GRECE : UN NOUVEAU GOUVERNEMENT, SANS SOLUTIONS ALTERNATIVES

lundi 9 juillet 2012.
 

Introduction

Les élections du 17 Mai en Grèce étaient attendues avec grand intérêt national et international, faisant naître diverses expectatives.

D’une part les résultats des nouvelles législatives ont exprimé la volonté d’une large majorité du peuple, grec d’un changement de cap en politique économique et sociale. D’autre part et en même temps, ils ont exprimé la peur d’une autre partie de la population, littéralement angoissée devant l’éventualité de se retrouver sans retraites ni salaires.

Effectivement, la propagande des grands média et de la finance nationale et mondiale nous brandissait l’épouvantail de la catastrophe, au cas où le peuple allait choisir SYRIZA comme alternative gouvernementale. Le chantage était explicite : Droite et sécurité ou Gauche Radicale et chaos ?

Jamais dans une campagne électorale les pressions n’ont été aussi coordonnées et concertées au plan européen. Les pressions furent virulentes et cruelles de la part des pouvoirs néolibéraux (banquiers, grands entrepreneurs, spéculateurs et centres politiques). Il était évident, pour la première fois depuis les années 45 du siècle dernier, que la grande finance -européenne et nationale- ressentait la possibilité d’une mutation profonde dans le paysage politique grec, capable d’influencer d’autres populations en Europe et ailleurs.

Aperçu des résultats ;

Ci-dessous les pourcentages et le nombre de sièges obtenus en juin par les différents partis, en comparaison avec les résultats du scrutin législatif du mois précédent : (entre parenthèses et pour comparaison les résultats du 6 Mai précédent). Précisons que le seuil nécessaire pour entrer au parlement est de 3%.

Dans l’ordre décroissant, ont obtenu :

- Nouvelle Démocratie (droite) 29,66 % (18,85) 129 sièges (en comptant le bonus de cinquante sièges supplémentaires pour la formation arrivée en tête, (108 en mai)

- SYRIZA (gauche radicale), 26,89 %(16,78) 71 sièges (52)

- PASOK (ex social-démocratie),12,28 % (13,18) 33 sièges (41)

- Grecs Indépendants (fraction de la droite anti-mémorandum), 7,51 % (10,60) 20 sièges (33)

Aube Dorée (néonazi), 6,92 % (6,97) 18 sièges ( 21)

Gauche Démocratique (gauche socio-démocrate),6,26% (6,11) 17 sièges (19)

KKE (Parti Communiste de Grèce) 4,50 % (8,48) 12 sièges (26)

Les trois formations suivantes ne sont pas entrées au parlement :

- Création Nouvelle (centriste, pro-européen) 1,58¨% (2,90)

- LAOS (extrême droite), 1,59 % (2,15)

- Ecologistes Verts. 0,88 (2,93)

En fait, bien qu’en seconde position, le vainqueur de ces élections, qui a manqué de peu d’arriver en tête malgré les pressions intenses, est incontestablement SYRIZA dont les suffrages ont connu une progression spectaculaire, aussi bien par rapport aux dernières années que dans l’intervalle des deux récentes législatives. Ce parti est parvenu à exprimer les aspirations de très larges couches populaires de divers horizons politiques. Son score de presque 27% pèsera de tout son poids dans la vie politique et sociale à venir.

Il constitue de loin l’opposition la plus influente qu’a connu le pays depuis la période des années 1958 où EDA (La Gauche Démocratique Unie englobant les communistes de Grèce) avait atteint 24%, 8 ans à peine après la guerre civile dévastatrice menée contre le Front de Libération Nationale grec et le PCG qui avaient pris la tête de la lutte antinazie durant l’occupation de la deuxième guerre mondiale.

C’est la constatation faite par le président de SYRIZA Alexis Tsipras le soir même des élections au rassemblement devant son principal centre de campagne électoral de la ville d’Athènes.

En attendant une analyse socioéconomique et géopolitique approfondie des résultats électoraux (cf tableau), il est utile de tirer quelques premières conclusions quant à l’évolution du rapport des forces dans l’intervalle des deux élections de mai et juin.

1. Il n’y a pas eu très grande différence dans les résultats et la place des forces politiques, sauf l’augmentation spectaculaire de SYRIZA (qui a quadruplé ses forces par rapport aux élections de 2008, et l’augmentation de 10% de la Nouvelle Démocratie, vu le retour au sein de ce parti de droite de certaines forces et personnalités qui l’avaient quittée.

2. Le PASOK garde dans l’ensemble son score électoral après avoir connu une chute spectaculaire aux précédentes élections. Il représente actuellement le courant néolibéral centriste.

3. L’Aube Dorée est confirmée dans son pourcentage, consolidant ainsi une force extrémiste (néonazie) de composante surtout jeune et masculine. Il faut ici ajouter que le parti de LAOS qui couvait en son sein des forces d’extrême droite et qui aux élections du 2008 avait obtenu 6,5% a presque disparu du paysage politique.

4. Le PC de Grèce, qui depuis les années 74 du siècle passé constituait la principale force de la gauche non systémique, et occupait la troisième place dans le paysage politique (aujourd’hui à la septième place) a vu son pourcentage s’effondrer (8,5 à 4,5 %) vu la nouvelle bipolarisation avant le scrutin et aussi son choix véhément de refuser toute coopération entre les forces de la gauche que proposait SYRIZA.

Il est encore tôt pour tirer des conclusions politiques approfondies sur la composition de l’électorat par âge, par profession et par région. On peut oser cependant une première évaluation-extrapolation des perspectives politiques en Grèce et de leurs retombées internationales dans les mois qui viennent.

Le nouveau gouvernement : plat réchauffé avec une pincée de « gauche »

Le nouveau gouvernement grec est constitue par 3 partis politiques, la Nouvelle Démocratie (ND), le PASOK et la Gauche Démocratique (DIM.AR). La ND a voulu cette coalition gouvernementale pas uniquement pour des raisons constitutionnelles (incapacité de former toute seule un gouvernement, avec ses 129 députés, dont 50 de bonus) mais surtout pour ne pas assumer à elle seule la responsabilité de ses choix politiques néolibéraux. Evidemment, le fait que PASOK et DIMAR participent au gouvernement non avec des personnalités politiques mais seulement technocratiques, n’enlève rien à leur responsabilité politique première de participer à un programme gouvernemental dont les orientations restent fortement prisonnières des choix et obligations engagées envers les sphères dirigeantes européennes depuis deux ans.

Le communiqué de SYRIZA souligne en effet : « Le nouveau gouvernement reste otage de l’application incontournable du Mémorandum. D’ailleurs ceci fut l’engagement préélectoral de la majorité des forces qui appuient le gouvernement, ainsi que sa déclaration programmatique. Donc toute renégociation avec les créanciers est d’emblée minée et les échanges avec la troïka ne font que prolonger le supplice de la goutte d’eau que soumet notre peuple à dure épreuve ». Syriza conclut : « le nouveau gouvernement mène notre pays vers de nouvelles impasses, ainsi que l’UE dans son ensemble » (voir www.syn.gr)

En effet les déclarations du nouveau gouvernement tentent de convaincre la population qu’il y aura un audit de la dette et un engagement à ne pas appliquer pour le moment les nouvelles diminutions des salaires et des retraites prévues par le Mémorandum No 2, signé par la N.D et le PASOK. Cependant, les déclarations des différents centres de pouvoir à l’UE ne cessent de rappeler que le maximum de concessions envers la Grèce pourrait être une prolongation de 2 ans dans la matérialisation des accords déjà signes.

Le contexte politique international a-t-il influencé le rapport de forces national ?

Il semble que la philosophie néolibérale des grands intérêts banquiers et monopolistiques de l’Europe ne veut pas s’accommoder avec les exigences des peuples de justice sociale et de répartition équitable des richesses produites. La toute récente déclaration de Merkel que, de son vivant elle n’acceptera pas des titres européens tirés par la BCE, est un exemple supplémentaire de l’austérité que le capital financier allemand veut imposer aux pays du sud européen.

Il faut donc que les forces politiques dans les gouvernements et la société au sein de l’UE et dans le monde entier soient résolues à ne pas plier les genoux.

Pourquoi alors un parti de la gauche –constitué il y a deux ans (DIM.AR) par une scission au sein de la gauche radicale – a-t-il voulu participer à ce gouvernement en un moment critique de la crise multidimensionnelle vécue par la Grèce et le sud de l’Europe ? Est-il capable par son poids numérique et politique d’influer sur les décisions qui seront prises par les deux forces néolibérales qui ont fait déjà la preuve de leurs choix catastrophiques ?

La raison profonde à mon sens se trouve ailleurs. Les orientations politiques de la majorité de DIMAR et surtout de sa direction politique ne sont pas liées essentiellement à la volonté de sortir la société grecque de la catastrophe dans laquelle elle est plongée. La tentation de DIMAR est étroitement partisane, tenter de recomposer à son profit l’espace politique du centre qui a subi une grande défaite avec la décomposition du PASOK, et contribuer ainsi à créer en Grèce une nouvelle Social-démocratie libérale, qui n’a rien à voir avec les revendications actuelles de la Gauche en Grèce et dans le monde.

Il s’agit donc d’efforts pour stopper au niveau national et international la montée d’une Gauche radicale, combative, a l’écoute de la population, capable avec la participation de larges couches sociales de proposer et faire avancer des solutions alternatives durables.

Y a-t-il un avenir pour la gauche radicale combative ?

Le parti SYRIZA se présente comme la gauche nationale grecque du 21ème siècle qui a compris que la démocratie représentative amputée de sa sève sociale au cours de cette dernière décennie, doit mettre en avant les nouvelles exigences de notre ère.

Syriza se présente comme la force capable de promouvoir une démocratie représentative d’une autre qualité dont la philosophie et la pratique font avancer le principe : par le peuple et pour le peuple. Il s’est présenté comme la force politique capable de mettre en cause les accords avec la trilatérale (« troïka » BCE, FMI, Commission européenne). Il a déclare la nécessité de se battre avec les forces sociales représentatives pour une démocratie économique, sociale, culturelle, pour une restructuration alternative de l’UE et une émancipation multi-civilisationnelle de l’humanité. Pour cela, il s’est appuyé sur les forces mondiales de progrès et de la gauche, tant au continent européen qu’au niveau du continent Américain, notamment Latino-Américain. Le Front de Gauche en France a fait avancer aussi par ses luttes électorales et sociales les prémices de cette conception dans son pays, de même que la Izquierda Unida en Espagne. La dégradation de la situation en Italie, qui n’est pas accompagnée malheureusement jusqu’à présent d’un essor adéquat des forces politiques et sociales de gauche, montre les effets destructeurs de ceux qui ont abandonné les objectifs du socialisme avec démocratie et liberté, telle qu’ils ont été définis dans les statuts du PGE (Parti de la Gauche Européenne) et pratiqués par nos camarades de la Refondazione Communista et des Communisti Italiani.

Les forces de la Gauche alternative en Europe et dans le monde, qui aspirent à promouvoir l’avenir de l’humanité à la hauteur des connaissances humaines, au service des peuples et de la nature qui nous enfante, ont fortement émergé en Grèce et restent combatives. La solidarité des forces de progrès et du socialisme que notre parti et ses militants ont ressentie durant ces deux mois de deux campagnes électorales en est la preuve irréfutable.

23/6/2012

Aliki PAPADOMICHELAKI

(Cadre de SYNASPISMOS et de SYRIZA)


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