Comment Jean-Marc Ayrault peut-il dire aujourd’hui que ce traité européen serait inoffensif ?

samedi 15 septembre 2012.
 

N’est-ce pas lui qui écrivait le 22 février dernier, sur son blog, que ce traité était un « carcan budgétaire concocté par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et qui étend l’austérité infligée à la Grèce à toute la zone euro ! » Il dénonçait dans ce document une « politique d’austérité permanente et généralisée ». Dès lors comment peut-il aujourd’hui affirmer : « Il n’y a pas d’inscription dans le marbre de cette obligation d’équilibre budgétaire » dans le traité ! En proférant ce mensonge sur France Inter le 2 septembre dernier, pouvait-il ignorer que l’article 3 du traité institutionnalise bel et bien la règle d’or ! Il interdit, en toutes lettres, en effet tout déficit de plus de 0,5 % de la richesse du pays. Voici le texte, abscons, qui le proclame : « La situation budgétaire des administrations publiques d’une partie contractante est en équilibre ou en excédent. Cette règle est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme spécifique à chaque pays avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut ». Comment Jean-Marc Ayrault peut-il avoir ensuite déclaré tout aussi tranquillement : « Le Parlement garde sa souveraineté budgétaire » ? Le traité prévoit tout autre chose. D’abord que c’est la Commission qui propose le calendrier de baisse du déficit de chaque État. Puis il ordonne qu’un « mécanisme de correction » soit déclenché « automatiquement » en cas de non-respect de la limite de 0,5 % de déficit structurel. Ensuite le traité exige que cette règle de déficit soit contrôlée par des institutions « indépendantes » et que des sanctions quasi automatiques soient infligées aux états qui ne respecteraient pas cette règle. Comment Jean-Marc Ayrault peut-il affirmer que l’indépendance budgétaire du pays est préservée quand le texte du traité prévoit, à son article six, que tous les programmes d’emprunts d’État doit d’abord être soumis à l’approbation de la Commission Européenne ? Je ne mentionne ici que quelques aspects de cette opération d’enfumage permanent à laquelle se livrent les partisans du traité. J’affirme que tout est fait pour empêcher que qui-que-ce-soit puisse se saisir en connaissance de cause du problème posé par ce texte. Dès son élaboration, déjà, on a clairement vu le mode opératoire des enfumeurs. Le traité a changé trois fois de nom. L’évolution du texte n’a pas toujours été signalée à mesure que l’information finissait par circuler. Enfin, la traduction dans une autre langue que l’anglais n’a vraiment rien eu d’instantané ! Pour ma part, avec mes assistants, nous avons eu les plus grandes difficultés à suivre ce qui se passait au fur et à mesure que des bruits couraient sur l’avancement de la préparation du texte. Je raconte tout cela du mieux que je peux, dans le livre que je publie avec Céline Menesses. Si telle est ma situation, alors on devine qu’elle est celle des braves gens du marché de Libercourt dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais ! Et il faudrait recommencer tous les jours pour presque chaque information donnée sur l’Europe. Ainsi de cette histoire bidon de l’aide de la BCE aux Etats en souffrance par le biais de rachat de leur titre de dette. Un contre-sens complet s’installe.

Voyons cela de près. La Banque centrale européenne en annonçant qu’elle rachèterait des titres de la dette des états est censée faire un geste d’aide dans leur direction. C’est une lecture très superficielle de ce qui est en train de se passer. En fait la BCE achète ces titres de dette souveraine sur le « second marché ». Ce « second marché » désigne non pas un lieu mais un type d’acquisition. Dans ce cas, la BCE rachète aux banques privées les titres de dette que celles-ci possèdent après avoir prêté aux états souverains. Donc rien ne change dans le circuit de financement. La BCE continue de prêter aux banques privées à 1% et celles-ci continuent de prêter à 7%, 8%, 9% et même 17% aux Etats. Puis la Banque centrale rachète leurs titres de dette aux banques privées. Si l’on veut bien y réfléchir avec attention, on peut considérer que c’est surtout une bonne affaire pour les banques privées. En effet elles se débarrassent de titres d’emprunt qu’elles considèrent elles-mêmes comme menacés de ne pas être payés. Car si elle prête à un taux aussi élevé aux Etats concernés, c’est bien parce qu’il y a une « prime » pour le risque de ne pas être payé. En revendant ces titres d’emprunt « pourris » à la Banque centrale européenne, on peut considérer que les banques vendent du « papier » suspect contre de l’argent bien réel et garanti par la BCE. C’est là une première raison de ne pas prendre les vessies pour des lanternes. En rachetant des titres de dette sur le « marché secondaire » la BCE permet surtout aux banques d’assainir leurs comptes. Dans le cas qui nous occupe, nous avons une deuxième raison de ne pas considérer cette initiative comme un cadeau fait aux Etats souverains. En effet la BCE conditionne ces rachats sur « le marché secondaire » à une clause de conditionnalité. Laquelle ? La voici : la BCE n’intervient que si l’État concerné par les titres de dette achetables sur le marché secondaire accepte de se soumettre à un plan de secours. Ce plan de secours c’est évidemment le fameux MES qui l’administre ! Cela signifie que la Banque centrale oblige l’État concerné à se soumettre au contrôle et restriction de toutes sortes qu’implique pour un État le fait d’en appeler au MES ! Comprenez-vous ? Ainsi ce qui est présenté comme un beau geste pour « aider » un État est en réalité un moyen de l’obliger à se soumettre au dispositif austéritaire européen et à perdre tout contrôle sur la gestion de son budget. Ainsi, dans le cas de l’Espagne, alors qu’elle fait tout pour éviter d’être entraînée dans la spirale du MES, la décision de la BCE est un véritable coup de poignard dans le dos. Car si l’Espagne ne demande pas d’aide au MES cela sera « interprété » par les marchés comme un refus de s’astreindre aux véritables mesures d’austérité que ceux-ci jugent nécessaire ! Et cela conduira donc à une élévation de la prime de risque. Et donc une élévation des taux d’intérêt qui lui seront accordés par les banques privées pour ses emprunts d’État. Voici une nouvelle démonstration de ce que "solidarité" veut dire pour la BCE et l’Europe libérale !


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