Syrie : absence de diplomatie et destruction

samedi 11 août 2012.
 

Les puissances extérieures, Russie et Etats Unis doivent envisager de relancer des discussions pour éviter la ruine du pays

La décision du président Obama d’appeler l’an dernier à la chute du régime d’Assad, appel qui sera repris par la Grande Bretagne et d’autres alliés, a été, on peut l’affirmer, une erreur. Les raisons d’Obama étaient compréhensibles.

Premièrement, le régime se comportait de manière effroyable.

Deuxièmement, les Etats Unis ne voulaient pas rester à la traîne dans une autre phase du Printemps arabe, étant donné en particulier que le régime de Damas était, à la différence de celui de Moubarak en Egypte, un de ceux qu’il a toujours détesté et qui est lié aux ennemis des Etats Unis dans la région que sont le Hezbollah et l’Iran.

Troisièmement, Israël était favorable à tout ce qui pouvait affaiblir la Syrie et nuire à l’Iran, un sentiment partagé par l’Arabi saoudite et d’autres pays du Golfe.

Quatrièmement, Obama, et ses conseillers, avaient sans doute la conviction que Assad s’en serait allé bien avant le moment où il aurait pu faire partie d’une quelconque solution. C’était pourtant une chose de croire que Assad, sa famille et ses associés seraient à un moment donné contraints de s’en aller, et autre chose de le dire publiquement sur un ton irrévocable.

Le résultat malheureux a été de couper court à toute possibilité de négociations entre les protagonistes et de claquer la porte à une coopération étroite entre les Etats Unis et la Russie, les deux pays qui pourraient en théorie, s’ils agissaient ensemble, faire la différence pour un résultat en Syrie. On peut bien entendu soutenir que le régime syrien a rejeté toute suggestion laissant entendre qu’il devrait discuter avec ceux qu’il qualifie de terroristes, et que c’est ce qui a bloqué le plan Annan dès le début. Mais le temps, et le désespoir, ont peut-être changé les choses. Le régime d’Assad est maintenant dans une situation différente et pire qu’il y a quelques mois. Certes ; mais pourquoi el-Assad devrait accepter des discussions sur sa propre liquidation comme premier thème de l’agenda ?

De la même manière, pourquoi des organisations d’insurgés envisageraient-elles un quelconque compromis alors qu’elles se rendent compte que les puissances occidentales ainsi que de nombreux gouvernements de la région sont derrière elles ?

Et enfin, pourquoi la Russie devrait-elle se satisfaire d’une politique de changement de régime en Syrie, prêtant ainsi le flanc à l’accusation de laisser tomber un allié tout en se rendant elle-même complice d’un plan, c’est certainement ainsi que Vladimir Poutine voit les choses, qui vise à réduire l’influence et le prestige de la Russie au Moyen Orient ?

Comme plus personne ne peut avancer sur le terrain diplomatique, la flamme guerrière a été attisée au point qu’elle risque de ruiner un pays de 24 millions d’habitants.

Aujourd’hui, Alep, une charmante ville historique qui avait largement été épargnée jusqu’à présent, est peut-être sur le point d’être écrasée. Le conflit, soyez-en assuré, déchire aussi le tissu social de la Syrie. Non seulement les relations entre les sectes et les confessions, mais aussi celles entre les classes sociales, avec une paysannerie souvent militarisée qui rejoint, et souvent dirige, le combat. La possibilité que des extrémistes, al Qaeda et d’autres, tenteront de s’immiscer est évidente. Les tristes nouvelles qui nous arrivent d’Irak, où une nouvelle série d’attentats a tué de nombreuses personnes, suggèrent que les extrémistes sunnites pourraient être en train d’élaborer un front commun dans le but de restaurer une domination sunnite dans les deux pays. Tout cela augure très mal de l’avenir, y compris un éventuel avenir sans Assad.

Il y a encore ceux qui, comme la petite mais courageuse opposition syrienne non violente, qui pensent qu’il existe une autre voie, ainsi que nous le rappelle une déclaration après une réunion récente de Sant’Egidio à Rome. Les puissances extérieures ont deux options désormais.

L’une est de rester spectateur pendant que la Syrie brûle, avec certains gouvernements qui soutiennent les rebelles en leur livrant des armes et attendent des défections, des assassinats ou des mutineries dans les forces armées pour abattre le régime. Si nous pouvions être assurés que cela va se produire rapidement, ce serait une chose. Mais que se passera-t-il si Assad continue à tenir ? Pendant des semaines, des mois voire même plus longtemps ?

C’est pourquoi la deuxième option, un retour à la diplomatie et en particulier, une relance du traitement de ce terrible problème par l’Amérique et la Russie, doit absolument être prise en considération.

Sont-ils sur des positions inflexibles ; ou trop impuissants devant les conséquences de leurs propres décisions pour seulement essayer ?

Si c’est le cas, ils porteront une lourde responsabilité.

The Guardian (UK) 27 juillet 2012


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