Les dirigeants socialistes font du zèle. L’austérité est leur nouvelle ligne d’horizon assumée

mercredi 12 septembre 2012.
 

Cette note est longue. La deuxième partie traite du cas Julian Assange. Mais avant cela, je viens dans l’actualité politique immédiate. Il s’agit de la piteuse défense du traité européen par le premier ministre et de l’arrogance retrouvée de madame Parisot après qu’il ait accepté d’inaugurer ses universités d’été. Et de l’alarme qui sonne dorénavant dans un nombre croissant de cercles d’économistes contre l’absurde politique d’austérité à laquelle s’abandonne pourtant le nouveau gouvernement comme tous les gouvernements libéraux d’Europe. Quand vous prendrez le chemin pour la manifestation du dernier week-end de septembre à Paris, vous savez que vous accomplissez un acte de sursaut et de survie bien plus urgent que ne le croient les étourdis du nouveau gouvernement.

Les dégâts visibles que cette politique a déclenchés chez les voisins ne les impressionnent pas. Ni le fait que cette politique ait aggravé partout la crise qu’elle prétend combattre ! Le pays est en croissance zéro, depuis neuf mois ? Plusieurs pays européens sont entrés en récession ? « Et alors ? » clament les docteurs Diafoirus ! « La saignée ! La saignée », scandent-ils. Rien ne les empêchera de ramener le déficit public de 4,5 à 3% du PIB dès 2013 ! A quel prix ? Peu importe à leur yeux. « Il faut du sérieux budgétaire. Nous bénéficions d’une certaine crédibilité au niveau européen grâce à cette politique" déclare Laurent Fabius. "Même si la croissance est plus faible, nous arriverons à trouver les milliards nécessaires", s’est étranglé Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget.

Pourtant, cette façon de voir, doctrinaire, étroite et suiviste passe de plus en plus mal dans les milieux des économistes que la réalité concrète continue d’intéresser. « En coulisses, c’est l’inquiétude », note le journal « Challenge ». « De nombreux experts et conseillers socialistes jugent dangereux de maintenir cet objectif budgétaire malgré la dégradation de la conjoncture. » Et d’ajouter : « Cette inquiétude est partagée par des économistes qui n’ont pas pour habitude de se montrer laxistes, comme Charles Wyplosz (Université de Genève), Patrick Artus (Natixis) ou Jean-Marc Daniel (Institut de l’entreprise), qui nous confie : "Maintenir les 3% alors que nous sommes en récession, c’est idiot. » (…) Le mouvement atteint aussi la Cour des comptes, le temple du rigorisme budgétaire, dont certains magistrats estiment, en interne, que le maintien de l’objectif des 3 ?% est trop "coûteux". Dans l’Hexagone, cette charge va connaître une nouvelle résonance, ces prochains jours, avec la sortie quasi simultanée de trois livres d’économistes keynésiens. Le Français Daniel Cohen et les Américains Paul Krugman et Joseph Stiglitz, deux Prix Nobel, s’attaquent aux Austériens (un surnom inventé par l’analyste financier américain Rob Parenteau), "l’élite mondiale des décideurs" qui, selon Krugman, a appelé, en 2010, "à la réduction des dépenses, à l’augmentation des impôts et à la hausse des taux d’intérêt malgré le chômage de masse". Ils auraient ainsi tué la croissance, en appliquant leur purge trop tôt. Surtout, les Austériens ont cru que les coupes dans les dépenses publiques allaient susciter un rebond de l’activité grâce au choc de confiance dans l’économie. Une "fée confiance", dixit Paul Krugman, qui n’est jamais venue. »

J’ai fait cette longue citation de « Chalenge » avec la jubilation intellectuelle que vous devinez ! N’est-ce pas exactement notre thèse, répétées des mois durant et notamment en campagne électorale ? N’avons-nous pas été continuellement nargués et raillés par tous les griots médiatiques de la pensée unique libérale ? A présent le feu est à la maison. Qui l’y a mis sinon les prétendus grands génies de l’économie dont nous avons dû subir les leçons et les mépris ? Et que dire des petits malins qui nous pourrissaient toutes les interview avec des commentaires narquois tirés des argumentaires des premiers ? Ce sont eux qui ont protégé et justifié le travail des incendiaires ! Et ça continue. Le nouveau traité européen accentue la cure d’austérité dans des proportions jamais vues.

Le premier ministre, qui voit bien l’inquiétude des experts rejoindre le diagnostic du Front de Gauche, recourt donc à une désinformation poussive. Il a affirmé avec cet air de bedeau préoccupé qui n’appartient qu’à lui : « il n’y a pas d’inscription dans le marbre de l’obligation d’équilibre budgétaire ». C’est à se demander si Jean-Marc Ayrault a lu le traité ! En tout cas, il ferait bien de relire l’article 3. C’est celui qui institutionnalise la règle d’or, car il interdit tout déficit public de plus de 0,5% de la richesse d’un pays. En novlangue bruxelloise, ça donne cette merveille : « la situation budgétaire des administrations publiques d’une partie contractante est en équilibre ou en excédent ; [cette] règle est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du produit intérieur brut. ». Le traité prévoit donc que la Commission européenne propose un calendrier pour que chaque Etat parvienne à cet objectif. Il prévoit aussi qu’un « mécanisme de correction » soit déclenché « automatiquement » en cas de non-respect de la limite de 0,5%. En un mot, le traité grave la règle d’or dans le marbre, quoiqu’en dise Jean-Marc Ayrault. Il le sait. Comment pourrait-il ne pas le savoir ?


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