OLYMPIADES de BARCELONE (19 au 23 juillet 1936) ou l’Humanisme contre la Barbarie

vendredi 21 juillet 2023.
 

En 1928, les villes de Barcelone, Berlin, Istanbul, et d’autres, posent leur candidature auprès du Comité international olympique (CIO) pour l’organisation des Jeux olympiques de 1936.

Le CIO se réunit en Espagne en mai 1931, peu après l’avènement de la Seconde République, pour choisir la ville où se dérouleraient les Jeux. Berlin fut choisie pour célébrer le retour de l’Allemagne dans le « concert des nations » démocratiques. Officieusement, le baron Pierre de Coubertin et le CIO sont effrayés par les républicains espagnols. Cependant, après la nomination d’Hitler comme chancelier en janvier 1933, les athlètes non aryens sont exclus ou déchus de leurs titres (par exemple le boxeur Erich Seelig). En 1934, la Coupe du Monde de football se tient en Italie.

Des manifestations importantes se déroulent alors en Europe et aux États-Unis contre la tenue des Jeux à Berlin. Une pétition pour le boycottage est signée par plus de 500 000 personnes et les manifestations rassemblent plusieurs centaines de milliers de personnes1. Le Comité international pour le respect de l’idée olympique est alors créé, tandis qu’en France, la nouvelle fédération sportive de gauche, la FSGT, lance le slogan : « Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin ! ». Le journal Le Sport écrit ainsi, le 9 octobre 1935 : « La loi olympique est violée chaque jour, aucune garantie de liberté n’est accordée aux sportifs juifs et catholiques. Dans ces conditions, notre devoir, ainsi que celui de tous les hommes d’honneur, est de dénoncer vigoureusement les pratiques hitlériennes et de demander le transfert des Jeux dans un autre pays ».

Après la journée du 6 février 1934 à Paris, la stratégie des fronts populaires est adoptée en France et ailleurs. Dirigée par Léo Lagrange, qui sera sous-secrétaire au Sport du gouvernement dirigé par Blum, la FGST dialogue avec la Généralité de Catalogne, tandis qu’Anvers, Prague et d’autres villes tentent, sans succès, d’organiser des Jeux alternatifs. En 1935, Tel Aviv accueille les premiers Jeux olympiques « juifs »

. Une décision du Front populaire espagnol

La décision d’organiser les Olympiades populaires à Barcelone est prise dès après la victoire du Front populaire espagnol, le 18 février 1936. En raison des pressions de la Fédération ouvrière suisse de gymnastique et du sport, le gouvernement suisse (siège du CIO) refuse de voter une subvention à la délégation de sportifs se rendant à Berlin, avant de se rétracter. Trois cents athlètes helvétiques se rendent finalement à Barcelone ; certains intègreront la colonne Durruti. Aux Pays-Bas, le groupe anti-fasciste De Olympiade Onder Dictatuur (DOOD, « l’Olympiade sous la dictature ») milite en faveur du boycott des Jeux olympiques nazis, tandis qu’en Belgique et en France le débat reprend, en particulier après la victoire de la gauche aux élections de mai 1936.

Début mai, la Generalitat fixe le programme de l’Olimpiada Popular et le Comité d’organisation de Barcelone envoie en juin les invitations officielles. La cérémonie d’ouverture est fixée au 19 juillet 1936.

Six mille athlètes appartenant à 22 pays différents s’inscrivent alors. Les délégations les plus nombreuses sont celles des États-Unis, des Pays-Bas, de Belgique, de Tchécoslovaquie, du Danemark, de Norvège, de Suède et d’Algérie, tandis que les équipes allemandes et italiennes sont composées d’exilés politiques. La plupart des sportifs sont membres d’associations et de clubs sportifs syndicaux ou bien de partis de gauche ; peu appartiennent aux comités sportifs publics ou olympiques.

On décide d’utiliser l’infrastructure hôtelière construite pour l’Exposition internationale de 1929 et le Stade de Montjuïc — l’actuel Estadio Olímpico Lluís Companys — est censé accueillir les compétitions.

Le Front populaire en France

En France, l’extrême droite et les ligues fascistes soutiennent les Jeux olympiques de Berlin, tandis que le PCF prend officiellement parti pour les Olympiades populaires. Les épreuves qualificatives se tiennent le 4 juillet 1936 au stade Pershing, à Paris, en compagnie du secrétaire d’État aux Sports et aux Loisirs, Léo Lagrange. Mille deux cents athlètes s’inscrivent alors pour ces Olympiades antifascistes. La même semaine, le ministre des Transports Pierre Cot, André Malraux, Léo Lagrange et d’autres dirigeants du Front populaire participent à Garches (Hauts-de-Seine) à une journée de soutien aux Olympiades et contre les Jeux olympiques racistes de Berlin. Le gouvernement Blum décide finalement de refuser les subventions aux participants et aux partisans des Olympiades de Barcelone, les frais étant à la charge des délégations et des athlètes. En outre, Blum inscrit un débat à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale, où il dispose sans peine de la majorité parlementaire. Un député communiste déclare alors : « Aller à Berlin, c’est accepter une sorte de complicité avec les bourreaux, c’est river les fers aux pieds des victimes, et c’est couvrir leurs plaintes que de chanter en chœur, avec le maître du Reich, l’hymne à la gloire du sport. » Le 9 juillet a lieu le vote sur la participation de la France aux Jeux olympiques de Berlin. La droite vote pour, tandis que l’ensemble de la gauche s’abstient — y compris le PCF —, à l’exception de Pierre Mendès France, qui vote contre.

La tenue des Olympiades et le pronunciamento militaire

Dès le 14 juillet, les sportifs français prennent la route de Barcelone. Chaque arrêt dans les gares sert de prétexte à des manifestations spontanées : on chante L’Internationale. Les derniers participants, ne parlant pour la plupart ni espagnol ni catalan, arrivent le 18 juillet au matin. Dans la nuit du 18 au 19, les premiers coups de feux éclatent à Barcelone en riposte au pronunciamento du général Franco.

Bien que la plupart des sportifs restent dans leurs hôtels dans la journée du 19, certains descendent dans la rue et participent à l’offensive contre les militaires. Quelques uns sont blessés ou tués. Le calme revient sur la ville le lendemain, et le 23 juillet, Jaume Miravitlles, secrétaire du comité exécutif des Olympiades populaires de Barcelone, annonce l’annulation des jeux. Le lendemain, les premières colonnes de miliciens partent en direction de l’Aragon.

Le gouvernement Blum donne alors l’ordre aux délégations de revenir immédiatement, affrétant deux paquebots partis de Marseille. Il leur sera demandé 150 francs pour « frais de rapatriement ». Plusieurs athlètes décident cependant de rester sur place : « Nous étions venus défier le fascisme sur un stade et l’occasion nous fut donnée de le combattre tout court ». Emmanuel Mincq, footballeur juif polonais d’Anvers, rejoint le Bataillon Thälmann et deviendra l’un des dirigeants de la Brigade Dombrosky. Il restera en Espagne jusqu’en 1939, puis fera la tournée des camps en France (Argelès, Le Vernet, Gurs). Certains défileront sur le Paseo de Gracia avec la colonne Durruti, d’autres intègrent les colonnes du POUM ou de la CNT (colonne Ortiz).

Pris en tenailles entre les radicaux et les communistes, le Front populaire français renonce à aider les Républicains et pratique une « politique de non-intervention », en fermant les frontières et en interdisant à Lluis Companys de participer à un meeting unitaire en faveur de l’Espagne républicaine. Pendant ce temps là, Hitler et Mussolini envoient des chars et des hommes lutter pour les nationalistes. Blum, lui, offre des ambulances. En août 1936, les athlètes français défilent à Berlin en faisant le salut olympique, qui fut souvent mal interprété comme un salut nazi, alors que les délégations anglaises et américaines détournent la tête devant la tribune d’Hitler.


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