Egypte : les 100 premiers jours du pouvoir des frères musulmans

lundi 12 novembre 2012.
 

1. Les troubles confessionnels

Les chrétiens d’Egypte n’ont pas pris le temps de se féliciter de l’élection du 118è patriarche de l’Eglise orthodoxe, Tawdros II, le 4 février 2012, qu’on leur gâchât leur joie au lendemain de l’annonce de cet évènement majeur.

C’est ainsi qu’un groupe de salafistes s’est emparé illégalement d’ un terrain sis à une chapelle chrétienne et appartenant à l’église, dans la banlieue nord de la capitale Choubrah al-Kheima, y a fait la prière, pour empêcher la construction d’un nouveau lieu de culte chrétien et y a planté une pancarte portant le nom de la « mosquée de la miséricorde ». Les plaintes du prêtre de cette église auprès de la police sont restées lettre morte, ce qui risque de provoquer des affrontements si les autorités n’interviennent pas pour appliquer la loi.

La loi, ce terme ne fait plus partie ni du lexique ni des pratiques des institutions à tous les niveaux dans ce pays depuis la révolution du 25 janvier. Les chrétiens, un des noyaux des plus faibles avec les femmes, sont la catégorie la plus touchée de la population par le chaos et l’impunité des criminels qui se sont amplifiés avec l’arrivée des frères au pouvoir. Plusieurs incidents confessionnels ont eu lieu depuis, sans que les responsables ne soient arrêtés ou inquiétés ce qui les a encouragé à monter , à chaque fois d’un cran , leur violation des lois et leur agression contre les chrétiens. Ceux-ci ont subis à deux reprises (Août et Octobre 2012), l’émigration forcée de leurs lieux de résidence par les groupes salafistes sans que l’Etat puisse les défendre ou leur rendre justice. Si au cours de la première fois, l’expulsion de 120 chrétiens d’un village dans les environs d’Alexandrie (Charbat à Amréya), a eu lieu suite à un conflit entre deux familles chrétiennes et musulmanes à cause d’une histoire de mœurs ; Au cours de la seconde fois, l’expulsion de 9 familles de la ville de Rafah, réclamée par les salafistes, s’apparente fort à une épuration confessionnelle. Malgré les avertissements lancés à ces familles des semaines avant leur migration forcée, et des appels au secours qu’ils ont adressés au gouverneur du Sinaï et au directeur de la sécurité nationale, aucune mesure n’a été prise, et la ville de Rafah peut se targuer maintenant d’avoir une population 100% musulmane. Ces migrations forcées sont en violation avec le droit international et les lois en vigueur en Egypte. Elles s’accompagnent par l’incendie et le pillage des maisons, des lieux de culte et des commerces des familles déplacées pour les empêcher de regagner leur village. Le silence du gouvernement, du parti majoritaire des frères, montre à l’évidence leur complicité avec les groupes salafistes qui font le sale boulot à leur place. La présidence de la république s’est contentée d’émettre un bref communiqué condamnant l’affaire de Amréya en la qualifiant d’inadmissible, qui n’a été suivi d’aucune action tangible sur le terrain. Quant à l’affaire de Rafah, le pouvoir garda le silence total, la presse officielle ayant prétendu rapportant les propos du gouverneur, a affirmé que les habitants étaient partis de leur propre gré. Dans les deux cas la loi n’a pas été appliquée et la justice n’a pas triomphé. Au cours du mois derniers trois nouveaux incidents ont de nouveau défrayé la chronique. Le premier a eu lieu le 28 octobre 2013, quand les habitants musulmans du village de Marco situé au gouvernorat de Beni Sueif au sud de l’Egypte, ont empêché les fidèles chrétiens venant d’autres villages environnants de faire leur prière dans la seule église du secteur. Les salafistes exigent un décret présidentiel autorisant les chrétiens des environs de Ezbet Marco de fréquenter ce lieu de culte tous les dimanche ! Le lendemain, d’autres groupes salfistes ont mis fin à un concert de l’unité nationale, qui avait lieu dans les locaux du gouvernorat, sous les auspices du gouverneur ! La police est intervenu pour évacuer la salle des fêtes du public, 2500 participants, par les portes arrières pour éviter un affrontement. Aucun salafiste n’a été arrêté ni même interpellé. Le troisième incident, antérieur aux deux précédents, mais qui est toujours d’actualité, a eu lieu fin septembre, lorsque des salafistes ont enlevé une fillette chrétienne de 14 ans à sa sortie de l’école, dans la ville de Dabaa au gouvernorat de Marsa Matrouh, (frontière lybienne), l’ont converti à l’islam et marié à un musulman, avec son consentement, selon leurs dires. Les autorités ainsi que la police connaissent bien les ravisseurs mais ont cédé aux menaces de ces derniers qui ont déclaré qu’ils tueraient la fillette si on les obligeait à la restituer à ses parents. Cela fait maintenant plus d’un mois que le sort de la mineure reste inconnu, les salafistes s’arcboutent sur leur position et les autorités montrent encore une fois leur incapacité ou leur complicité, l’une et l’autre sûrement.

Mais cela relève plus de la complicité que de l’incompétence, en témoigne : la libération de tous les salafistes emprisonnés sous Moubarak, dont certains avaient commis des actes terroristes et des tueries de touristes et condamnés à 50 ans de prison ; la réhabilitation de tous les djihadistes qui oeuvraient avec Al Qaida en Afghanisatn, en Somalie et en Bosnie et leur octroi du droit de retour, un nouveau groupe de ces djihadistes, 3000 selon la presse vient d’être gracié et a regagné le pays avant hier (El Masry Al Yom, 4/11/2012). Le déferlement de ces terroristes sur le pays depuis la prise du pouvoir de Morsi El Ayat, va en faire un haut lieu du terrorisme international. Tout cela se passe sous l’œil bienveillant des Etats Unis et de l’Europe, voire même Israël. Mais la forte implantation de ces derniers au Nord Sinaï, devenu en quelque sorte un Emirat salafiste, et où la police égyptienne subi des revers tous les jours va peut être remettre la péninsule au coeur d’un nouveau conflit dont on connaît encore mal les conséquences.

On peut toutefois se demander à quel jeu jouent les frères musulmans en Egypte ? sont-ils conscients des risques encourus par le pays et par leur propre pouvoir en laissant se développer le chaos, la terreur, la discrimination des chrétiens et l’insécurité ? en laissant agir ces salafistes dans l’impunité la plus totale ne sont-ils pas en train de reproduire la même politique poursuivie par le feu président Sadate et qui s’est retournée contre lui ? Qui gouverne en Egypte actuellement, qui prend les décisions, on a l’impression d’une quasi absence de l’Etat. Seulement il devient très prégnant pour les atteintes aux libertés fondamentales. Ce sera le sujet du prochain texte.

Par Galila El Kadi


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