Pour un "Pacte d’urgence" à gauche !

samedi 14 juillet 2012.
 

La séquence du double rendez-vous électoral de cette année achevée, c’est un tout nouveau moment politique qui vient de débuter, avec les premiers arbitrages gouvernementaux, la formation du gouvernement Ayrault 2, et l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale. Avant d’entrer dans le vif du sujet, un bref retour s’impose sur la conclusion des législatives.

Comme l’on pouvait s’en douter, il n’y aura pas eu de surprise d’un tour à l’autre. L’UMP aura essuyé l’une des pires défaites que la droite ait eu à subir depuis la première alternance de 1981, une série des figures de la Sarkozye se voyant sèchement renvoyées à l’analyse des raisons qui ont conduit les Français à vouloir si âprement se débarrasser d’elles. Le Parti socialiste aura obtenu, à lui seul, la majorité absolue que François Hollande avait sollicitée, le mécanisme électoral en vigueur ayant à la fois amplifié le rejet du précédent régime et accouché d’un paysage bipolarisé comme jamais (le Modem se trouvant, avec son chef de file, pratiquement éliminé de la représentation nationale, tandis que d’intenses grenouillages s’organisaient afin que se formât un énigmatique groupe centriste sous la houlette du sieur Borloo, et alors que les Verts rejoignaient les radicaux de gauche dans le rôle assez peu glorieux de parti satellite du PS, comme vient d’ailleurs de s’en émouvoir Daniel Cohn-Bendit). Quant au Front national, si sa présidente aura une nouvelle fois échoué, d’une poignée de voix, dans le Pas-de-Calais, il est le seul à avoir pu, avec ses deux élus, franchir le barrage du scrutin uninominal à deux tours… alors qu’il ne pouvait s’adosser à aucune implantation locale préalable. Preuve que son influence sera sortie considérablement renforcée des rendez-vous électoraux de cette année, et qu’un début d’osmose s’est à présent réalisé entre une partie de la droite traditionnelle et l’extrême droite.

Le Front de gauche, quant à lui, se sera avéré la grande victime d’un véritable paradoxe antidémocratique : avec plus d’un demi-million de voix supplémentaires, il aura obtenu moins de représentants que dans la précédente Assemblée. Son groupe n’y sera, de justesse, préservé que par l’apport de quelques élus d’Outre-Mer. Le calcul d’une large fraction de la direction socialiste aura, ce faisant, été exaucé : sur le papier, le gouvernement n’aura ni à déroger à la « feuille de route » que constitue à ses yeux le programme du nouveau président, ni à se confronter avec ce qui est pourtant devenu, à l’échelle du pays quoique son Parlement n’en donnât nullement la mesure, la deuxième force de la gauche.

Les configurations trop simplifiées au moyen d’artifices institutionnels sont souvent celles qui cachent le plus redoutablement une profonde instabilité. En l’occurrence, la vie politique française se prépare à connaître des convulsions qui ne tarderont pas à mettre en porte-à-faux la traduction parlementaire du vote des Français. Ainsi, dès lors qu’il va bien falloir à la droite « clarifier ses valeurs », pour reprendre un propos d’Alain Juppé, autrement dit éclaircir sa relation avec le lepénisme, dans un contexte où elle ne dispose plus d’un leadership incontesté, y-a-t-il fort à parier qu’elle n’échappera pas à l’implosion ; ce qui pourrait donner à l’extrême droite une place qu’elle n’avait plus jamais connue depuis la chute de Vichy. Ainsi aussi, les « illusions d’optique du scrutin majoritaire », pour parler comme Gérard Courtois dans Le Monde du 19 juin, pourraient-elles vite conduire la majorité socialiste à oublier qu’elle ne possède, ni dans la gauche ni dans le pays, de la même hégémonie qu’au Palais-Bourbon, il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les 47% d’abstentions ou de votes blancs et nuls de ce 17 juin. Ainsi enfin, le chef de l’État et son équipe devraient-ils ne jamais ignorer que l’ampleur du vote antidroite de ce printemps se voit chargée d’une profonde aspiration au changement de l’ordre des choses - ce dont la campagne de Jean-Luc Mélenchon aura été l’expression spectaculaire au premier tour de la présidentielle -, et qu’elle ne saurait valoir blanc-seing à la mise en œuvre d’une orientation qui leur tournerait le dos.

LA VÉRITÉ DES FAITS, C’EST MAINTENANT !

C’est dans ce contexte, bien plus incertain que de doctes analystes aimeraient le laisser croire, que s’annoncent de lourdes épreuves. Les convulsions affectant la construction européenne n’auront même pas connu un instant d’apaisement après que les nouvelles élections grecques, et la courte avance de Nouvelle démocratie sur nos camarades de Syriza, aient autorisé la constitution d’une coalition entre conservateurs et socialistes. L’état de décrépitude où l’austérité a plongé la nation hellène, comme l’exaspération paroxystique de sa population, ont atteint un degré tel que les nouveaux gouvernants se voient eux-mêmes contraints d’exiger la renégociation du « Mémorandum » conditionnant l’aide européenne à une purge libérale si violente qu’elle n’est pas applicable. Comme vient de le relever Bank of America-Merril Lynch, citée par Le Monde, « personne ne voit comment Athènes pourrait ramener son déficit public à 7,3% du produit intérieur brut avec une contraction de l’activité de 6,4% ».

Le sommet européen de cette fin de semaine ne pourra, par conséquent, esquiver la contradiction, plus béante que jamais, opposant le fanatisme austéritaire des élites allemandes, croyant illusoirement que leur attitude parviendra à protéger encore un peu la compétitivité que leur économie a acquise sur le dos de leurs partenaires de la zone euro, aux problèmes que rencontre un nombre croissant de gouvernements, de moins en moins aptes à tenir le cap fixé par le traité Sarkozy-Merkel (tous étant, d’ailleurs, de droite). Pour ceux-là, en dépit des souffrances qu’ils ont déjà infligé à leurs populations en organisant des coupes claires dans les budgets sociaux, la victoire de la gauche en France apparaît une opportunité de desserrer quelque peu l’étau menaçant de les broyer. Et ce, alors que la spéculation les assaille sur les marchés financiers (l’Espagne, soumise comme l’Italie à des taux d’intérêt supérieurs à 6%, se retrouve au bord de la cessation de paiement), que la crise bancaire ne cesse de s’aggraver sans que les 750 milliards d’euros mobilisés par le fonds de stabilité ne parviennent à la juguler, et que l’agence Moody’s pourrait venir dramatiser le maelström durant la période estivale - toujours propice aux initiatives des aigrefins de la finance -, avec la « dégradation » de la note d’une kyrielle de banques du continent, dont les trois « majors » français que sont BNP, la Société générale et le Crédit agricole.

Dans l’Hexagone même, la droite étant pour un certain temps devenue inaudible en dépit de ses 48% de la présidentielle et de ses 47% du second tour des législatives, le parti du capital n’aura pas tardé à prendre le relais. Il a pour porte-parole la présidente du Medef, il met savamment à contribution ses relais d’opinion que sont les commentateurs acquis à la vulgate libérale, il dispose de ces « éléments de langage » lui permettant de marteler sans fin son message en direction de l’opinion.

Il aura, par exemple, suffi que quelques rapports habilement utilisés viennent asséner que « les taux de marge des entreprises françaises sont les plus faibles d’Europe », pour que l’on entende de nouveau résonner le discours sur le « coût » prétendument prohibitif du travail dans notre pays. Et Le Monde, encore lui, tout à son rôle de héraut de la pensée unique, d’interpeller la nouvelle majorité : « Nombre de voix suggèrent de provoquer sans tarder un ‘’choc de compétitivité’’ en transférant une partie des charges sociales payées par les entreprises vers la fiscalité – la CSG, par exemple. Cela réduirait instantanément leurs coûts et pourrait leur permettre de repartir d’un meilleur pied. Candidat, François Hollande avait lancé des attaques aux accents très mitterrandiens contre la ‘’finance sans visage’’. Président, il devra faire comprendre aux Français qu’il n’est pas amoral pour une entreprise de gagner de l’argent. »

L’éditorialiste anonyme du quotidien vespéral ne se sera évidemment pas interrogé un instant sur les avantages qu’il y aurait à taxer les privilégiés de la fortune tout en récupérant les moyens d’orienter le crédit vers l’emploi et les PME, comme le propose le Front de gauche ; il préfère s’en tenir à des recettes qui ont échoué et mené le pays au bord de la récession (il apparaît présentement que le recul de l’activité dû aux politiques restrictives représente chaque année un manque à gagner de 140 milliards), consistant comme toujours à favoriser « l’offre » au détriment de la « demande », pour faire payer doublement les travailleurs, une fois sous la forme du « salaire différé » que concentrent les cotisations sociales acquittées par les entrepreneurs, et une autre fois en prenant en charge les obligations du patronat, via la fiscalité.

De la même façon, il aura suffi que fût révélé que le gouvernement Fillon était parti sans régler dix milliards d’euros théoriquement inscrits au budget 2012, pour que l’on exhorte de toutes parts François Hollande à remiser sans tarder ses engagements les plus notables. Le Figaro y sera, par exemple, allé de ses « révélations » sur le « plan secret » des socialistes pour faire baisser les dépenses de l’État, tandis que Les Échos et autres organes des élites martèlent jour après jour que le gouvernement se prépare à un virage sur l’aile, abandonnant en catastrophe les promesses à partir desquels il avait gagné une majorité de l’électorat. Que ces « scoops » fussent ou non puisés à la source de confidences de la technocratie des ministères, ils sont avant tout destinés à exercer la pression maximale sur la nouvelle direction du pays. Avec le relais que leur apportent les attaques de Madame Merkel ou de Monsieur Cameron sur le prétendu déclin de l’économie française….

LE TEST DES… 50 JOURS

Voilà donc le tandem du sommet de l’État devant des choix décisifs. Qu’il s’inclinât, le 28 juin à Bruxelles, devant la folle logique des libéraux européens, en contrepartie par exemple de quelques annonces de pure forme en faveur d’une relance économique (que pèse donc le pacte de croissance à 130 milliards qui serait sorti des échanges entre dirigeants européens ?), et il prendra sa part de responsabilité dans ce processus, à l’œuvre depuis des années, qui conduit l’Europe à sa perte pure et simple (c’est le financier Georges Soros lui-même qui pronostique que la zone euro n’a guère plus de trois mois de survie à espérer). Qu’il reprît le chemin de la « rigueur », en renonçant à toute ambition véritable en matière de hausse des salaires (comme le suggère la modeste « pichenette » donnée au Smic, qui se limitera en réalité à 0,6% de progression nette, si l’on tient compte du rattrapage des pertes de pouvoir d’achat dues à l’inflation), ou bien en se situant à son tour dans les clous de la Révision générale des politiques publiques (qui a déjà coûté si cher à nos services publics), et il se verra emporter dans un tourbillon qui, très vite, l’amènera à décevoir cette majorité du pays qui a eu raison de Nicolas Sarkozy voici 50 jours. Il n’échappera pas, dit autrement, au choix entre la détermination à affronter le capital et… le suicide dans la soumission aux exigences de ce dernier.

La « papandréouisation » du président de la République n’a cependant rien d’inéluctable. Une crise au prochain sommet européen, grâce à un affrontement assumé avec la ligne Merkel, s’avérerait autrement plus prometteuse que la lente dérive minant présentement l’Union et la monnaie unique. La clé d’un changement du rapport des forces, d’une bifurcation de la construction continentale s’avère d’évidence la récupération par les États de la maîtrise du crédit et le changement des règles de la monnaie unique. Ce qui suppose de mettre fin au dogme de l’indépendance consentie aux banquiers de Francfort par les traités en vigueur, l’objectif étant de sortir chaque pays de la pression qu’exercent sur lui les taux d’intérêt. De donner à la Banque centrale européenne la nouvelle mission de prêter aux États aux conditions les plus avantageuses tout en intervenant activement pour garantir la stabilité financière du système. De relancer la machine économique au moyen notamment d’un vaste plan d’investissement (d’aucuns parlent, non sans raison, d’au moins 1000 milliards d’euros d’ici la fin de la décennie). De réorienter les priorités de l’Europe vers l’emploi, une réindustralisation respectueuse de l’environnement, les services publics.

Une identique logique s’impose dans le domaine des orientations à imprimer à l’économie française. Plutôt que de donner droit aux objurgations de l’aristocratie de l’argent, c’est une réforme fiscale d’ampleur inédite qui doit voir le jour, sans se borner à la création de la fameuse tranche à 75% annoncée par le candidat Hollande pour les revenus supérieurs à un million d’euros, l’horizon devant être de rendre l’impôt véritablement progressif avec, notamment, la création de plusieurs nouvelles tranches destinées à mettre à contribution les immenses gisements de richesse accumulés sur deux ou trois décennies. Si l’on veut, entre autres, récupérer les dix milliards évanouis dans le budget national, c’est l’ami Nicolas Sansu, nouveau député Front de gauche du Cher, qui est dans le vrai lorsqu’il préconise (dans l’Humanité du 22 juin) de taxer les dividendes des actionnaires (ceux du CAC 40 se sont, rien que cette année, partagés 34 milliards d’euros). Ce qui devrait, évidemment, se conjuguer à la nationalisation des grands établissements bancaires, condition de leur mise au service de la collectivité.

UN FRONT DE GAUCHE UTILE AU PEUPLE DE GAUCHE

De ce tableau, découle presque naturellement la mission du Front de gauche dans la nouvelle configuration française. Non pas se murer dans la posture de Cassandre annonçant les trahisons à venir du pouvoir en place. Encore moins confondre le refus commun de ses composantes d’intégrer l’équipe gouvernementale avec l’entrée dans une opposition de gauche à cette dernière. Ces attitudes, auxquelles nous convie volontiers une extrême gauche qui vient pourtant d’acquitter la facture salée de ses erreurs, ne feraient que nous mener à une marginalisation ruinant l’acquis de la campagne de Jean-Luc Mélenchon et des quatre millions d’électeurs l’ayant soutenu à cette occasion. Elles généreraient d’abord, non de la combativité et une ardeur démultipliée à changer la conformation de la gauche, mais de l’impuissance, à l’heure où il va au contraire devenir impératif que le peuple s’en mêle, que des mobilisations puissantes s’organisent afin de faire sauter les obstacles dressés sur la route du changement attendu. Pire, elles encourageraient le désespoir que contiendrait en germe le reniement des gouvernants socialistes.

J’entends bien des amis, dans le Front de gauche et au-delà, me dire qu’un tel aboutissement est inévitable, puisque la formation restée dominante à gauche n’a rien promis, si ce n’est une austérité assortie de plus de justice qu’auparavant. Peut-être… Doit-on néanmoins attendre la catastrophe, se préparer au moment où une droite lepénisée se nourrira de la désillusion populaire, en espérant que l’on sera alors suffisamment forts pour assumer le choc ? Certainement pas ! Sur les champs de ruines, on moissonne rarement de belles récoltes, surtout si l’on n’a pas préalablement tout mis en œuvre pour empêcher que le désastre survienne… À l’occasion des joutes électorales de l’année écoulée, les engagements de François Hollande seront restés fort éloignés des nécessités de l’heure, c’est certain. Il n’en est pas moins patent que son élection n’eût pas été possible si les Français n’avaient pas entendus les promesses d’en découdre avec la finance, de restaurer le principe républicain d’égalité, de réorienter la construction européenne. Telle est la contradiction motrice de la période qui s’ouvre. C’est la raison pour laquelle il était juste d’exiger des changements de cap substantiels de la « feuille de route » gouvernementale une fois tombé le verdict des urnes. Cela doit demeurer la boussole qui guide notre positionnemment.

Plus précisément, le redéploiement auquel doit maintenant viser le Front de gauche implique, pour lui, de continuer à inscrire son action au cœur de la gauche. S’il ne saurait, bien évidemment, se réclamer de la « majorité présidentielle » formée à partir du programme inchangé du candidat socialiste, il n’en aura pas moins contribué activement à la formation de cette majorité populaire qui vient de faire basculer la France à gauche. C’est donc dans la continuité de cette bataille, au nom de ce qu’il considère être l’intérêt même de cette majorité de gauche, qu’il lui incombe à présent de formuler une proposition politique de nature à relever tous les défis qui se présentent.

Si la gauche se rassemblait autour d’une politique entendant briser la pression des milieux d’affaires et de la réaction, c’est tout naturellement que le Front de gauche se porterait aux avant-postes de cet affrontement vital pour l’avenir, quels que soient par ailleurs les désaccords subsistant. Et c’est pour parvenir à cette perspective qu’il doit aujourd’hui s’identifier à l’offre d’un « Pacte d’urgence » à gauche, à partir des quelques grands éléments susceptibles de faire basculer positivement la situation et d’arracher les premières avancées sociales auxquelles le peuple a légitimement droit, après tant d’années de souffrances et de régressions.

Conquérir les moyens du changement exige, en tout premier lieu, de remettre sur le tapis la question du statut et des missions de la Banque centrale européenne, corollaire du refus intransigeant du Pacte de stabilité budgétaire cher à Madame Merkel, pour bousculer la tutelle des fonds d’investissement et des spéculateurs. De former ici, dans la foulée, un grand pôle bancaire public, capable de reprendre le pouvoir à la finance, de récupérer la maîtrise du crédit et de l’orienter vers l’emploi et les petites entreprises. De lancer la réforme fiscale radicale qui redonnera de l’air aux finances publiques et permettra de récupérer une série de moyens au service de la transformation qu’attend le pays. Transformation dont la direction pourrait alors être tracée à travers, pour ne prendre que ces points, l’augmentation des salaires (en portant le Smic à 1700 euros brut dans les meilleurs délais, comme le demande une large partie du mouvement syndical), la mise en place d’une grande politique d’emploi (qui s’amorcerait avec l’interdiction des licenciements boursiers et se poursuivrait dans une réindustrialisation du pays articulée à la planification écologique), la relance du service public comme moteur d’une autre logique de développement au service des besoins et de l’égalité des territoires.

De ce corps de mesures, dicté par l’urgence et le besoin de mettre la gauche et le peuple en ordre de bataille face à un adversaire organisé pour faire triompher ses vues, notre Front de gauche pourrait tirer les objectifs de grandes campagnes d’opinion. Des campagnes au moyen desquelles il lui serait possible de s’adresser au reste de la gauche, à ses électeurs et à ses militants, au mouvement social, au pays en général, afin de construire des rassemblements majoritaires à même de modifier le rapport des forces. Je livre ces réflexions au débat que nos diverses organisations vont devoir mener, entre elles et avec tous ceux qui ont participé à la belle bataille de la dernière année, afin de se retrouver prêtes à la rentrée…


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