POURQUOI UNE « VRAIE POLITIQUE DE GAUCHE » EST IMPOSSIBLE ? (tribune libre de Patrick MIGNARD, Toulouse, non PG)

samedi 13 octobre 2012.
 

Tous les « gens de gauche », mis à part les militants godillots du Parti Socialiste et les « arrivistes écolos », complices des précédents, l’attendent. On peut même dire que toutes et tous ont voté Hollande pour ça avec, pour les uns un espoir un peu fou, pour les autres, sans se faire beaucoup d’illusions.

1) QU’EST-CE QU’UNE « POLITIQUE DE GAUCHE » ?

Il faut bien commencer par ça et savoir exactement de quoi on parle.

Traditionnellement et dans l’imagerie politico-populaire, une politique de droite est/serait une politique favorable aux patrons, aux actionnaires, à la finance, aux trusts industriels et serait fondée sur un conservatisme en matière de valeurs morales…

Une politique « de gauche » est/serait une politique favorable aux salariés, à la protection sociale, aux services publics et progressiste sur le plan moral…

Une politique de gauche remet-elle en question les « fondamentaux » du système capitaliste ?

Là, les difficultés commencent car « à gauche » il y a des nuances,… certaines modérées : faire du social mais en conservant le système capitaliste, d’autres, plus radicales : faire payer les riches, confisquer les grandes entreprises, enfin les « révolutionnaires » qui veulent abattre le système.

Les choses ont évolué depuis quelques décennies : ce qui domine à gauche, aujourd’hui… et même dans les « esprits de gauche » de l’opinion publique, c’est une forme de réformisme politique : On conserve l’économie de marché mais on supprime, ou on essaye de supprimer, les aspects les plus favorables aux riches, aux actionnaires, aux marchés financiers,…

Ceci est ce que l’on trouve dans le discours de gauche dominant. La réalité est en fait complètement différente.

2) UNE FAILLITE DE LA PENSÉE STRATÉGIQUE

Le modèle standard du changement de système était fondé depuis le 19e siècle sur la croyance que le capitalisme se développant et exploitant la classe ouvrière, celle-ci l’abattrait – et en priorité dans les pays développés. Rien de cela ne s’est produit !

La création et la faillite de l’empire soviétique a eu trois conséquences majeures :

- le « communisme » ou ce qui en tient lieu, apparaît dans un pays industriellement sous développé – ce qui est contraire au schéma standard ;

- il ne s’est jamais imposé comme régime économique, historique, dominant, et est devenu au fil des ans plus un repoussoir qu’un modèle,

- sa faillite surdétermine, dans les faits et les consciences, l’hégémonie du capitalisme.

De ce triple constat, il n’a été tiré aucune leçon. La voie était alors toute tracée pour que s’impose la vision « social démocrate » de la lutte politique et du pseudo « changement » économique… la majorité des tenants du « modèle standard » s’y ralliant.

La possibilité qu’ont eu, un temps, les salariés, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail dans le capitalisme, les a fait opter pour une compromission entre le capital et leur travail. Dés lors un autre facteur a joué, et joue, un rôle considérable.

3) LE POIDS DU SYSTÈME MARCHAND

L’explosion de la pensée libérale en matière de gestion du capital a fait sauter tous les verrous qui entravaient, au bénéfice des salariés, les intérêts du capital.

L’anti interventionnisme, l’anti keynésianisme, tapis dans l’ombre du développement du capital depuis la fin de la 2e Guerre mondiale, à la faveur de la décolonisation et des difficultés du capitalisme américain, qui structurait le modèle marchand (domination du dollar), a permis une dérégulation économique source de tous les excès.

Ceci a entraîné une déliquescence du capitalisme industriel dans les bastions du capitalisme développé, affaiblissant la classe ouvrière et ses principaux instruments de lutte.

La réal politique, tant de droite que de gauche a fait sienne, comme un fait naturel, l’économie de marché, le salariat et a agi selon ses critères fondamentaux : rentabilité, compétitivité,…

Le contexte économique actuel, surdéterminé par la puissance financière d’une économie mondialisée, verrouille toute tentative de se dégager des contraintes imposées par le capital. La droite a fait sienne cette situation. La Gauche y a perdu, et y perd, son âme et sa crédibilité.

Aucune pratique politique et sociale progressiste, actuellement en vigueur, n’est capable de « mordre » sur le système capitaliste au point de le mettre en péril.

4) L’ILLUSION D’UNE « VRAIE POLITIQUE DE GAUCHE »

Les Gauches au pouvoir gèrent le système, c’est aujourd’hui un fait indéniable,… et elles le gèrent exactement comme le ferait une Droite.

Il n’y a donc plus ce que l’on pouvait entendre comme une « politique de gauche ». Seule la magie des mots peut aider les politiciens manipulateurs à tromper et faire rêver leurs adeptes et sympathisants.

Pourtant, le mythe de la gauche rédemptrice existe encore et déplace les foules et les électeurs. Et plus la Gauche s’enfonce dans la compromission, plus jaillit une « nouvelle gauche », « une gauche radicale », une « vraie gauche »,…. qui « pourrait » reprendre le flambeau du « vrai changement ». Se recyclent dans ce mouvement des reliquats des partis révolutionnaires, ou se croyant l’être, des convertis opportunistes et des politiciens en manque de reconnaissance populaire.

Le charisme des tribuns fait fortune (électorale) devant des masses déboussolées et sans perspectives. Les discours enflammés, les déclarations tonitruantes devant des foules en transe tiennent lieu de stratégie bon marché. « On n’y croit pas trop, mais ça fait du bien de l’entendre ». Ce n’est plus de l’engagement, c’est de la thérapie.

Dans cette frange, le discours est d’autant plus radical que l’on est sûr de ne pas être obligé de faire concrètement ses preuves.

Car, au-delà des discours et des effets de tribune qu’y a-t-il ? Rien ou pas grand-chose :

- des appels au peuple, mais ça veut dire concrètement quoi ?

- des référendums, dont on sait bien que l’on ne les aura pas et que l’on a aucun moyen pour les imposer,

- des réformes radicales que l’on sait inapplicables, dans le contexte international.

Tout cela, les « responsables politiques de cette vraie gauche » n’osent pas l’avouer publiquement… Ils préfèrent rester dans le flou pour conserver leurs places de leaders, un peu comme les « écologiste » qui se sont ralliés à la social démocratie pour « occuper des places ».

Ainsi l’ « opposition radicale » fait son trou dans les institutions, occupe des sièges dans les assemblées (« pour évidemment porter la voix du peuple »), bat la campagne (électorale), s’agite dans les médias et dans la rue, mais n’a pas l’ombre de la moindre proposition stratégique à faire, pas l’ombre de la moindre analyse sérieuse.

La Droite et la Gauche gestionnaires se satisfont parfaitement de cette « opposition » qui occupe spectaculairement le terrain politique et fait rêver le bon peuple à des « lendemains qui chantent ».

Et pendant ce temps, l’extrême droite attend que le fruit pourri d’une société en décomposition tombe dans son escarcelle… Alors, comme au siècle précédent, on se rendra compte des erreurs, des manquements et viendra l’heure des regrets.

Octobre 2012 Patrick MIGNARD


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