Contribution de la LCR pour la réunion des collectifs des 9 et 10 décembre

samedi 9 décembre 2006.
 

L’unité exige démocratie et clarté politique

Selon les dirigeants du PCF, les trois étages de la fusée antilibérale seraient sur le point de s’assembler. Celui de la stratégie - le rassemblement des antilibéraux sur une base de rupture avec le social-libéralisme - fut monté le 10 septembre, celui du programme le 15 octobre. Rendez-vous aujourd’hui pour l’étage final, celui de la candidature. Dans une lettre adressée aux collectifs, le 6 décembre, Marie-George Buffet a décrit le scénario tel qu’elle le concevait pour cette troisième phase et a distribué les rôles dans son organigramme de campagne. Bien des militants sont irrités de voir ainsi la direction du PCF donner leur feuille de route aux collectifs.

Le mouvement a désormais deux visages, celui des meetings et celui des coulisses. Les meetings qui se suivent, du Mans à Montpellier, témoignent de la vitalité de l’aspiration unitaire, née dans la campagne référendaire. Des meetings où l’on affiche une volonté unitaire sans faille, où l’on appelle, même de la tribune, Olivier Besancenot ou Jean-Luc Mélenchon à rejoindre de plain-pied le mouvement. Mais dans les coulisses, la réalité est moins reluisante : la bataille a fait rage entre les partisans de telles ou telles candidatures. Pour les uns, il s’agirait de désigner Marie-George Buffet parce qu’elle est la plus connue, qu’elle est une « femme d’Etat » et qu’elle émane de la principale force engagée. Pour les autres, il faudrait à tout prix éviter cette candidate car elle marquerait trop du sceau du PCF le rassemblement unitaire. Comme la méthode de désignation du candidat n’a pas été réglée consensuellement, les accusations de manipulation se sont multipliées à l’encontre du PCF. Le climat est tendu dans les collectifs locaux. Ces remous ont provoqué le départ de Raoul Marc Jennar et de José Bové. Ces tensions s’expriment sur la place publique sans qu’aucune des composantes des collectifs ne leur donne un contenu politique de fond. Faute de n’avoir pas pris en compte le débat posé par la LCR et par d’autres sur la question des rapports avec le PS le 10 septembre ; faute d’avoir longtemps fait croire qu’il n’y avait pas de divergence majeure au sein du mouvement du 29 mai, notamment entre le PCF et la LCR, on a préparé un autre type d’affrontement, celui sur le nom du candidat à la présidentielle.

José Bové dans la lettre qui annonce son retrait, Michel Onfray, dans une tribune à Libération, ou des dizaines de militants des collectifs unitaires disent qu’il n’y aurait pas de désaccord sur la question des rapports avec la direction du PS ; que ce qui nous rassemble sur le fond serait supérieur à ce qui nous sépare. Bien sûr qu’il existe de nombreux points d’accord entre les forces qui se sont retrouvées pour mener la campagne du « non » de gauche et que ce n’est pas rien. Bien sûr que le programme adopté le 15 octobre formule bien des exigences que nous partageons, bien que nous aurions souhaité plus de netteté sur le Smic à 1500 € net (et pas brut), l’exigence de la rupture immédiate avec l’OTAN, de la sortie du nucléaire, de l’adoption du droit de vote de tous les résidents étrangers à toutes les élections, ou l’affirmation que le changement de société ne procèdera pas des élections mais de mobilisations sociales d’une ampleur inégalée.

Mais le désaccord essentiel se concentre sur les rapports avec la direction du PS. Et ce désaccord-là n’est pas virtuel, prétendu ou feint, comme l’ont affirmé, sans cesse, depuis le 10 septembre, la plupart des membres du collectif national. Il est bien réel et la direction du PCF l’a reconnu à de multiples reprises, dans les déclarations de sa secrétaire nationale, dans les textes adoptés par ses dirigeants ou dans les colonnes de l’Humanité. Pierre Laurent, dans l’Huma hebdo (numéro du 30 nov au 6 déc) a raison de résumer ainsi la divergence : « Pour les uns, le PS est plus que jamais irrécupérable, le refus de gouverner, voire de constituer une majorité parlementaire avec lui doit devenir l’engagement solennel de la campagne qui s’engage. (....). Pour les autres, qui ne mésestiment pas le tournant constitué par la désignation de Ségolène Royal, la situation créée plaide au contraire pour un appel plus large que jamais au rassemblement. »

Si nous ne sommes pas d’accord pour soutenir la candidature de Marie-George Buffet, ce n’est pas simplement parce qu’elle est la secrétaire nationale du PCF. C’est aussi parce que nous sommes en désaccord avec l’orientation qu’elle défend. Une orientation qui a déjà conduit son parti à gouverner avec le PS, pour le résultat que l’on connaît. Et qui s’appuie sur la gestion en commun de centaines de collectivités locales, municipalités, départements ou régions, avec le Parti socialiste.

Nous disons les choses simplement : nous ne voulons pas gouverner avec l’équipe de Ségolène Royal. Nous ne voulons pas participer à sa majorité parlementaire. Nous ne voulons pas voter son budget. Pourquoi ? Pas par sectarisme, car nous partageons bien des aspirations à la transformation avec de nombreux militants, sympathisants et électeurs socialistes. Mais, tout simplement, parce que le programme qui est le sien, celui du Parti socialiste, est incompatible avec le nôtre. Il n’y a pas de plus petit dénominateur commun entre ces deux programmes. Le PCF veut réunir « les deux gauches », la gauche gouvernementale et sociale libérale et la gauche radicale : nous maintenons que cela n’est pas possible. Et pas de faux débat, nous souhaitons, nous aussi, la défaite de cette droite particulièrement réactionnaire. Mais le débat porte sur le programme et les conditions d’application d’une politique anticapitaliste. Il est illusoire de penser faire basculer le PS dans le camp antilibéral, il s’est pleinement adapté à la mondialisation capitaliste.

Dès lors, quel sens politique cela a-t-il de vouloir allier à la tribune des meetings pour la présidentielle Jean-Luc Mélenchon qui prône l’union des gauches au pouvoir et Olivier Besancenot qui la rejette ? Ces deux politiques sont incompatibles électoralement, tout simplement parce qu’elles sont contradictoires politiquement.

Loin d’être mineure, cette divergence est essentielle mais nous nous refusons à hypothéquer l’avenir.

Nous disons cela animés d’un esprit unitaire, solidaire et démocratique. Les divergences n’ont pas été surmontées, il nous faut les assumer et prendre nos responsabilités. Cela veut dire aussi que nous souhaitons préserver les liens militants qui se sont tissés entre nous, continuer le débat à la lumière des expériences que nous allons vivre, ensemble, dans les luttes sociales et politiques.

Ne pas hypothéquer l’avenir, cela veut dire continuer de faire vivre l’unité dans les résistances et les mobilisations, continuer de faire vivre un front social et politique contre la politique du gouvernement Villepin aujourd’hui et, demain, après les élections, pour continuer de porter les exigences sociales et démocratiques du monde du travail. Alors, l’union, oui, mais l’union dans la clarté. Car c’est la condition d’un rassemblement anticapitaliste durable qui lui reste plus que jamais à l’ordre du jour au-delà de l’horizon de la présidentielle de 2007.

La délégation de la LCR au collectif national :

Anne Leclerc, Frédéric Borras, Yvan Lemaître, Léon Crémieux, Pierre-François Grond.


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