un peu partout dans les "préfectures" mais a obtenu peu de participation. La grève étant de 4 heures (le matin) le gros des cortèges et des places s’est dissous avant 13h00. A noter que Susanna Camusso (secrétaire nationale CGIL) a tenu un discours presque de gauche en cette journée.

La FIOM, de son côté, a organisé son cortège à Pomigliano (usine FIAT ou 154 inscrits FIOM n’ont toujours pas été réintégrés sur le poste de travail alors que la justice s’est plusieurs fois exprimée en leur faveur), Maurizio Landini et Paolo Ferrero (Partito della Rifondazione Comunista) étaient présents. Bonne participation et revendications en ligne avec la plateforme de la CES.

Les vrais manifs, la vraie colère, les vraies charges de la police étaient du côté des quelques 300 000 étudiants et lycéens qui sont descendus dans la rue en dehors du cadre asphixiant des syndicats confédéraux (mais avec les syndicats de base, USB et COBAS) avec leurs enseignants, précaires ou non. 40 000 à Rome, 50 000 à Milan et 40 000 à Naples (juste pour mesurer la distance à Pomigliano les organisateurs revendiquent la participation de 7 000 personnes...) et 20 000 à Turin auto organisés et très remontés contre les politiques d’austérité qu’applique le gouvernement Monti (et qu’appliquera n’importe quel autre gouvernement qui sera élu lors des prochaines élections).

Quant aux violences qui se sont répétées partout dans le pays (Turin, Padoue, Milan et surtout Rome) elles sont le résultat d’un cocktail dramatique fait de destruction de l’avenir, d’absence d’organisation politique légitime et crédible pour exprimer démocratiquement les justes revendications et surtout le choix manifeste de criminaliser le conflit social de la part du gouvernement. Déjà en Octobre, lors des premières manifestations étudiantes la violence policière avait été employée pour tenter de briser le mouvement, contraignant les étudiants et lycéens à poursuivre leurs actions de l’intérieur de leurs établissements (un grand nombre d’occupations de fac et lycées ont lieu en ce moment un peu partout).

Pour en ajouter un peu sur le côté pathétique des syndicats et partis politiques de centre gauche italien (PD PSI et SEL) après le matraquage systématique des étudiants, la CGIL a protesté contre les violents qui délégitiment les manifestations se maintenant équidistante de la police et des manifestants, le Parti Démocrate dans la même ligne condamne "toutes les violences". SEL (Sinistra Ecologia e Liberta, scission social-démocrate de Rifondazione Comunista proche du PD) a tout de même demandé "officiellement que les matraqueurs soient reconnaissables au travers d’un numero d’identification visible sur les uniformes ». Quant au le Parti Socialiste Italien, il n’a rien à dire et ne dit rien, consternant. Seuls nos camarades de Rifondazione ont ouvertement lié la violence de la répression policière à un acte voulu et recherché de la part du gouvernement.

Ifs (périphérie de Caen) par Karinne Gualbert

A l’esplanade François Mitterrand à Ifs, dans la périphérie de Caen, le meeting du Parti de Gauche contre l’austérité a attiré du monde : plus de 200 personnes. Parmi eux le maire d’Ifs (div. gauche).

Durant près de deux heures, le secrétaire national à l’économie, Jacques Généreux, a présenté le contre-budget rédigé par le parti. Cette rencontre a été aussi l’occasion pour le Front de Gauche de démontrer, une fois de plus, l’unité, la force et la profondeur des aspirations à une véritable politique de Gauche.

A la tribune se sont succédé des porte-paroles du PCF, de la Fase, de la GU, de la GA, des syndicalistes de Petroplus, de l’intersyndicale de la maternité de Vire pour exprimer leur rejet de la politique « austéritaire » du gouvernement Ayrault et présenter les lignes d’un programme économique responsable écologiquement et socialement.

Les lois à abroger et celles qu’il faudrait proposer d’urgence ont été pointées : loi Bachelot, tarification à l’acte, interdiction des licenciements boursiers, etc. Cette liste se confond avec celle des reniements et des renoncements de l’ancien candidat à la présidentielle qui promettait le changement. Ce défaitisme est du point de vue de la tradition de la Gauche une trahison. Disparu l’ennemi de la finance, disparu le régulateur des excès du capital promettant une ISF.

Pour justifier ces renoncements, F. Hollande a eu l’inconscience de déclarer que si la politique a changé, la réalité, elle, n’a pas changé. Mais si la réalité n’a pas changé, c’est que le pouvoir n’a pas changé ! A ceci près que cette absence de changement, signifie plus gravement, pour un gouvernement qui se prétend de gauche, un renoncement à la politique.

L’absurdité économique du projet de budget placé sous le postulat de la compétitivité oblige à conclure à l’improvisation et à l’incompétence. Le diagnostic sur les causes structurelles des déficits publics étant erroné, les remèdes proposés ne feront que les aggraver. La politique de compétitivité se traduira, si l’on n’y met pas un coup d’arrêt, au niveau européen par une dépression économique profonde, des troubles sociaux et politiques graves.

Metz (par Kamal Berger)

A Metz nous avons participé à la manif de 17h00 et organisé un meeting à 20h00.

La journée a commencé à 15h00 mercredi pour les militants du PG. Nous nous sommes retrouvés au point de rendez-vous de la manifestation pour y installer un point fixe, qui nous a permis accessoirement de faire la promotion de notre meeting pendant 2 heures. Nous avons pour certains rejoint la manifestation, les autres se sont attelés à la préparation de la salle du meeting.

L’appel des syndicats aura réuni un millier de participants syndicalistes de tous bords.

Pour le meeting, la dimension européenne donnée par nos deux intervenants principaux Alexis Corbière pour le PG et Heinz Bierbaum pour Die Linke a permis aux citoyens qui s’étaient déplacés pour l’occasion, de bien prendre la mesure de la nécessité d’accentuer la solidarité entre les peuples qui subissent tous les mêmes mesures d’austérité.

Heinz Bierbaum a mis l’accent sur la journée du 14 novembre, qui selon lui n’est pas une date qu’il faudra considérer simplement, malgré la forte mobilisation dans toute l’Europe, comme une date historique, mais qu’elle s’inscrit comme le début d’un mouvement initié dans la solidarité entre les peuples.

Alexis Corbière nous a, lui, reprécisé les fondamentaux de gauche pour les comparer aux politiques menées en France et en Europe, avant d’enchaîner sur le contre-budget. La réunion s’est terminée comme il se doit par un pot de l’amitié.

Tours

Un millier de manifestants à Tours et parmi eux, les militants du Parti de gauche et du Front de gauche. Le soir c’était salle comble pour le meeting anti-austérité organisé par le PG 37. La salle de de 100 places des Halles au centre de la ville débordait avec entre 30 et 50 personnes debout et dans le couloir.

Le meeting a été l’occasion de donner la parole aux animateurs du PG 37, aux partenaires locaux du FdG (pcf, g), partenaires syndicaux (sud CGT 37) associatifs (convergences services publics), jean-Charles Lallemandaux jeunes du Front de Gauche et aux SN du PG Raquel Garrido et Jean-Charles Lallemand pour dénoncer l’austérité , les politiques libérales et les renoncements sur les luttes féministes et écologistes en cours en France, en Grèce et partout en Europe et proposer une alternative à gauche, à partir des exemples d’Amérique latine et des positions du Front de Gauche.

A entendre les positions de François Hollande et du Gouvernement, nous ne sommes plus "l’autre gauche" : nous sommes la Gauche !

Madrid ( par Céline Meneses)

15h - Madrid, Espagne

Je suis à Madrid depuis hier soir. Ici la grève a commencé à 20h. Selon les syndicats, 80% des employés la suivent dans le pays avec un pic à 90% dans les transports. Deux des plus grosses usines du pays sont paralysées : Wolswagen à Pamplona et Seat à Barcelone. Dans la nuit, des heurts ont eu lieu entre la police et les grévistes dans plusieurs endroits du pays. On déplore déjà une quinzaine de blessés.

Au Congrès, pendant que le peuple manifeste sa colère, le débat budgétaire bat son plein. Le budget 2013, le plus dur depuis la mort de Franco, doit en effet être voté aujourd’hui même. Si les députés du PSOE (équivalent PS) ont annoncé soutenir la grève, seuls les députés d’Izquierda Unida (équivalent Front de Gauche) descendront dans la rue avec les manifestants. Ils seront de retour pour le vote mais de toute façon l’issue de celui-ci ne fait aucun doute : le PP (équivalent UMP) a la majorité absolue au Congrès.

Avec François, mon camarade et hôte, on part faire une petite ronde.

Dans la voiture, François m’explique que ses collègues ont souvent des conjoints dans le privé. Ceux-ci font l’objet de menaces très explicites et n’osent pas toujours faire grève. Ici une personne sur 4 est au chômage et les licenciements sont devenus très faciles : il suffit à une entreprise de déclarer qu’elle pourrait perdre des bénéfices pour pouvoir licencier. François me rappelle aussi qu’entre la hausse de la TVA et la baisse des salaires, les gens ont du mal à faire encore l’effort de perdre une journée de salaire.

Il m’annonce aussi une bonne nouvelle : au lycée français où François travaille, une dizaine de professeurs en contrats français ont décidé de faire grève en solidarité avec les collègues en contrats espagnols. Un beau symbole !

On arrive devant l’hôpital de la Princesa qu’ils sont en train de privatiser. A l’intérieur, une jeune femme nous explique qu’on est en train de privatiser six autres hôpitaux publics de la Communauté madrilène. L’hôpital de la Princesa recevait environ 500 000 patients par an. Les laboratoires de recherche etc étaient tous neufs. L’hôpital n’était pas déficitaire malgré les coupes budgétaires et l’ouverture de nouveaux services ! Les soins les moins chers seront privatisés. Pas les plus chers qui resteront du domaine du secteur public. Sa privatisation est en fait un vrai cadeau au secteur privé.

Antonio, qui travaille en hématologie, nous fait monter au 3ème étage. Ils y ont coller un tableau montrant que les hôpitaux privés coûtent beaucoup plus chers que les hôpitaux privés pour un service identique, voire moindre. Une dame nous emmène vers une salle où personnels et patients préparent des bannières pour mettre sur le fronton de l’hôpital. Ici on manifeste sur le lieu de travail de 11H à 18H tous les jours ! Cet hôpital a été l’un des plus grands hôpitaux de Madrid. Une infirmière qui a fait toute sa carrière ici depuis ses 16 ans veut absolument nous raconter l’histoire de cet hôpital. Le premier de Madrid. Sous la dictature l’hôpital était un vrai mouroir, nous raconte-t-elle. Elle nous raconte année après année les évolutions de l’hôpital, ses personnages clés. Sa voix tremble. Elle a les larmes aux yeux à chaque souvenir. François et moi sommes pressés... Mais comment ne pas écouter cette femme qui voit l’hôpital qu’elle a vu évoluer vers un rêve de médecine pour tous être bradé au non d’une idéologie barbare ?

On sort. Escortés par les CRS, les gens arrivent en masse et de partout aux cris de "Sanidad Publica" pour défendre cet hôpital symbole de la santé publique. Les caceroladas résonnent dans la rue. On s’éloigne à regrets mais il faut partir. "Sanidad Publica ! Sanidad Publica !" Les cris résonnent. Les sifflets et caceroladas aussi. La rue est maintenant bloquée. Les gens arrivent de partout. Applaudissent les groupes qui arrivent. Et c’est comme ça partout depuis hier soir 20H. Devant les lycées publics, les entreprises publiques, les grosses entreprises en tous genre.

Les piquets de grève vont durer jusqu’à l’heure normale de sortie du travail (18h). Après on se rejoint tous pour la manifestation direction le lieu de toutes les luttes et de toutes nos victoires : la Puerta del Sol !

16h30 - Madrid, Espagne

Hors de question d’inciter qui que ce soit à travailler. Les "indignés" se réunissent un peu partout sur les places pour déjeuner ce midi. Au menu : sandwichs et gourdes d’eau. François et moi on retrouve Thomas, un camarade du Front de Gauche Madrd, sur la place Santa Ana. Par chance, Thomas a un sandwich fromage huile d’olive ! Ouf ! Pas besoin de "trahir la consigne".

Thomas fait partie du mouvement dit "des indignés". Il me parle du mouvement et me passe le texte adopté par consensus par la dernière assemblée générale. L’appel dénonce les coupes budgétaires, insiste sur le fait que les femmes sont les premières victimes de la précarisation mise en place et appelle à la "grève générale et grève de la consommation". Thomas m’explique que des "indignés" font des rondes dans les boutiques pour expliquer l’importance de faire grève aujourd’hui et distribuer l’appel. Thomas s’interrompt. Au-dessus de nos têtes un hélicoptère tourne sans arrêt. "Ça te rappelle des souvenirs non ?" me dit Thomas qui sait que j’étais à Puerta del Sol en Mai 2011. "C’est comme ça depuis hier soir" me dit-il.

Une italienne arrive. Elle aussi est venue soutenir. Elle s’appelle Maria Francesca. Elle nous annonce qu’il y a eu beaucoup de blessés cette nuit, notamment à Valencia. Un garçon d’une dizaine d’années a été touché à la tête par les forces de police. A Rome, ces dernières sont en train de charger les manifestants, nous annonce-t-elle. Je lui demande combien de manifestants il y a à Rome. "Ils sont nombreux mais je ne sais pas combien" me dit-elle.

Le numéro des avocats de service passe de main en main. Je retrouve mes habitudes d’il y a un an et demi. On doit toutes et tous écrire le numéro de téléphone de l’avocat et son nom sur notre bras. Si on nous arrête on sait qui faire appeler. Dimitri, un camarade, nous a rejoints. La discussion tourne maintenant autour du cortège à rejoindre. Va-t-on avec les grands syndicats (CCOO proche d’Izquierda Unida et UGT proche du PSOE qui a appelé à la grève du bout des lèvres), accusés d’être "flojos" (faibles) face aux patrons et aux gouvernements, ou va-t-on avec le cortège dit "des mouvements sociaux" où seront la CNT et d’autres ? Avec les camarades du Front de Gauche on a déjà fait notre choix : on sera avec nos camarades d’Izquierda Unida dans le cortège "officiel", même si nous sommes conscients des critiques qu’on peut faire aux syndicats. Notre but est le même. Que chacun aille dans le cortège qui lui semble le plus à son goût. Nous sommes nombreux malgré tout à déplorer qu’il y ait deux cortèges. Mais tant pis. Au bout du bout on sera ensemble : c’est tout ce qui compte !

On compte les détenus. On en était à 82 à 13H. Les leaders syndicaux ont dénoncé publiquement le fait que le gouvernement de Rajoy conçoit la manifestation comme un "trouble à l’ordre public" et pas comme un "droit constitutionnel". En Espagne, constitutionnellement, toute manifestation est censée être permise pour peu qu’elle soit annoncée.

L’heure de la sieste est sacrée en Espagne. Rien n’est prévu entre 16H et 17H. On part donc prendre un café chez Thomas histoire de ne pas rompre la discipline de la grève générale. Les rues sont mortes. Magasins, cafés, tous sont fermés à de rares exceptions près (généralement les cafés et boutiques touristiques).

17h00 - Madrid, Espagne

17H il est temps de partir. Un dernier regard sur internet. Les policiers ont chargé à Cibeles. A Vigo, les rues sont remplies. On annonce plus de 150 000 personnes dans les rues... Dur de lâcher les infos mais il faut partir. Nous sommes attendus au Paseo del Prado par le reste du Front de Gauche Madrid. François nous a devancé. Thomas est parti chercher du monde place Santa Ana. Avec Dimitri on dévale à grandes enjambées la calle de las Huertas, la rue des bars par excellence. Incroyable mais vrai : 90% des bars sont fermés ! Et dans cette rue emblématique des nuits madrilènes, la grève s’affiche partout sur les murs (graffitis) et les vitrines (pegatines).

On arrive au Paseo. Partout la foule se déplace avec drapeaux rouges (CCOO et UGT), drapeau de la République (et oui et pancartes. On retrouve les camarades du Front de Gauche. François, Jean-Baptiste, Simon, Leo, Johanna, Nicole, Thomas, Stéphanie, Antoine... Et il y en a d’autres qui arrivent ! :) Nous avons tous une pensée émue pour notre camarade Juliette Estivill qui a été candidate ici en Mai et Juin et pour son suppléant Bruno Fialho et son directeur de campagne Alain Guillo. Ils n’ont pas pu venir mais ils sont présents en pensée avec nous :)

On rejoint la gare d’Atocha. Il y a du monde partout. Impossible de dire combien on est ! Les bannières contre les expulsions locatives sont en tête du cortège. "Arriba, riba, riba, todos a luchar que se metan por el culo la reforma laboral !" ("Debout, debout, à la lutte tout le monde, qu’ils se mettent leur réforme du marché du travail dans le c...!") chante tout le monde. La place est noire de monde !

Maxime, du Front de Gauche Madrid et du Parti Communiste Espagnol nous rejoint. On va pouvoir rejoindre les camarades d’Izquierda Unida. Les camarades sont loin. On cherche un moyen d’arriver jusqu’à eux.

Mais c’est dur : il y a tellement de monde ! Une vraie marée humaine en cris et chansons... J’en ai le tourni ! Les airs de mon enfance résonnent avec des paroles adaptées à l’occasion ("no nos corten las pensiones tralalala, no nos corten las pensiones tralalal" sur l’air de "vamos a contar mentiras"), les chants de la révolution de Puerta del Sol ("lo llaman democracia y no lo es"), et ses sifflets et ses klaxons assourdissants qui résonnent sans cesse !

Il y a de tout ici. Des très jeunes, des très vieux, des français (qui nous rejoignent), des médias (en nombre). BFM est là, mais ils n’ont pas voulu de nous sur leurs images "ça ne fait pas assez local".... Bref ! Tout à coup les mains se tendent "que no, que no, que no nos representan ! Fuera el PP ! Dimision !" (ils ne nous représentent pas ! Dehors le PP ! Démission !") scandent les manifestants. "A la huelga cien, a la huelga mil, a la huelga madre yo voy tambié,, yo por ellos madre y ellos por mi" ("à la grève cents, à la grève mille, à la grève ma mère je vais aussi, eux pour moi et moi pour eux") la vieille chanson des premières grèves espagnoles résonne sur le paseo. Je pense à ma famille...

"Cueste lo que cueste ! De Este a Oeste, de Norte a Sur, la lucha sigue !" ("Quoi qu’il en coûte, de l’est à l’ouest, du nord au sud, la lutte continue !"), "Se nota, se siente, el pueblo esta presente !"("ca se voit, ca se sent, le peuple est présent"), "El pueblo unido jamas sera vencido !". Les slogans traditionnels se succèdent sur l’air de "Hstas la Victoria siempre". Un tableau de Goya redessinné montre le capitalisme mangeant la santé publique. C’est toute une histoire qui est dans la rue !

19h15 - Madrid, Espagne

19H15 Impossible de savoir combien on est mais une chose est sûre : nous sommes très TRES nombreux. Tant et tant qu’on n’arrive pas à se retrouver ! Classique... On s’est arrêtés un instant à Cibeles. Les copains d’Izquierda Unida nous appellent. Ils sont sur la place Colon. On va essayer d’y arriver !

Entre nous, on se marre. Le gouvernement fait des annonces sur la grève basée sur la consommation d’électricité. Ils disent que la grève est moins suivie qu’en Mai dernier parce qu’il y a plus d’électricité consommée. "Ils nous prennent vraiment pour des cons" rit Jean-Baptiste "on est en Novembre, on a tous mis le chauffage, évidemment qu’on consomme plus !" Effectivement...

Plusieurs pancartes appellent à la démission du ministre de l’éducation. Je n’ai pas résisté à l’envie d’en prendre une en photo. Wert est en train de remettre en place le système d’education qui existait sous la dictature (http://www.lepartidegauche.fr/actua...).

Un camarade du réseau jeune du Parti de Gauche, Léonard, nous a retrouvé sur le chemin. Il est en Erasmus ici. Il me connaît. Il nous a donc rejoint sans hésiter. Lui aussi se demande combien on est. Il connaît peu l’Espagne. François prend ses coordonnées immédiatement.

On arrive sur la place Colon les discours des leaders syndicaux a commencé. Ils sont nombreux à parler. Toutes les rues alentours sont blindées de monde. Nous sommes des centaines et des centaines de milliers. Au micro, un leader syndical appelle à un référendum sur les réformes en cours "et si Rajoy perd, il devra démissionner".

Le leader de CCOO prend la parole. Il présente un à un les représentant-e-s présent-e-s sur scène et remercie les grévistes et les manifestant-e-s. Nous sommes 1 million annonce-t-il ! Pareil à Barcelone ! Il salue aussi les manifestant-e-s de la place Syntagma à Athènes et les manifestant-e-s de Rome qui ont été brutalement chargés par la police. "Notre patrie n’est pas une bannière, notre patrie ce sont les rues dans lesquelles marchent les travailleurs". Il parle d’Angela Merkel. Ouuuuuuh ! Elle est longuement sifflée et copieusement insultée. Il appelle à défendre les travailleurs portugais qui ont manifesté si nombreux aujourd’hui. "Ou ils changent de politiques, ou nous change les hommes et les femmes politiques".

...Il est 20H15.

C’est au tour du leader d’UGT (proche du PSOE). Le meeting de Lyon doit m’appeler dans quelques minutes. Je file. J’observe avec amusement que je ne suis pas la seule à rebrousser chemin pendant qu’il parle... Tout le monde sait ici qu’UGT et le PSOE ne soutiennent le mouvement que par obligation électorale. Et ça se voit. Je m’éloigne avec Dimitri vers un endroit où les téléphones captent. Nous marchons au rythme des tambours et du slogan "esta crisis no la pagamos" ("nous ne paierons pas cette crise"). Sur mon passage je croise un militant avec une pancarte "no nos callaran !" ("Ils ne nous feront pas taire"). Je ne voyais pas de meilleur slogan pour finir cette note.

Céline Meneses


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