Comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail

jeudi 23 décembre 2021.
 

Créés par la loi Auroux du 23 décembre 1982, les comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) ont connu, en trois décennies, une « montée en puissance » liée au durcissement des conditions de travail et à la sensibilité croissante de l’opinion publique aux questions de santé.

Repères

Le CHSCT est obligatoire dans tous les établissements de plus 
de 50 salariés. En son absence, 
les délégués du personnel exercent ses attributions.

Ses membres sont élus 
par les élus titulaires du comité d’entreprise et les délégués du personnel. Il est présidé par le chef d’établissement ou son représentant. Il se réunit 
au moins tous les trimestres.

Il dispose de pouvoirs d’enquête et d’analyse, et d’un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent. Il doit être informé et consulté dans de nombreux cas, notamment pour une décision d’aménagement modifiant les conditions de travail. Dans ce cas, mais aussi face à un risque grave, il peut faire appel à 
un expert, aux frais de l’employeur.

8 octobre 1981 Publication du rapport de Jean Auroux sur les nouveaux droits des travailleurs

En cette fin d’année 2012, le milieu de la santé au travail s’agite  : on fête les trente ans de la création des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), mis en place, le 23 décembre 1982, par la dernière des quatre « lois Auroux », du nom du ministre du Travail de François Mitterrand. Création, le terme est inexact puisque la loi revisite deux institutions existantes. D’un côté, le comité d’hygiène et de sécurité (CHS), créé en 1947, à la Libération, de l’autre, la commission d’amélioration des conditions de travail (CACT), créée en 1973 et rattachée jusqu’alors au comité d’entreprise (CE). En les fusionnant, le législateur élargit le champ d’intervention des délégués, jusqu’alors cantonnés aux aspects techniques du travail, à l’ensemble des paramètres –notamment l’organisation du travail– pouvant avoir des répercussions sur la santé physique et mentale des salariés. Le mouvement s’accompagne d’un accroissement des moyens et des pouvoirs, avec des formations pour les délégués, une possibilité de recours à l’expert, et celle de déclencher une procédure d’alerte en cas de danger grave et imminent.

Si les anniversaires sont propices aux célébrations lénifiantes, Christian Jacques, président d’Émergences, cabinet d’expertise en santé au travail, rappelle que la création des CHSCT en 1982 découle de la conscience qu’ont, à l’époque, « le gouvernement, le patronat et les syndicats, que l’entrée dans le libéralisme va peser fortement sur la productivité, l’intensification du travail, avec des répercussions sur les conditions de travail et la santé des salariés ». Ainsi, « quand on parle de montée en puissance des CHSCT depuis trente ans, il ne faut pas perdre de vue que ce qui monte en puissance, c’est d’abord la dégradation des conditions de travail, souligne l’expert. Et que c’est poussé par cette évolution que le CHSCT, affublé d’une nouvelle mission, va gagner en importance ». Les problèmes de santé au travail grandissent, se diversifient avec l’apparition ou la prise de conscience de risques liés à des nouvelles technologies, aux produits cancérogènes et à la santé mentale (qu’on baptise désormais « risques psychosociaux »). En parallèle, l’opinion publique, sous l’effet de scandales sanitaires ou de catastrophes industrielles, devient plus sensible aux questions de santé et « n’accepte plus qu’on perde sa vie à la gagner », résume Christian Jacques. Dans ce contexte, le CHSCT voit ses prérogatives renforcées avec l’élargissement, par la loi de 1991 qui entre en application en 1994, de la possibilité de faire réaliser une expertise extérieure, aux frais de l’employeur, en cas de danger grave ou imminent ou bien face à un projet de réorganisation impactant les conditions de travail. Sur fond de jurisprudence de plus en plus favorable aux CHSCT, la Cour de cassation va ainsi, par l’arrêt Snecma de mars 2008, autoriser le juge à suspendre une réorganisation parce qu’un rapport d’expert commandité par le CHSCT avait pointé les incidences néfastes sur la santé des salariés.

Ces discours sur la « montée en puissance » ne doivent pas occulter les faiblesses de l’institution. Les CHSCT ne sont obligatoires que dans les entreprises de plus de 50 salariés, et cette obligation n’est pas toujours respectée, ce qui signifie que la majorité des salariés en sont exclus, alors que les risques du travail sont plus grands dans les petites entreprises. Dans la fonction publique, un accord de 2009 a mis en place des CHSCT sur le modèle du privé, mais avec des attributions moindres, notamment en matière de recours à un expert. De plus, l’existence d’un CHSCT, même lorsque les réunions ont bien lieu tous les trimestres comme l’exige la loi, ne signifie pas forcément qu’il « vit », qu’il exerce ses missions de protection de la santé et d’amélioration des conditions de travail. Dans une étude sur cette instance (1), la CFDT a relevé deux tendances  : soit le CHSCT « se comporte comme un auxiliaire du management sur les questions d’hygiène et de sécurité et aide l’employeur à remplir ses obligations légales », il s’agit alors d’un « CHSCT technique qui convient bien à l’employeur ». Soit « ses membres portent les questions des conditions et de l’organisation du travail ». En d’autres termes, « soit les élus sont à l’offensive, soit ils sont en attente de la direction, résume Serge Journoud, animateur santé au travail à la fédération CGT métallurgie. C’est pourquoi les syndicats prennent de plus en plus conscience qu’il faut envoyer des gens armés au CHSCT, et non plus les petits nouveaux comme cela a été longtemps le cas. Mais l’efficacité dépendra aussi du rapport de forces dans l’entreprise ».

« Le CHSCT doit être une structure ascendante, qui exprime la parole des salariés, si souvent niée, sur leur propre travail, appuie Christian Jacques, d’Émergences. Il n’a peut-être pas de pouvoir direct de faire arrêter une activité dangereuse, mais tout ce qui est consigné dans les procès-verbaux des réunions est opposable au pénal. Les employeurs y sont de plus en plus attentifs, leur responsabilité est engagée. » Pour l’expert, les CHSCT doivent aujourd’hui faire face à deux menaces. D’une part, la « tentative d’en faire une institution de prévention intégrée, dont les membres deviennent des préventeurs qui cogèrent le risque avec l’employeur, dont la responsabilité est diluée ». De l’autre, la réflexion en cours, dans le cadre de la négociation entre patronat et syndicats sur la « modernisation du dialogue social », d’une réforme des institutions représentatives du personnel, qui pourrait fondre le CHSCT dans le CE, et faire disparaître au passage le droit à l’expertise financée par l’employeur.

(1) Citée dans la revue Travail et Changement, nº 345, page 7.

Fanny Doumayrou, L’Humanité


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