Le fond de l’air redevient rouge mais Chris Marker est décédé ce 30 juillet 2012

jeudi 2 août 2012.
 

Pour visionner la bande annonce du film, cliquer sur l’adresse URL portée en source (haut de page, couleur rouge).

Dans un film datant de 1977, Le fond de l’air est rouge, le cinéaste français Chris Marker traçait un brillant portrait documentaire des années 60-75, période où s’esquissèrent de nombreuses tentatives pour changer l’ordre du monde. Une impression d’échec se dégage de la fin du film, comme si cette époque n’avait conduit qu’à un cul-de-sac.

C’est un constat qui a d’ailleurs fait largement consensus durant les années 80, qui virent le triomphe de la contre-révolution néolibérale. Expériences révolutionnaires faites en vain alors ? Le bilan n’est pas si simple, car « dans le déroulement même de ces échecs, des actes ont été posés, des paroles ont été dites, des forces sont apparues D’où l’intérêt de refaire patiemment le chemin parcouru »

Source LCR belge

« Le fond de l’air est rouge » 1967 Première partie

http://www.youtube.com/watch?v=m3b4...

« Le fond de l’air est rouge » 1967 Deuxième partie

http://www.youtube.com/watch?v=jeAw...

« Le fond de l’air est rouge » 1967 Troisième partie

http://www.youtube.com/watch?v=Ht8-...

« Le fond de l’air est rouge » 1967 Quatrième partie

http://www.youtube.com/watch?v=GWXe...

« Le fond de l’air est rouge »

Film de Chris Marker, présenté sur Arte le mardi 15 avril 2008.

Ce film, réalisé en 1977 et écourté d’une heure, par l’auteur, en 1993, est encore incontournable aujourd’hui pour qui, saisi par les idées révolutionnaires, se pose les questions de leur mise en pratique et affronte leurs contradictions. Il fonctionne comme la remise en perspective d’espoirs certes déçus, mais qui, décortiqués, analysés, digérés, devraient fournir de quoi défricher des avenirs meilleurs, dont on sait au moins, désormais, qu’ils ne seront pas radieux.

Le film charrie en effet le flot tumultueux, émouvant et douloureux des grandes luttes populaires menées par la gauche entre 1967 et 1977 à Cuba, au Vietnam, à Prague, à Santiago du Chili ou à Paris, en mai 68. En 1978, le cinéaste disait : « Dans le déroulement même de ces échecs, des actes ont été posés, des paroles ont été dites, des forces sont apparues qui font que « rien ne peut plus être comme avant » (comme on chantait chez Lipp » et dans le même temps que le souvenir en a été modifié ou effacé, et quelquefois par ceux-là même qui en avaient été les porteurs. D’où l’intérêt de refaire patiemment le chemin parcouru, d’en relever les traces, d’y trouver les indices, le mégots, les empreintes »...

En 1993, il déclarait : « Imaginez maintenant que celui qui a fait ce montage en 1977 se voit soudain offrir l’occasion de regarder ces images après un intervalle de quinze ans. (...) Notre auteur s’émerveillerait des ressources de l’Histoire qui a toujours plus d’imagination que nous... Il penserait à la fin du film telle qu’il l’avait conçue en 1977, quand il comparait le trafic d’armes des grandes puissances à ces sélectionneurs volants dont le travail est de limiter les populations des loups à un chiffre acceptable. Devinez qui elles arment aujourd’hui.... Une pensée consolante cependant : quinze ans après, il y avait toujours des loups. »

Et il y a toujours des militants révolutionnaires qui, dans la polyphonie chère, justement, au film de Chris Marker, cherchent de nouvelles voies. Regardez ce film. Il est le contraire de la nostalgie. Les questions qu’il pose sont d’actualité. Et quelle leçon de cinéma ! Quelle poésie !

4) Le fond de l’air est triste, Chris Marker nous a quittés

Le grand réalisateur n’est plus, qui, en une cinquantaine de documentaires en plus d’un demi-siècle, fit le tour du monde et de ses soubresauts.

Un grand nom du cinéma s’est éteint, Chris Marker. À l’annonce de son décès, les réactions ont fusé. Retenons parmi d’autres celle de Gilles Jacob, président du Festival de Cannes, qualifiant l’homme d’«  esprit curieux, cinéaste infatigable, poète amoureux des chats, vidéaste, personnage secret, d’un immense talent  ». Que tout cela est vrai.

Né Christian François Bouche-Villeneuve, le 29 juillet 1921, à Neuilly-sur-Seine, il est mort le 29 juillet 2012, donc le jour de ses 91 ans, à son domicile parisien du 20e arrondissement. C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’on entend parler de Chris Marker, encore que certains l’avaient déjà repéré, dont son professeur de philosophie du lycée Pasteur, un certain Jean-Paul Sartre, alors que l’élève s’occupait du journal des étudiants de l’établissement, le Trait d’union. Mais c’est Emmanuel Mounier qui le fait entrer à Esprit en 1946, la célèbre revue «  philocommuniste  » qui prône un catholicisme de gauche. Il y restera jusqu’en 1955, en des articles qu’on lira avec profit. Nous sommes au moment où ce qu’on appellera la nouvelle vague palpite de ses premiers courts métrages, au moment aussi où des intellectuels tentent que se rejoignent la notion de culture et celle de masse. Si l’on se souvient généralement dans quel contexte sont nés Cannes et Avignon, parfois de l’importance du mouvement ciné-club, on a minoré au fil du temps, parfois par ignorance ou oubli, parfois par anticommunisme, le rôle d’organisations comme Peuple et culture ou Travail et culture, dont Marker fut l’enfant, ayant comme père spirituel André Bazin, le cofondateur des Cahiers du cinéma. C’est dans les bureaux de Travail et Culture que Chris Marker rencontre Alain Resnais, qui va devenir son ami, tout en démarrant sa carrière de romancier.

Tout cela pour montrer que Marker a épousé son siècle, comme il aura épousé la planète, dans une cinquantaine de documentaires de toute durée dont les titres parlent souvent d’eux-mêmes, comme Dimanche à Pékin (1956), Lettre de Sibérie (1957), Cuba si (1961), en souvenir du pays où il avait vécu. Égal en cela à Joris Ivens, Marker est à la fois un citoyen du monde, un brasseur d’idées et un explorateur de la forme filmique. Nul n’a oublié les images fixes de la Jetée (1962), dont le futurisme fantastique allait tellement marquer Terry Gilliam qu’on peut y voir l’acte d’inspiration de l’Armée des douze singes, son portrait d’Yves Montand, la solitude du chanteur de fond (1974), et celui de sa compagne, Mémoires pour Simone (1986), A. K., son reportage sur le tournage de Ran, de Kurosawa (1985), et, cela va de soi, du film Les statues meurent aussi (1953, avec Alain Resnais), Description d’un combat (1961), le Joli Mai (1962), À bientôt j’espère (1968) qui épouse les luttes du moment social, Le fond de l’air est rouge (1977), Sans soleil (1983), le Tombeau d’Alexandre (1993), Level Five (1997), qui s’appuie sur le jeu vidéo japonais reconstituant la bataille d’Okinawa. Comme l’ont souligné Costa-Gavras, président, et Serge Toubiana, directeur général, au nom de la Cinémathèque française, «  dans le monde cinématographique de Marker, tout se tient  : l’individuel et le collectif, le présent et la mémoire, l’intime et le spectaculaire des luttes, le bricolage et la haute technologie, la “petite forme” et la grande histoire  ».

Dans toutes les luttes

Artiste solitaire pour qui regarde sa création (les écoles de cinéma ne succombent pas sous ses disciples) comme sa vie (bien peu disposaient de son numéro de téléphone) ou son image (qui peut se vanter d’en avoir vu souvent une, ne serait-ce qu’une photo d’identité  ?), Chris Marker était pourtant un homme du collectif. En témoigne le nombre de ses réalisations collectives – comme Loin du Vietnam (1967) qu’il cosigne avec Ivens – avec Resnais, Varda, Lelouch, Godard et William Klein. En témoigne aussi son engagement dans les groupes Medvedkine – du nom du cinéaste soviétique Alexandre Medvedkine, qu’il admirait tant comme en témoigne le Tombeau d’Alexandre –, qui le voient les aider à tenir d’une main ferme leur caméra devant les ouvriers de la Rhodiaceta à Besançon, films qu’on trouvera aux éditions Montparnasse. En résumé, on peut dire de Chris Marker qu’il épousa toutes les luttes du XXe siècle sans pour autant en partager toutes les illusions. Jusqu’à retravailler certains de ses films à qui il procura un nouveau sens dans un souci de revisite d’une histoire dont le sens ne saurait demeurer figé à jamais. Mais toujours en restant fidèle à lui-même, d’une main sûre et vagabonde à la fois, dans l’entrelacs et la collision des images et des mots, forme exacerbée et poétique du montage. Chez Marker, comme chez le Godard récent, une image n’existe pas par elle-même, seulement dans la collision à la Eisenstein, entre celle qui la précède et celle qui la suit.

La réaction des pairs

Dans un communiqué, l’ARP, l’Association des réalisateurs producteurs, déclare  :

« Les cinéastes de l’ARP ont appris avec une grande tristesse le décès de leur frère de cinéma, l’immense Chris Marker. Ancien résistant, artiste pluridisciplinaire, voyageur curieux de tout, Chris Marker restera dans les mémoires grâce à son œuvre unique et singulière, de la Jetée au Joli Mai, de Sans soleil au Fond de l’air est rouge, comme à travers ses portraits (de Signoret, Medvedkine, Montand, Tarkovski…), ses nombreux documentaires et courts métrages. Proche des autres artistes, Chris Marker laissera aussi son empreinte dans les cinémas de ceux 
qui auront eu la chance 
de travailler avec lui. »

Jean Roy

Source : http://www.humanite.fr/culture/le-f...


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