Sarkozy est tombé mais le Merkozysme continue

mercredi 13 juin 2012.
 

Sarkozy est tombé mais le Merkozysme continue. Et même, il contre-attaque. Après que le peuple français ait eu l’insolence de voter contre le meilleur ami de madame Merkel, il est admonesté. Mercredi 30 mai, la commission européenne a transmis au gouvernement français une série de « recommandations ». Celles-ci portent notamment sur les finances publiques et le marché du travail. En pleine campagne je me suis cependant donné le temps d’étudier ce document avec mes camarades les mieux informés. Je ne voudrais pas qu’il passe sans qu’il soit rien dit de son exceptionnelle arrogance. Car la Commission n’y hésite pas à faire peser la menace de « sanctions » si son programme de choc n’est pas appliqué. Je croyais lire la proclamation de ce duc autrichien qui menaçait les Français de représailles s’ils ne rétablissaient pas immédiatement la monarchie.

Voyons le contenu. En résumé, on le devine sans avoir besoin de lire, la commission appelle à davantage d’austérité et de rigueur budgétaire. Dit dans la langue des libéraux de Bruxelles, cela donne : « La consolidation budgétaire reste un des principaux défis de la politique économique de la France ». La commission exige : « la stratégie de consolidation doit être davantage spécifiée » et prévient :« la correction du déficit excessif pourra requérir des efforts additionnels ». Ces « efforts additionnels » sont une provocation. Ils méritent examen. Il s’agit bien d’en rajouter par rapport aux plans d’austérité du gouvernement Sarkozy ! La Commission ne saurait mieux dire qu’elle se moque du vote qui vient d’avoir lieu. Elle exige du nouveau gouvernement français qu’il « précise les mesures nécessaires pour s’assurer que le déficit excessif soit résorbé d’ici à 2013, comme recommandé par le Conseil » de l’Union Européenne. Pour tenir cet objectif, la commission européenne propose toujours la même vieille recette cruelle et absurde. Elle juge « important que la hausse des dépenses publiques reste située sous le taux de croissance potentiel du PIB, avec une attention particulière portée à la tendance de l’évolution des dépenses sociales et des collectivités locales ». En bref, coupez dans les budgets publics et les prestations sociales. Car une « hausse des dépenses publiques sous le taux de croissance du PIB » revient en fait à faire reculer la part de dépenses publiques dans le PIB. C’est la même méthode qui a poussé la Grèce vers le chaos et qui est en train de faire de même en Espagne.

Mais ce n’est pas tout. Les libéraux ont élargi la cible depuis plusieurs mois. Ils visent à présent systématiquement la question des salaires et des contrats de travail. C’est même le cœur de leur projet. La commission estime que les salariés français sont trop payés ! Pour elle « depuis 2000, les salaires nominaux ont augmenté plus vite que la productivité ». Mais moins que la vitesse des ascenseurs a-t-on envie de répliquer tellement ce genre de comparaison n’a pas de sens ! Et elle met en garde à l’avance contre toute hausse du SMIC. Mais oui. Ils ont dû entendre parler de notre insistance à obtenir le contraire. Concernant le « marché du travail », la commission radote l’appel à des « réformes structurelles ». Comme on le devine, il ne s’agit pas de la sécurité sociale professionnelle. Pour la commission européenne comme pour le FMI, c’est exactement le contraire. La commission critique la « segmentation » et le « cloisonnement » du marché du travail entre contrats précaires et CDI. Mais dans le sens diamétralement opposé à nos préoccupations. Pour elle, le problème n’est pas la précarité mais le "haut degré de protection légale" incluse dans le CDI. C’est dorénavant un thème permanent des recommandations libérales. Et à l’avenant, la commission demande que soit élargi le champ des licenciements économiques. Elle demande qu’ils soient autorisés pour améliorer la rentabilité des entreprises et leur compétitivité. Rien de moins. De telles outrances consternent par leur violence et leur profonde stupidité compte tenu du contexte dépressif dans lequel s’enfonce déjà l’économie du vieux continent. Mais que tout cela soit exigé sur ce ton, quinze jours après la défaite de Nicolas Sarkozy montre ce que j’ai déjà décrit cent fois ici à propos du mécanisme autoritaire qui est à l’œuvre dans le délire européen actuel.

Il y a là un exemple caricatural de la méthode qui anime cette Europe libérale devenue folle d’aveuglement. La commission propose de poursuivre les mêmes méthodes qui ont échoué partout en les aggravant encore. A l’inverse, le Front de Gauche propose de changer radicalement de paradigme. Quelle ligne va choisir François Hollande ? Disons-le clairement, s’il veut appliquer les « recommandations » de Barroso, ce sera sans nous et même contre nous. A l’inverse, s’il s’y oppose et qu’il veut résister, nous sommes prêts à l’aider. Je devine déjà la réplique des puristes : « comment pouvez-vous douter qu’il cédera, comment pouvez-vous croire qu’il puisse vouloir résister ? N’avez-vous pas vu déjà ce qu’ont fait Papandréou en Grèce, Zapatero en Espagne, Socratès au Portugal ? ». Si, bien sûr, j’ai vu. J’ai même annoncé à l’avance. Ou est alors la différence ? La différence est précisément que tout cela a déjà eu lieu. Et que les survivants et les nouveaux élus en Europe le savent. Pour eux aussi trop c’est trop. Aussi portés qu’ils soient à la capitulation, ils savent qu’elle ne sert à rien, ne mène nulle part, ne produit aucun effet autre qu’une agonie économique et politique vite dénouée dans le désastre. Rajoy en Espagne et même cet ectoplasme de Mario Monti n’en peuvent déjà plus. Obama lui-même appelle à la relance en Europe. Je crois qu’il y a des points d’appui avant la catastrophe et il faut faire savoir que ceux qui s’y cramponneront seront aidés. Car la résistance elle aussi à sa propre dynamique interne. Aucun des mécanismes prévus, à commencer par le fameux mécanisme de stabilité financière d’ailleurs bloqué du fait qu’il n’a pas été adopté en Allemagne, ne peut faire face à la faillite de l’Espagne ! Aucun. La mascarade approche de la fin. Une étape essentielle va avoir lieu le dix sept juin prochain avec le vote des Grecs. Et avec le vote des Français. Le nombre de députés du Front de gauche dans les deux pays va donner le sens des évènements en Europe. Si nos amis de Syriza gagnent et si nous sommes le groupe charnière à l’assemblée, toute la situation peut basculer. Deux « si », certes. Mais à portée de main. Dans ces conditions nous n’avons pas intérêt à confondre nos relations avec le président de la République, avec celles, détestables que nous impose la direction du parti socialiste. Le premier a l’initiative. Il doit nécessairement se confronter à un dispositif international hostile. Le second est un vague ramassis de supplétifs hargneux qui fera bien ce qui lui sera dit de faire par ceux qui distribuent les bonnes places. De tous les points de vue, au plan institutionnel comme politique, la clef est à l’Elysée pas à Solférino. S’il existe un espoir de voir commencer une résistance du pays personne ne peut croire qu’elle puisse venir d’un seul hiérarque du PS ! Mais le président ? C’est la question.


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