Alexis Tsipras : "Dimanche, nous tournons la page"

vendredi 15 juin 2012.
 

Ilias Velidis, 41 ans, est venu en voisin. Il habite quelques rues en contrebas de la place Omonia, quartier historique de la gauche grecque devenu le symbole de la paupérisation d’Athènes. C’est là que le leader de la coalition de gauche radicale (Syriza), Alexis Tsipras, donnait, jeudi 14 juin, son dernier grand meeting de campagne.

"Vous allez voir, c’est un spectacle", dit Ioannis, à peine moins réjoui que la fillette juchée sur ses épaules.

Au même moment, le cortège du Syriza arrive de la place Monastiraki au son du Chant des partisans. On agite des drapeaux, on s’embrasse, on sourit, on grignote... Les militants croient plus que jamais à la victoire de leur "Alexis" aux élections législatives de dimanche 17 juin, et leur enthousiasme fait un temps oublier la morosité d’une campagne marquée par le poids de la crise et la défiance vis-à-vis des partis politiques.

Le 6 mai, le Syriza a créé la surprise en récoltant 16,8 % des suffrages, soit 52 sièges au Parlement. La coalition - qui regroupe une dizaine de partis - s’est classée deuxième, juste derrière les conservateurs de Nouvelle Démocratie mais devant les socialistes du Pasok. Dans cette configuration, aucune majorité ne s’est détachée, il faut revoter.

C’est pour ses rivaux qu’Alexis Tsipra réserve ses premières attaques, les plus virulentes. "Terrorisez les terroristes avec votre vote", lance-t-il dans une sono hurlante, accusant les deux partis qui gouvernent la Grèce depuis quarante ans d’avoir "pillé le pays" avant d’"offrir le drapeau grec en tribut à Angela Merkel".

L’ambiance se fait plus lourde mais l’attaque fait mouche, surtout depuis que les mises en garde au peuple grec se sont multipliées en Europe pour qu’il fasse dimanche un choix "raisonnable" ou "pro-européen". "Nous n’avons plus peur de ce genre d’avertissements, assure Ioannis Souvaliotis, un jeune électricien au chômage qui se dit "séduit" par le discours. Ça fonctionne sans doute auprès des vieux à qui l’on dit que Tsipras amènera le chaos, mais le chaos on l’a déjà, alors pourquoi ne pas essayer quelque chose de nouveau ?"

"C’est la poursuite de la rigueur qui plongera la Grèce dans le chaos", répond M. Tsipras. La foule attend depuis longtemps, il est temps de rentrer dans le vif du sujet : "Non au mémorandum de la banqueroute, oui à l’euro et à un plan national de redressement de l’économie, qui va protéger le peuple contre une faillite !"

Voilà résumée la position du jeune chef de Syriza, qui lui vaut d’être au coude-à-coude avec la droite (aux alentours de 25 %) pour emporter dimanche la première place : rejet de la rigueur, maintien dans la zone euro, que les Grecs craignent de devoir quitter.

"L’HEURE DE LA GAUCHE EST ARRIVÉE"

Mais ces dernières semaines M. Tsipras a soufflé le chaud et le froid sur la façon dont il entend atténuer les mesures drastiques de rigueur demandées à Athènes par ses partenaires. Partisan d’une "annulation" du mémorandum, Alexis Tsipras a peu à peu recentré son discours à mesure que la perspective de devenir premier ministre se fait plus concrète et pour ne pas effrayer une partie de l’électorat.

"Je suis prêt à discuter avec l’Europe sur la renégociation du plan", confirme-t-il jeudi soir, citant l’exemple du plan de soutien aux banques espagnoles qui n’a pas été conditionné à des mesures d’austérité radicales.

""Renégociation" ou "annulation", peu importe, commente Zephi Karapanou, une comptable au chômage qui dépend de la maigre retraite de sa mère pour vivre. Ce qui compte c’est de ne plus voir nos jeunes partir, nos vieux se suicider ou faire les poubelles".

"Tsipras est le seul à refuser le chantage de la faillite et à apporter de l’espoir", renchérit Tasia Panagiotopoulou, retraitée de 57 ans venue avec sa fille infirmière.

"Les dés sont jetés, dimanche nous tournons la page", conclut l’orateur sous les vivats. "L’heure de la gauche est arrivée", scande la foule, pendant que dans la chaleur moite de la nuit athénienne, une femme manque de défaillir.

"Dimanche ce n’est peut-être pas la fin du capitalisme mais c’est une première étape, s’enthousiasme Katerina Gerganta, peintre sans client et militante de la première heure. Et elle concerne toute l’Europe."

Benoît Vitkine (Athènes, envoyé spécial)


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