Eglise, république, laïcité et loi de séparation du 3 juillet 1905

lundi 16 juillet 2012.
 

Réponse à l’article : 3 juillet 1905, la séparation des Églises et de l’État est votée (Jean-Paul Scot, historien)

Qu’un historien de la qualité de Jean Paul Scot publie un article dans « l’Humanité » sur la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, à la date anniversaire du vote parlementaire de cette loi, me parait tout à fait intéressant. En revanche ce qui m’inquiète davantage, c’est l’annonce lors de la campagne de François Hollande d’inscrire la loi de 1905 dans le marbre de la constitution. Connaissant les capitulations des majorités socialistes devant les revendications historiques des laïques depuis la pitoyable loi Savary de 1982, je regarde cette annonce avec beaucoup d’inquiétudes.

Une phrase attire mon attention dans l’article de Jean Paul Scot : « la majorité des catholiques ne s’était pas ralliée à la République en dépit des exhortations du pape Léon XIII. » La papauté se serait-elle ralliée à la République, par la voix du pape réformateur Léon XIII, puis en 1924 ? En fait l’Eglise doit faire face, avec le développement industriel, à un processus de déchristianisation du prolétariat et à la montée organisée du socialisme. C’est ce qui conduit le pape Léon XIII à promulguer par l’Encyclique « Rerum Novarum » les positions sociales du catholicisme. Ouverture moderniste ou une resucée des positions économiques de Saint Thomas d’Acquin ? Ralliement à la République ? Léon XIII développe que le travail et le capital forment une même communauté spirituelle, et sont associés dans « le corps mystique du Christ ». La doctrine sociale de l’Eglise est fondée sur le corporatisme. Elle acceptera comme un moindre mal la fondation de syndicats chrétiens : le fondateur historique de la CFDT, Edmond Maire, syndicat déconfessionnalisé en 1964, avait coutume de dire : « quand je suis en face d’un patron, je défends les ouvriers, mais je n’oublie jamais que j’ai en face de moi un frère en Jésus Christ. » Tout un programme ! Lorsque la république s’effondre en 1939, la hiérarchie catholique se rallie en tant que telle au programme de la révolution nationale du maréchal Pétain. Je rappelle que la charge d’aumônier relève d’une décision de la hiérarchie ; cette dernière nomma un aumônier à la sinistre milice de Darnand, mais refusa jusqu’à la libération de nommer des aumôniers aux maquis. Il faut se souvenir de tout cela…

Jean Paul Scot s’en tient à un exposé strictement historique. Sur le fait de penser la loi de 1905 dans le contexte actuel, il est vrai qu’elle n’a pas été abrogée, mais que l’essence même de la loi, a été piétinée, violée par tous les gouvernements depuis la naissance de la Vème République. Scot écrit : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte… » Les Églises ne sont plus des services publics  ; elles deviennent des unions d’associations cultuelles de droit privé à but non lucratif, comme les autres associations de la société civile. Les membres des clergés ne sont plus des quasi-fonctionnaires. Tous les budgets des cultes sont supprimés car les religions doivent vivre des seules contributions de leurs fidèles. »

Il n’est pas difficile d’ajouter que la bourgeoisie républicaine, pas plus que la social-démocratie accédant au pouvoir n’a liquidé le statut d’exception d’Alsace-Moselle, issu d’une législation concordataire bismarkienne, aux termes desquels les prêtres et évèques, ainsi que les ministres des autres cultes touchent un salaire de fonctionnaires d’Etat. Il n’est pas difficile d’ajouter, que c’est sous une majorité social-démocrate, Jack Lang étant ministre de la culture, que la cathédrale d’Evry dans le 91, a été partiellement financée sur des fonds publics. Que l’ensemble du dispositif antilaïque issu du gaullisme et de la loi Debré, concernant le financement public de l’enseignement privé confessionnel, a été prorogé par des gouvernements de droite et de gauche. Que de plus les congrégations religieuses qui avaient en charge la gestion des écoles privée, du fait de l’effondrement des effectifs du clergé catholique, sont par la force des choses obligées de confier la direction de leur établissement à des personnels « laïcs », mais catholiques d’opinion bien sûr. Qu’une manne miraculeuse continue de pleuvoir sur ces établissements qui ne manquent de rien, tandis que l’on étrangle l’enseignement public.

Cela c’est malheureusement l’actualité. Réécrire la loi ou la faire entrer dans le marbre de la constitution, attention danger !

Robert Duguet


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