Meeting de Ségolène Royal à la Halle Carpentier (Paris) le 6 février

jeudi 8 février 2007.
 

Cher(e)s ami(e)s,

Ici, toute la famille de la gauche est rassembée, je vois de nombreux membres du gouvernement de Lionel Jospin, je vois les amis du Mouvement Républicain et Citoyen, je vois les amis radicaux.

Et je vous vois vous tous.

Merci d’être là si nombreux, si chaleureux, si mobilisés, si déterminés.

Ce soir, comme disent les rappeurs, Paris est dans la place !

Et moi aussi, je suis là !

Ceux d’en face, à droite, et leurs relais dociles dans les medias m’avaient déjà congédiée, Philippe l’a dit à l’instant.

Accablée de toutes les insuffisances et de toutes les impotences.

Vilipendée dans des publications sordides, à la une des hebdomadaires liés au pouvoir.

Il paraît que ce n’est pas fini !

Il semblerait que se prépare, me dit-on, un ouvrage par jour, par semaine peut être, je ne sais plus, il y en a tellement. Sans doute y a-t-il là un peu d’argent à gagner...

Même les psychiatres s’en mêlent ! Rassurez vous, cet ouvrage qui va sortir, paraît-il, écrit par un psychiatre, ne le croyez pas : il ne m’a pas examinée.

Je n’ai pas l’intention de me laisser faire !

Il y a peut-être un peu d’argent à gagner dans ces publications mais surtout, pour ce conglomérat de la finance et des medias, il y en a tellement à perdre si la gauche gagne cette élection présidentielle.

Eh bien, je suis toujours là et bien là.

Avec vous de plus en plus nombreux.

Je sens une vague, je sens un souffle.

Ce soir, par votre seule présence, vous leur avez répondu.

Mais, d’une certaine façon, cela nous ramène aussi à l’histoire. La candidature socialiste a toujours été illégitime comme l’ont été tous les socialistes face à une droite au pouvoir qui ne recule devant rien pour le garder.

La calomnie et les coups bas ont toujours fait partie de leurs méthodes. Jaurès, Blum, Mendès et Mitterrand en ont eu leur part.

Parce qu’ils rêvent tellement de désigner entre eux, loin d’un peuple aussi imprévisible, un candidat acquis à leurs objectifs.

C’est qu’il y a, pour eux, trop d’enjeux, trop d’intérêts à défendre, trop de réseaux à protéger, trop de projets qu’ils ne voudraient surtout pas voir mettre sur la place publique.

Alors, bien à l’abri des risques du suffrage universel, ils sont à leurs affaires avec une mondialisation financière qui les arrange. Et peu importe le prix pour celles et ceux qui en subissent les ravages. Rien décidément ne les effraie davantage que le verdict d’un peuple qui perturberait leur petit cénacle.

Sans doute rêvent-ils, comme le disait Brecht, à ce gouvernement qui, mécontent du peuple, aurait le pouvoir de le dissoudre.

Mais le peuple en a décidé autrement.

Et c’est pour cela que nous sommes ici tous ensemble.

Je savais que la bataille serait dure, et on n’a pas tout vu.

C’est pourquoi j’ai voulu, comme on vient de le voir, et vous aussi partout où vous avez tenu ces débats, nous avons voulu donner d’abord la parole au peuple. C’est pour cela que, contre vents et marées, j’ai tenu bon avec vous pour que notre campagne soit participative.

Vous avez pris la parole dans tout le pays.

Et puisque vous avez pris cette parole, je vous demande de la garder. Je vous demande même de la prendre de plus en plus.

Je veux être la présidente des sans voix, de ceux qui n’ont jamais droit à la parole. Et je m’engage à ce que cette parole ne vous soit jamais confisquée car notre dialogue d’aujourd’hui préfigure la façon dont j’entends, demain, gouverner la France avec vous.

Souvenons-nous de la colère de Mirabeau contre ceux qui ne respectaient pas le mot de Peuple, la substance même de la République, contre ceux qui le prononçaient avec mépris dans les chambres de l’aristocratie : lui, il voulait l’annoblir et le rendre cher au cœur de tous les Français.

C’est aussi, et toujours, notre combat.

Nous avons déjà lancé un formidable mouvement.

Plus de 5.000 débats rassemblant les hommes et les femmes dans des réunions fraternelles, plus d’un demi-million de citoyens qui ont donné de leur temps.

Sur Internet, où se sont déroulés des débats thématiques, 2,7 millions de visiteurs,135.000 internautes qui ont écrit des contributions.

Tout cela, nous l’avons entendu !

J’ai entendu les doutes et les interrogations, les souffrances et parfois les cris d’impatience. Alors je le dis : non, ce n’est pas du temps perdu, c’est du temps gagné ensemble !

Pour être à la hauteur du défi qui est devant nous.

Grâce à ces prises de paroles, je serai et nous serons à la hauteur de ce formidable défi pour la victoire en 2007.

Qui osera dire, après cela, que les Français ne s’intéressent pas à la politique ?

Et si c’était la politique qui, depuis trop longtemps, ne s’intéressait plus à eux et leur avait tourné le dos ?

Des centaines de milliers de voix singulières et de témoignages vécus ont écrit ensemble des cahiers, non pas de doléances mais des cahiers d’espérances, qui dessinent le beau visage de la France que nous voulons construire ensemble.

Alors oui, avec votre parole, j’élèverai la France !

Quelque chose est en train de changer.

Cette vague va s’amplifier.

Le peuple doit se saisir de notre projet présidentiel.

Et je laisse à la droite ses mises en scène berlusconiennes à 4 millions d’euros la partie. C’est son choix.

Avec notre démocratie participative et notre confiance dans l’intelligence collective des gens, nous avons construit patiemment, modestement, sereinement les fondations de notre maison commune.

C’est pour ça qu’elle est solide.

C’est pour ça qu’elle va tenir.

C’est pour ça, je vous l’assure, qu’aucune tempête ne l’abattra !

Car désormais, c’est une force collective qui la tient !

Et je vous donne rendez-vous dimanche à Montreuil pour que nous voyons ensemble comment cette maison, maintenant que ses fondations sont bien installées, comment nous allons la faire lever cette maison France que nous allons bâtir ensemble.

Oui, j’ai regardé le désordre démocratique en face et j’ai pris la mesure du fossé qui ne cessait de se creuser entre les Français, les citoyens hommes et femmes et leurs représentants, entre leurs attentes et les résultats de l’action publique.

7 Français sur 10 convaincus que la politique ne se soucie plus de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils ressentent. Ca n’est pas une fatalité.

Une majorité de Français qui ne se considèrent pas écoutés, pas entendus et, pire, pas reconnus.

Une abstention en hausse.

Une attente désespérée de quelque chose qui ne vient pas.

Et nous avons vu un vote de désespoir et de colère se tourner vers l’extrême droite. Et ce n’est pas fini : attention !

En même temps, un sursaut est là : la mobilisation victorieuse contre le CPE, l’inscription massive des jeunes sur les listes électorales et la participation massive aux débats.

Oui, la politique doit changer car elle a trop souvent déçu.

Asséner une parole verticale de plus en plus coupée des réalités vécues, c’est fini.

Oublier ses promesses comme la droite l’a fait avec la fracture sociale en 1995, avec l’engagement non tenu en 2002 de tenir compte du vote des Français, c’est fini.

Gouverner à coups de 49-3 comme elle l’a fait pour les retraites et pour le CPE, avant de reculer face à la mobilisation de la jeunesse, c’est fini.

Ne pas comprendre que tant d’irrespect engendre en retour l’irrespect , c’est fini.

Tenir, encore et toujours, les Français à l’écart de ce qui les concerne, c’est fini.

Voilà leur bilan.

Je veux incarner le changement politique, la révolution démocratique en marche !

Et d’abord, la garantie de l’écoute, de l’attention, de l’autorité juste et de la décision juste.

Voilà quel est l’enjeu.

Et puisque nous avons « évoqué la parole des citoyens, je voudrais au moins une fois au cours de notre soirée, laisser la parole à une caissière au chômage partiel qui est venue s’exprimer dans l’un des débats que l’un d’eux a animé.

Je la cite :

« Nous, quand on trébuche, c’est difficile de se relever. Je ne veux pas que ceux qui réussissent, tant mieux pour eux, écrasent ceux qui ne réussissent pas. Celui qui est mal parti ou qui dérape à un moment, on le lâche. Moi, je voudrais qu’on embarque tout le monde dans le même train. La rétribution au mérite, moi, je veux bien, mais où est le mérite quand on n’a pas les mêmes chances au départ ?" . " Il faut aussi, poursuit-elle, aider ceux qui ne peuvent pas s’aider tout seuls. C’est cela qui me fait peur : les bons, ils s’y intéressent et les autres, ils font quoi ? Ils dégagent où ? Je ne veux pas de la hargne ni me mettre à haïr mon voisin . Je sens cette menace à droite et elle me fait peur. Moi, je veux être rassurée, je veux voir clair ».

Voilà, comment mieux dire le combat dans lequel nous sommes engagés pour cette élection présidentielle et qui va décider de l’avenir de la France ?

La droite escamote volontairement le débat de fond en essayant de réduire l’enjeu de l’élection présidentielle à un affrontement entre personnes. C’est un piège grossier. Les Français veulent un vrai choix fondé sur un clivage clair. Et ce clivage, il oppose deux conceptions de la société, deux manières de gouverner, deux visions de la France et de son avenir.

Et je serai la Présidente de la juste autorité car je sais où je vais et comment j’y vais : en écoutant le peuple français, en m’entourant des meilleurs dévouements, en ne craignant pas de corriger en cours de route des politiques publiques qui ne tiendraient pas leurs promesses.

Les Français ne veulent pas d’un pilotage mou car ils veulent des résultats concrets dans leur vie quotidienne. Ils ont raison : cela s’appelle la morale de l’action et l’obligation de résultats.

Les Français ne veulent pas non plus de l’autoritarisme que je ne confonds pas avec la juste autorité. Ils ne veulent pas de l’autoritarisme qui divise et qui bloque, de l’autorité cassante, agressive, méprisante qui fait prendre du retard à la France et qui échoue à entraîner tous les Français. Ils ne veulent pas d’un système clanique.

C’est cette juste autorité que j’entends exercer avec les Français. Je la sais conforme à nos valeurs républicaines et au meilleur de l’identité de la France.

Voilà pourquoi on ne doit pas, Bertrand l’a dit tout à l’heure, laisser revisiter l’histoire de France n’importe comment !

Voilà pourquoi, la France n’est pas la synthèse impossible de l’Ancien Régime et de la Révolution. Laissons cela au candidat de l’UMP. Pour nous, le droit divin et la souveraineté du peuple, ce n’est pas la même chose. Le règne de l’arbitraire et celui de la loi, non plus. Le privilège s’oppose à l’égalité et le sujet et au citoyen. Entre l’Ancien Régime et la Révolution, il y a l’esclavage. Entre le Code Noir de Louis XIV et la Déclaration des droits de l’homme, les valeurs ne sont pas les mêmes. Comme si cela pouvait s’oublier...

A moins que cette volontaire confusion des repères ne soit là pour préparer des ralliements de second tour.

Bien sûr, il y a de la continuité dans notre histoire mais c’est la rupture opérée par la Révolution qui explique encore la France d’aujourd’hui.

Car, la Révolution a voulu fonder une communauté de citoyens. Aujourd’hui, le règne débridé du capitalisme fou et du libéralisme sauvage en sape aujourd’hui les fondements et porte atteinte à la valeur du travail. La nation, ce n’est pas seulement une histoire partagée et assumée : c’est le désir de faire encore de grandes choses ensemble. La France ne demande pas aux citoyens d’où ils viennent mais où ils veulent aller ensemble. La République ne demande à personne de renier ses origines, ses racines, ses attachements, sa culture, ses croyances : elle invite chacun à s’asseoir à sa table, à égalité de droits et de devoirs.

La France de demain comme celle d’hier se nommera diversité. Et son unité se forgera dans un projet partagé. La France est diverse, multiple, colorée, métissée et pourtant très française si elle sait être fidèle à ses valeurs, protectrice de tous les siens et ouverte sur le monde.

Je ne la laisserai pas se défaire.

Je veux une France accueillante à toutes les mémoires mais je ne veux pas que notre espace public soit le champ de rivalités mémorielles, de confrontations sous le prétexte de l’origine, de la couleur ou de la croyance. Pour vivre ensemble à égalité de droits et de devoirs, nous avons besoin de règles.

La première d’entre elles, c’est la laïcité, respectueuse de la liberté de pensée, de conscience et de culte. Notre laïcité républicaine est l’ennemie de l’inégalité de traitement, elle combat le préjugé, le sexisme, le racisme et l’antisémitisme. La loi de 1905 est son socle. C’est un socle solide, dont les équilibres ont été mûrement pesés lors des débats parlementaires et contre lequel la droite de l’époque se déchaîna en vain. Le candidat de l’UMP ne fait pas mystère de son désir de la modifier. Son souhait, c’est d’échanger le financement public des lieux de culte contre un contrôle accru. Cette inspiration anti-laïque et communautariste n’est pas la nôtre !

En citant Jaurès, Blum et Camus au mépris de leurs combats, la droite ne se gauchise pas : elle fait tout simplement diversion. Elle cherche à cacher, le temps d’une campagne, qu’elle se bushise, au moment même où le peuple américain ne veut plus des néo-conservateurs !

Il est facile d’associer le temps d’un discours Guy Mocquet et Achille de Peretti, Jeanne d’Arc et Edouard Balladur, mais quels que soient les mérites des seconds (dont le principal est d’avoir fait la carrière du candidat de l’UMP), sachons quand même mettre à leur juste place, autrement éminente, la fille rebelle de Lorraine et le jeune résistant communiste qui n’eurent jamais 20 ans parce qu’ils aimèrent la France à en mourir.

Cher(e)s ami(e)s, cette élection est particulière.

Nous nous battons contre une droite dure, agressive, arrogante, qui dit tout et son contraire mais ne varie jamais vraiment sur l’essentiel, pour elle et pour elle seule : la défense de ses privilèges, de ses passe-droits, de ses abus, de ses réseaux, de ses clientèles, et de son impunité.

Une droite sans principe et sans vertu républicaine.

Une droite qui s’est approprié le pouvoir pour toujours, croit-elle. Qu’elle le croie donc ! Elle retrouve sa vieille manie qui est de croire que le pouvoir lui a été donné en héritage plutôt que par suffrage. Eh bien non, le peuple français va bientôt se prononcer !

A ceux qui veulent une France meilleure, le candidat de l’UMP a répondu par ces mots terribles : « s’il y en a que ça gêne d’être en France, qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas ». Savez vous que ce slogan a été emprunté à la droite américaine du temps de la guerre au Vietnam ? Savez vous que ce slogan a été celui de la dictature brésilienne qui disait - « le Brésil, aimez-le ou quittez-le ! » ?

Voilà quelles sont aujourd’hui leurs références !

Alors non, ce langage de division, ces mots violents font insulte à tous ceux qui, de Victor Hugo à Charles de Gaulle, d’Emile Zola à Pierre Mendès-France, ont dû quitter la France pour la sauver et pour la relever.

Cette division agressive entre les Français légitimes et les autres, contraints au silence ou au départ, non, ce n’est pas la France que nous voulons !

Aimer son pays, c’est le vouloir meilleur. Aimer son pays, c’est l’écouter, le rassembler, l’améliorer, le transformer. C’est assumer son histoire et l’aimer les yeux grands ouverts.

Alors, il ne l’aimait pas, la France, Péguy qui disait : c’est parce que nous sommes bien français que les massacres coloniaux nous donnent comme un remord personnel ?

Alors, elle ne l’aimait pas, la France, Simone Weil, philosophe et Résistante, qui disait : l’amour de la patrie doit avoir les yeux ouverts sur les injustices, les cruautés, les mensonges, les crimes de notre passé, sans dissimulation ni réticence et sans en être diminué ?

Alors, il ne l’aimait pas, la France, Camus qui disait : il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs ? Mais, ajoutait-il à juste titre, elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle peut avoir de s’estimer elle-même.

Aimez la France ou quittez-la : rien de bon pour la France ne sortira de ces mots !

Et nous, nous revendiquons le devoir de dire aux Français que la République ne doit pas s’effacer devant la recherche effrénée du profit pour quelques uns.

Les hommes et les femmes de la Libération savaient d’expérience que le règne de l’Argent peut corrompre la République. Ils savaient que, pour restaurer l’intérêt général et l’esprit public, il fallait mettre à distance les puissances de l’Argent. Le général de Gaulle lui-même fit à l’heure de sa chute, en 1969, cette confidence : « je me suis trouvé en face de l’ennemi que j’ai eu pendant toute la vie qui est l’argent ». Il parlait de ceux qui l’avaient trahi dans son propre camp.

Je ne parle pas, bien sûr, du salaire, de l’argent du travail, mais du profit facile. Pas l’argent du labeur mais le profit rapace. Pas l’argent des salaires mais le profit fainéant. Pas l’argent du risque pris par l’entrepreneur mais celui de la spéculation. Les profits avides de toujours plus : plus de licenciements boursiers, plus de dérèglementation, plus de stock-options, plus de privatisations, plus de marché sans foi ni loi. Ces profits arrogants qui se rêvent sans contraintes, sans contrôle, sans contre-pouvoirs. Ceux qui en possèdent bien plus qu’ils n’en pourraient dépenser en plusieurs vies trouvent encore le moyen de le cacher, de le dissimuler, préférant l’exil doré à l’impôt citoyen.

Et en face, l’argent des plus modestes, ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui enrichit effrontément les banques qui taxent de façon scandaleuse leurs maigres découverts bancaires. Oui, les tarifications bancaires, nous y mettrons fin parce que c’est un des scandales les plus insupportables de voir les banques faire le principal de leur profit sur les gens les plus modestes.

S’il y a une crise morale en France, c’est d’abord là qu’il faut la chercher, dans cet égarement de ceux qui se veulent au-dessus de toute contrainte collective, de toute responsabilité publique et de toute solidarité nationale.

Et c’est bien là l’enjeu de l’élection présidentielle : allons-nous oui ou non accepter qu’à travers l’un des siens, cette nouvelle oligarchie prenne la tête de l’Etat républicain ? Allons-nous, oui ou non, rétablir la confiance, créer du dynamisme, de la motivation, de l’énergie, de l’espoir si la grande majorité des citoyens se sent de plus en plus exclue de la décision et du partage de la richesse ? Beaucoup de cadres et de chefs d’entreprises le disent eux-mêmes : ces masses financières aberrantes qui se déplacent, n’ont rien à voir avec le véritable esprit d’entreprise, avec le véritable dynamisme économique. Au contraire, ces capitaux tuent l’entreprise. A force d’égoïsme et d’impunité, cela ruine l’image de la réussite, démoralise le travail et discrédite l’entreprise.

Nous devrons réconcilier le peuple Français avec l’entreprise, la vraie, celle qui va de l’avant, celle qui crée de l’emploi et des richesses, celle qui partage équitablement le fruit du travail.

Voilà le masque qu’il faut faire tomber dans cette bataille présidentielle. Voilà ce que dissimulent les mises en scène de la droite et ses appels hypocrites au rassemblement : c’est la défense des intérêts d’un tout petit monde qui ne pense qu’à lui et qu’à son pouvoir. Pas à la France, pas à ses citoyens, pas à ses travailleurs. Voilà pourquoi il leur faut à tout prix réécrire l’histoire de France en la vidant de ses valeurs et de ses luttes, politiques et sociales.

Nous, nous n’oublions rien et nous poursuivons ce combat toujours inachevé des Français pour la liberté réelle, l’égalité réelle et la fraternité réelle.

En ce jour anniversaire du 6 février 34 où les ligues factieuses se dressèrent contre la République et où se noua dans la rue, au coude à coude, l’unité des forces de gauche qui allait déboucher sur le Front Populaire, je ne veux pas oublier qu’une droite déchaînée contre « la Gueuse » (c’est ainsi qu’ils appelaient la République) fut aussi celle qui tenta d’imputer aux conquêtes sociales de 1936 la défaite de 1940. C’était, n’ayons pas la mémoire courte, l’accusation principale portée contre Léon Blum au moment de son procès en 1942. A ses juges, Blum répondit ceci qui n’a rien perdu de son actualité dans le contexte d’aujourd’hui : « Vous ne pourrez pas nous chasser de l’histoire de ce pays. Nous avons, dans un temps bien périlleux, personnifié et vivifié la tradition authentique de notre pays, qui est la tradition démocratique et républicaine. Nous sommes dans la tradition de ce pays depuis la Révolution Française, nous ne sommes pas je ne sais quelle excroissance monstrueuse dans l’histoire de ce pays parce que tout simplement nous avons été un gouvernement populaire ».

C’est le même esprit qui a inspiré, aux Antilles, ces grandes figures de notre lutte commune contre l’esclavage et la colonisation que furent Louis Delgrès, la Mulâtresse Solitude, Frantz Fanon et Aimé Césaire qui me fait aujourd’hui l’honneur de son soutien,

C’est à cause de toute cette histoire que je ne veux pas que la France s’effraye de cette vitalité juvénile et populaire qui s’exprime dans nos banlieues. Je ne veux pas d’une France qui s’effraye des mots des rappeurs, de leur chronique acérée du quotidien des quartiers, de leur cri de révolte, de leur soif de respect et d’égalité. Car ils reprennent à leur façon la tradition provocatrice et libertaire de la chanson populaire française.

Etre fidèles à notre histoire et en tirer les leçons, c’est, dans notre monde troublé, faire obstacle aux aventures impérialistes comme la guerre menée en Irak. Car elle revient en force cette illusion que l’on peut imposer la démocratie par la canonnière. Aujourd’hui la « guerre entre le bien et le mal » est la nouvelle version de la « mission civilisatrice de l’Occident ». Cette illusion mène au désastre : à la négation des valeurs dont on se réclame, à la torture tolérée, aux prisons secrètes, aux détenus sans droits, à l’humiliation des peuples que l’on prétend séduire et enfin au terrorisme que l’on prétend combattre.

Mais où serait la France, aujourd’hui, si celui qui est allé chercher l’onction chez Bush avait été aux responsabilités ? La France serait dans la guerre en Irak.

Car l’histoire n’est jamais un passé mort.

Elle éclaire et elle travaille le présent.

Notre histoire est faite de cultures et d’identités qui se mêlent, qui s’influencent, qui s’interpénètrent de longue date et qui forment, au bout du compte, la France que nous aimons.

Dans le monde d’aujourd’hui, cette richesse est unique.

Ce n’est pas un fardeau, c’est une chance. Une formidable chance.

Alors oui, avec votre parole, j’élèverai la France !

Je m’en souviendrai tout au long de cette campagne. Je n’irai pas sur le terrain de ceux qui manient les mots de la provocation et de l’insulte et je vous demande de ne pas le faire. Je leur laisse cette conception dépassée de la politique réduite à un viril pugilat. Les Français le disent quand ils estiment majoritairement que le débat n’est pas au niveau d’une élection présidentielle.

Mais la France n’est pas fatiguée de mouvement ni d’idées, elle est exaspérée d’immobilité.

A droite, on lui propose un grand bond en arrière : le libéralisme débridé comme horizon indépassable, le retour en force de l’autoritarisme, la régression sociale, l’alignement international, l’affaiblissement démocratique et la confiscation du pouvoir par un petit groupe économique, politique et médiatique.

A gauche, ce que je propose aux Français, c’est aller ensemble de l’avant dans la fidélité à ce que la France a de meilleur. C’est l’exercice d’une juste autorité, je l’ai dit, ce sont des règles équitables qui civilisent le marché c’est une puissance publique qui assume tout son rôle, c’est le progrès social et l’investissement dans le capital humain car il est là, de nos jours, l’avantage concurrentiel le plus durable, c’est une voix qui porte dans le monde car nos actes correspondront enfin à nos valeurs, c’est une démocratie revivifiée par la participation des Français, c’est un ordre juste au service d’une France qui se bat et qui se relève. C’est un ordre mondial juste qui intègre, dans ses règles les normes sociales et environnementales et qui réduit l’écart entre les pays riches et les pays pauvres.

Cher(e)s ami(s),

Après-demain, à l’appel de tous leurs syndicats, les fonctionnaires, ceux qui sont au service de nous tous, se feront entendre dans le pays. Leurs inquiétudes sont fondées. La droite promet de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux mais où va-t-elle supprimer les emplois ? Y a-t-il trop d’enseignants, d’infirmières, de policiers, de gendarmes, de magistrats ? Trop d’agents des communes, des départements, des Régions, chaque jour au contact des citoyens ? Y a-t-il trop de culture dans ce pays ? Quand on entend ce dénigrement permanent de ceux qui se consacrent au service public, on reconnaît ce vieux réflexe de défiance vis-à-vis de la puissance publique que manifestent toujours les possédants. Réduire le nombre de fonctionnaires et le montant des impôts, c’est leur programme depuis 100 ans ! Eh bien, ce n’est pas le nôtre car nous avons, nous, la passion du service public, de son efficacité, et le respect de ceux qui, sur le terrain, en font vivre les missions.

Cette élection présidentelle engage l’avenir du pays.

C’est l’histoire et l’affaire d’un peuple, c’est le destin d’une nation.

Nous défendons la République.

Nous voulons la Démocratie.

Nous aimons la France qui avance et qui se rassemble.

Avec votre voix, j’élèverai la France en construisant une République nouvelle qui élargira les libertés individuelles et renforcera les sécurités collectives. Une République qui rééquilibrera les droits et les devoirs. Une République de la solidarité et de la responsabilité. Une République du progrès pour tous et du respect pour chacun. Une République de la parole tenue.

Avec votre voix, j’élèverai la France en redonnant toute sa vraie valeur au travail des ouvriers, des employés, des cadres, agriculteurs, artisans, commerçants, entrepreneurs, de toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, travaillent dur, de toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, ne demandent qu’à travailler, de toutes celles et tous ceux qui n’arrivent pas à vivre dignement de leur travail car il est là, le scandale de notre temps. Pas dans la paresse supposée des Français, pas dans leur amour immodéré de l’assistanat. Ce que veulent les Français, qu’ils soient salariés ou à leur compte, chômeurs ou RMIstes, c’est maîtriser leur vie, c’est être acteurs de leur vie, trouver un travail qui leur rende leur dignité et non pas la guerre de tous contre tous, la débrouillardise du chacun pour soi.

Mais la droite, dont on ne dira jamais assez l’incompétence, a bloqué la machine économique et ne sait plus la faire redémarrer.

C’est nous qui relancerons la machine économique et qui pourrons ainsi donner des emplois et de l’emploi durable, sécurisé, bien payé. Car c’est d’abord la précarité, le travail mal payé, les insécurités de toutes sortes qui ont sapé la valeur du travail. C’est ça, le bilan de la droite.

Avec votre voix, j’élèverai la France en redonnant un avenir à toute sa jeunesse car un pays qui ne fait pas confiance à ses jeunes, qui manque à son devoir d’hospitalité à l’égard de la génération suivante, est un pays qui n’a plus foi en lui et qui consent à son déclin. Nous élèverons la France en la dressant contre les discriminations et contre ce gâchis insensé de talents qui en résulte, en donnant aux jeunes chercheurs ces moyens de travailler correctement que tant d’entre eux sont aujourd’hui contraints d’aller chercher à l’étranger. Ceux qui pleurent sur le départ des jeunes diplômés à l’étranger, qu’ont-ils fait pour les garder ici ? Qu’ont-ils fait avec les laboratoires de recherche ? Qu’ont-ils fait avec la compétitivité ? Ils ont détruit, ils ont fait reculer l’Etat et les investissements dans l’innovation, dans la recherche. Oui, avec nous, la matière grise reviendra et la France n’aura plus peur de regarder le monde tel qu’il est.

C’est un beau combat que celui dans lequel nous sommes engagés.

Pour le gagner, j’ai besoin de chacune et de chacun d’entre vous, de votre imagination, de votre énergie, de votre capacité de révolte qui est le propre de la gauche, de votre pouvoir de conviction, de vos différences et de votre unité.

En politique, rien n’est acquis, tout se conquiert.

En politique comme dans la vie, il n’y a guère de hasard et jamais de miracle : la chance se construit, la victoire va à ceux qui l’ont voulue avec le plus de force et le plus de détermination.

Nous ne la voulons pas pour nous mais pour construire une nouvelle France.

Raison de plus pour y mettre une ardeur à la hauteur de l’enjeu et c’est bien ce que je vois ce soir !

Je vous demande maintenant d’aller partout à la rencontre de tous et de toutes. Restons à l’écoute des Français : que leurs inquiétudes soient les nôtres, que leurs urgences soient les nôtres, que leurs espérances soient les nôtres.

Restons fidèles à nos valeurs, laissons de côté les dogmes dépassés, redonnons à la gauche cette force d’émancipation qui est sa raison d’être et cette force d’attraction qui, dans les grands moments de notre histoire, a su rassembler les Français.

Oui, avec vous, avec moi qui ai tant besoin de vous, tous ensemble, en avant pour la France qui se relève, qui progresse, qui conquiert !

En avant pour la France qui change !


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