Face aux chefs de guerre du Capital, des généraux socialistes incompétents

dimanche 11 novembre 2012.
 

François Delapierre

Nous avons déjà montré comment la ratification du TSCG et la programmation d’une austérité budgétaire historique engage notre pays dans une vis sans fin de récession économique. La stratégie du gouvernement implique également un cercle vicieux politique cette fois, une pente auto-entretenue d’affaiblissement idéologique et politique face à la droite et au patronat.

La gestion par le PS du débat sur la compétitivité en est une consternante illustration. Pour préparer les esprits à son budget de rigueur, le gouvernement a choisi de commander à Louis Gallois un rapport sur ce thème, marotte du MEDEF et de Sarkozy. S’il avait demandé un rapport sur la lutte contre le chômage, le recul des services publics, les conséquences du libre-échange ou les dégâts de la financiarisation de l’économie, il aurait mis la droite et le patronat sur le reculoir. Mais l’action résolue sur chacun de ces terrains est incompatible avec le choix qu’il a fait de se soumettre à l’Europe austéritaire. Il veut au contraire convaincre de remettre ces aspirations à plus tard.

Comme Napoléon s’enfonçant en Russie ou une armée régulière pénétrant dans la jungle tenue par la guérilla, le gouvernement s’est dès lors délibérément placé sur le terrain de l’adversaire. Les médiacrates n’ont eu qu’à ressortir leurs vieux éditoriaux sur le coût du travail encore tout frais pondus de l’ère Sarkozy. Dans tous les journaux, le MEDEF a tribune ouverte ! Plus les ministres roucoulent des « mots d’amour au patronat », comme l’a revendiqué Moscovici dans une formule sidérante, plus celui-ci hurle au vol et au racisme anti-patrons. Il a fallu que le JDD fasse sa Une sur les 98 patrons, ces champions de l’auto-augmentation de salaires qui expliquent sans vergogne que le travail coûte trop cher, et que la presse en parle comme d’un « ultimatum à Hollande » pour que les ministres PS se fâchent un peu. On verra combien de temps durera leur sursaut d’orgueil. En attendant, nous comptons les pertes sur le terrain de la bataille idéologique.

Plus le pouvoir courtise les patrons, plus il déçoit les syndicats, plus il se coupe des électeurs qui lui ont donné une majorité dans les urnes pour en finir avec la soumission sarkozyenne aux exigences du MEDEF. La base sociale et politique du gouvernement se rétrécit donc comme peau de chagrin. Il devient dès lors encore plus exposé à la moindre campagne de presse, à la première campagne bien organisée de lobbying patronal comme on l’a vu avec l’affaire des « pigeons ». Chaque recul en annonce un autre, aggravant de nouveau le décrochage avec tous ceux qui voulaient le changement. Dans le camp d’en face c’est tout l’inverse. Chaque victoire arrachée réveille l’appétit et l’ardeur des patrons. Ils sont en train de gagner le troisième tour social ! Ils ont perdu l’élection, mais ils sauvent l’un après l’autre leurs « acquis sociaux » distribués par Sarkozy. Et ils espèrent même mordicus en obtenir de nouveaux, comme par exemple le transfert massif des cotisations patronales sur les ménages.

L’incompétence des généraux se donne d’autant plus libre cours que c’est la troupe salariée qui déguste. La superbe retrouvée du patronat se traduit aussi sur le terrain par la multiplication des plans de licenciement. De telles décisions ne sont pas seulement économiques, elles traduisent aussi un rapport de forces social. Le capital se sent capable d’extorquer toujours plus au travail. Il se regroupe derrière ses chefs de guerre. Et nous ? Puisque le gouvernement nous met à découvert, c’est à nous de nous défendre.


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