Metz : Quand la droite sénatoriale sent très mauvais

mardi 7 août 2012.
 

Dire que ces deux-là se détestent est un doux euphémisme. Depuis des années, François Grosdidier (UMP) et Jean-Louis Masson (divers droite), tous deux sénateurs de la Moselle, se vouent une haine incandescente dont ils entretiennent les braises àcoups de procédures judiciaires, de déclarations assassines et de candidatures dissidentes plus ou moins téléguidées.

Tous les coups sont permis entre ces deux frères ennemis de la droite messine mais cette fois, on frise l’opération de barbouze.

M.Masson accuse le sénateur et maire de Woippy d’avoir voulu lui tendre un guet-apens sexuel pour mettre un terme définitif à sa carrière politique ; il a déposé plainte contre lui pour "association de malfaiteurs", lundi 30 juillet.

Dans la retranscription sonore d’une conversation non-datée transmise au parquet et publiée sur le site de l’hebdomadaire Marianne, on entend M.Grosdidier deviser avec de mystérieux "visiteurs du soir" – des "promoteurs", selon son ennemi – sur les moyens susceptibles de se débarrasser de "ce fou (...) qui passe son temps à écrire au proc".

"Le seul truc, c’est de le faire coucher avec une mineure, y a que ça", suggère M.Grosdidier dans la discussion. "On en a déjà parlé, on trouve personne, tout le monde en a peur", semble alors se désoler son interlocuteur.

"Mais y a que ça, insiste le maire de Woippy, il faut monter un coup là-haut..." "Je te donne les sous, je m’en fous. Dis-moi combien ça coûte", propose l’homme d’affaires. "Oui mais faut l’organiser", répète M.Grosdidier.

"Dis-moi combien ça coûte"... M.Grosdidier de poursuivre : "Non mais, réellement, si celui-là [Masson] disparaît, c’est une épine du pied qui..." "Moi, j’y arrive pas, j’ai essayé, j’ai plein de copains qui ont peur de rien. À chaque fois que j’ai un locataire qui va pas, le mec, il lui met deux claques dans la gueule et il le fait sortir, mais là, quand je lui ai dit que c’était l’autre, il y va pas. Ils veulent pas... Trouver une mineure en France, euh..." "Et au Maroc ?" suggère alors un autre homme.

"Au Maroc ? Là oui, il se fera piéger comme un lapin", envisage le propriétaire d’immeubles aux méthodes d’expulsion apparemment musclées.

M. Grosdidier tempère alors l’enthousiasme de ses "amis" en expliquant que les autorités marocaines se refuseront à "tendre une souricière" à un parlementaire français. "Il faudrait une ONG ou un journaliste", imagine-t-il. "Moi, je peux me faire fort, derrière, dès que ça pète, de prévenir le secrétaire d’Etat à l’intérieur en disant : écoutez, ne le protégez pas, c’est le plus foireux des hommes politiques français (...). Un type qui emmerde l’UMP comme c’est pas possible depuis longtemps." S’ensuivent quelques considérations sur les prétendues mœurs sexuelles de celui à qui l’on veut tendre ce piège grossier.

"UN CHEF D’ENTREPRISE A ESSAYÉ DE ME FAIRE VENIR AU MAROC"

M. Masson disposait de la bande-son depuis plusieurs mois. Il explique s’être décidé à en transmettre une copie au procureur de Metz après avoir appris qu’un entrepreneur du BTP de la région de Saint-Avold, qui a dénoncé récemment des "ententes illicites" mettant notamment en cause M. Grosdidier – lequel nie toute implication dans cette affaire – avait surpris, dimanche 29 juillet, deux hommes encagoulés sur le toit de sa maison. "Quand j’ai lu ça dans le journal, je me suis dit qu’ils étaient capables de tout", a indiqué M.Masson au moment de déposer plainte contre son rival.

Docteur en droit en plus d’être sorti de Polytechnique, M. Masson n’ignore pas que le "groupement ou l’entente établie en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit", qui définit l’association de malfaiteurs, doit comporter "un ou plusieurs faits matériels" pour être constitué. "Justement, un chef d’entreprise dont j’ai transmis les coordonnées au parquet a essayé avec une insistance répétée de me faire venir au Maroc sous des prétextes fallacieux", relate-t-il, pointant "un début d’exécution".

M. GROSDIDIER ACCUSE "UN PLAN MACHIAVÉLIQUE"

Qui a vendu la mèche et enregistré la conversation sur laquelle M.Masson fonde sa plainte ? Dans quel but ? Est-ce le fait d’un "repenti" ou s’agit-il au contraire d’une machination visant à piéger M.Grosdidier ab initio ? Mystère... Dans un communiqué diffusé mardi, le sénateur et maire de Woippy, qui se dit victime d’"un plan machiavélique", évoque pour sa part l’existence d’un "conseiller financier mythomane" dont il cite le nom et qui serait venu lui faire, "il y a quelques années", des "propositions délirantes pour neutraliser et compromettre" M. Masson.

L’enregistrement dont dispose désormais la justice est "en fait un assemblage de brides d’une conversation infiniment plus longue que nous avons poussée en nous amusant pour voir jusqu’où irait son délire. J’en riais après son départ", assure M.Grosdidier, qui évoque une "blague de collégiens".

Le sénateur et maire de Woippy se demande à présent si ce financier "finalement plus manipulateur que mythomane" n’a pas été "commandité" par son ennemi juré. Et à son tour, il annonce qu’il porte plainte pour "dénonciation calomnieuse et mensongère", "manipulation" et "association de malfaiteurs".

UN FEUILLETON DONT M. MASSON DISTILLE LES ÉPISODES

Ces rebondissements en cascade font penser à un feuilleton dont M. Masson, qui manie à merveille le code pénal et les codes de la communication politique, distillerait les épisodes un à un.

Il y a eu tout d’abord cette affaire de corruption dans le BTP, dévoilée au début de l’été et en marge de laquelle M. Masson assure avoir des révélations à faire sur des "investissements de M.Grosdidier au Maroc" ; il a d’ailleurs demandé à être entendu par le juge qui instruit le dossier au cours d’une conférence de presse organisée le 21 juin.

Il y eut ensuite la mise en examen de M.Grosdidier pour "détournement de biens publics", le 25 juillet dans une autre procédure portant sur l’utilisation de moyens mis à la disposition de sa permanence parlementaire par la mairie de Woippy , des faits dénoncés àl’origine par l’une des membres de l’opposition municipale réputée proche... de M.Masson. Et il y a, à présent, cet enregistrement scabreux.

Nicolas Bastuck


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