La politique stupide d’austérité généralisée est en train de provoquer une récession générale sur le vieux continent

lundi 15 décembre 2014.
 

Me revoici... Ma pile du journal « L’Humanité » une fois finie, j’ai lu les gazettes de la finance. Là, c’est autre chose. La violence de mon indignation est intacte. Je crois même que ça s’est aggravé. Je reviens d’une zone du monde en pleine ébullition où tout déborde de projets et d’énergie. Le choc de la comparaison est sévère. Là-bas aussi ils ont connu ça jusqu’à ce que commence la vague des révolutions démocratiques qui a tout balayé. Maintenant les voilà dans les turbulences d’un monde en mouvement.

Ici, c’est : bonjour tristesse. Partout la peur. Partout la déprime. Il y a de quoi. La politique stupide d’austérité généralisée est en train de provoquer une récession générale sur le vieux continent. Ricanons en voyant que même ce mégalithe de madame Merkel commence à payer le prix de la politique de rustre qu’elle impose à toute l’Europe avec sa bonne conscience à front de bœuf ! Ce n’est pas faute d’avoir expliqué combien ce désastre était prévisible et combien il ne pouvait en être autrement. Mais à quoi bon ! Les très intelligents continuent de pérorer dans les colonnes que je lis. Rien ne les arrêtera. Au loin, on entend déjà le bruit de la grande chute d’eau qui va envoyer tout le monde dans le vide. Mais tous pédalent avec ardeur : plus vite, plus fort ! La Grèce a encore perdu six points d’activité économique ! Pourquoi changer une politique qui ne marche pas ? L’Espagne est entrée à son tour dans la spirale mortelle. Quelle surprise ! Lisez le texte de Sépulvéda dans « Le Monde Diplomatique » de ce mois-ci, malicieusement titré « le chat de Zapatero ». Le traité européen soi-disant « renégocié » par François Hollande va aggraver ce chaos déjà automatiquement grandissant. La vérité c’est qu’il est inapplicable. Qui et comment dans une économie déjà en récession va encore atteindre un déficit désormais limité à 0,5 % ? Qui est capable de provoquer un tel choc de contraction de la dépense publique ? Fumisterie ! Mais on peut compter sur l’armée des « béni oui-oui », en rangs serrés comme d’habitude, médiacrâtes, « responsables » politiques et compagnie pour assurer un escamotage complet du débat formel prévu à l’Assemblée pour la ratification du nouveau traité. La réalité et la résistance devra donc trouver d’autres chemins.

Certes nous avons échoué en février dernier à faire émerger ce débat lorsqu’est arrivé dans les assemblées le vote du mécanisme européen de solidarité financière. Pourtant, en pleine présidentielle, c’était l’occasion idéale dans un pays démocratique, non ? Pierre Laurent y consacra une bonne demi-heure à notre meeting national de Villeurbanne. Et moi tout autant le lendemain au meeting de Montpellier. Toutes nos organisations menèrent campagne pour le référendum, des milliers de citoyens inondèrent leur carnet d’adresse électronique. Rien n’y fit. Les médias, l’UMP et le PS ont nettement préféré les gesticulations sur la viande halal ! Mais ce n’est pas une raison pour renoncer. Non ! Tout le contraire. Le travail patient d’explication n’atteint certainement pas le très grand nombre. Quoiqu’il s’opère, en profondeur, des changements d’état d’esprit dont n’ont pas idée ceux qui comptent sur leur habituel tour de passe-passe pour berner tout le monde. Mais ce que nous faisons construit un secteur de plus en plus large de citoyens informés et motivés. Ceux-là seront le point d’appui de la nouvelle politique qu’il faudra mener quand tout ceci se sera effondré. Dans combien de temps ? A quel moment. Nous ne le savons pas. Nous savons seulement que cela aura lieu, inéluctablement.

D’après moi, la jeunesse de notre pays est mûre pour se mettre en mouvement. Toute la période électorale, et celle qui en a été avant cela le prélude, a canalisé dans cette direction l’énergie disponible. Le mouvement des indignés n’a pas pris pied à échelle de masse parce qu’il existait un moyen de faire autrement. Cette remarque s’étend à tous les secteurs d’âge et de profession en vérité. A présent les prochains rendez-vous dans les urnes sont éloignés et leurs enjeux moins contraignants sur les leviers de décision institutionnelle. Par conséquent l’énergie de la volonté de résistance va se trouver d’autres canaux. Il est normal que cela soit spécialement à prévoir dans la jeunesse. Plaque sensible de la société, la moins insérée, la plus disponible qu’elle l’ait voulu ou pas. Non seulement elle vit mal mais on lui annonce qu’il n’en ira pas autrement avant…. avant combien de temps ? Tiens, c’est vrai, les bons docteurs comme disait Strauss-Kahn n’annoncent jamais quand leur remède auront eu le dernier mot sur la « maladie ». Il n’est pas difficile d’imaginer que les nouvelles générations trouvent bien vite insupportable le temps long des sacrifices à perpétuité, de la galère sans fin, du précariat à vie. Notamment dans la jeunesse scolarisée, celle des fins de cycle secondaire et celles de l’université. Qu’a-t-elle à perdre ? Dans le vaste monde, et notamment dans les deux Amériques, c’est dans cette population qu’ont lieu les mouvements sociaux les plus ancrés et les plus longs. Les carrés rouges du Québec en témoignent ! Mais nous avons aussi un rude choc en préparation dans la classe ouvrière de l’industrie. Le dos au mur, les PSA se savent le dos au mur. La peur du lendemain retient fort de tout côté, je le sais bien. Mais qui sait si la chaîne n’a pas déjà subi tant de tension qu’elle pourrait craquer ici où là. Voilà le contexte.

Jean-Luc Mélenchon, août 2012


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