François Hollande, son premier rendez-vous international et le capitalisme

mercredi 30 mai 2012.
 

Cela pourrait paraître un peu impatient de ma part d’exiger de la clarté dès le premier rendez-vous international du nouveau Président. Mais enfin, tout de même, qui a posé cette exigence sinon lui ? A ceux qui ont perdu la mémoire je rappelle l’engagement n°13 du projet de François Hollande en faveur d’une « nouvelle politique commerciale » ? Hollande y appelait à « faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale » et à « fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale ». Que reste-t-il de tout cela dans cette déclaration du G8 ? Ceux qui veulent des visas écologiques et sociaux aux frontières pour relocaliser l’activité savent maintenant ce qui leur reste à faire : élire des députés du Front de Gauche aux législatives. Sinon qui va défendre ces protections ?

Cette question de la place de l’international dans l’action du capitalisme de notre époque est une affaire intérieure de chaque Etat et même de chaque région. Je m’y suis colleté de plein fouet avec l’affaire Samsonite que le hasard situe dans la circonscription du Pas-de-calais où je suis candidat. Mercredi 16 mai dernier, je me suis rendu au Tribunal de grande instance de Paris pour assister au procès des repreneurs de l’usine Samsonite de Hénin-Beaumont. Il s’agissait pour moi de soutenir les ex-salariés présents en nombre. Beaucoup de femmes parmi ces combattants inépuisables. Car voilà maintenant plus de cinq ans que les salariés de cette usine ont entamé une bataille judiciaire contre leur ex-employeur. Il en faut du courage pour tenir bon tant de temps ! Et face à quel monstre ! Derrière la marque Samsonite se cache un fonds de pension américain – Bain Capital – créé par Mitt Romney, le futur candidat républicain à la Maison Blanche. Cette histoire est celle d’une faillite frauduleuse organisée pour économiser les coûts de licenciements et présenter un bon cours de l’action avant la revente juteuse de l’entreprise. Voyez ça. En 2005, l’entreprise américaine Samsonite, florissante, cède son usine de Hénin-Beaumont au repreneur « Energy Plast ». L’usine est alors censée se reconvertir pour fabriquer des panneaux solaires. Personne n’a jamais vu ce plan de production. La comédie a été parfaitement jouée. Seuls quelques syndicalistes avaient flairé un coup tordu. Et de fait, aucune production ne sortira de l’usine ! Jamais un seul panneau solaire n’a été produit ni même envisagé. En 2007, l’entreprise est donc liquidée. Et les 205 salariés sont licenciés. Mais ceux-là ne se laissent pas faire ! Ils crient à la faillite frauduleusement organisée ! Ils entament leur combat judiciaire. En 2009, la justice leur donne raison sur toute la ligne par trois jugements. Le premier annule la vente de l’usine par Samsonite au repreneur, comme frauduleuse. Le second jugement condamne Samsonite à payer les salaires dus jusque-là aux salariés qui n’auraient pas dû être licenciés. Un troisième jugement, pénal celui-là, condamne à de la prison ferme les trois repreneurs de l’usine pour avoir sciemment provoqué la faillite de l’entreprise et détourné 2,5 millions d’euros. C’est alors le procureur lui-même qui utilisera l’expression de "patrons voyous" pour qualifier les responsables de ce désastre. Ayant fait appel de cette condamnation pénale, ces derniers sont donc jugés une nouvelle fois. A cette occasion l’avocat des travailleurs a voulu élargir l’affaire pour qu’elle aille au fond du dossier. Il a souhaité un complément d’enquête pour faire connaître la responsabilité du fond de pension propriétaire de Samsonite dans cette manœuvre. Les ex-salariés de Samsonite comptent bien faire condamner directement le fonds de pension américain Bain Capital pour avoir utilisé un repreneur bidon afin de se débarrasser d’une usine. En effet, aux Etats-Unis, ce fonds fait l’objet d’un nombre record de procédures pour ce même type de pratique ! Courageuse et déterminée, la syndicaliste qui mène le combat déclare : « J’irai jusqu’aux Etats-Unis s’il le faut pour que justice nous soit rendue ! »

Pour nous tous, il est décisif que la condamnation des repreneurs-liquidateurs soit confirmée par le tribunal. Sinon cela laisserait supposer que, dans notre pays, les entreprises peuvent volontairement mettre en faillite une usine pour se débarrasser de ses salariés. Mais La fermeture de l’usine Samsonite de Hénin-Beaumont est emblématique des ravages produits par le capitalisme financier. Quand on regarde le déroulement complet de cette affaire, on distingue clairement une collusion entre le fonds de pension américain et les repreneurs voyous de l’usine d’Hénin-Beaumont. Le tout pour permettre à l’actionnaire Bain Capital de se débarrasser de son site du Pas-de-Calais sans avoir à payer les indemnités de licenciement et au repreneur de mettre en faillite l’usine tout en empochant les réserves de trésorerie. L’objectif des ex-Samsonites est donc d’aller jusqu’au bout de leur bataille et de ne pas faire condamner uniquement les exécuteurs.

A partir de cet exemple, j’ai expliqué dans mon discours à Méricourt vendredi dernier comment tout ce saccage aurait pu être empêché si les salariés de Samsonite avaient disposé des nouveaux droits que le Front de Gauche propose de donner aux salariés pour protéger l’emploi. D’abord l’interdiction des licenciements boursiers ! Car Samsonite et à plus forte raison son fonds de pension actionnaire, faisaient de gros bénéfices ! Et la manœuvre n’avait pas d’autre but que de présenter des comptes encore plus juteux pour la valorisation de Samsonite ! Sur cette proposition, une partie du chemin est déjà accomplie puisqu’elle a déjà été présentée au Sénat par notre camarade Dominique Watrin, sénateur du Pas-de-Calais. Le PS avait alors voté pour ! Il n’a manqué que 4 voix de gauche (PRG et chevénementistes) pour que cette interdiction, de salubrité économique, soit adoptée au Sénat. J’ai donc l’intention de présenter de nouveau ce texte si je suis élu député, au nom des gens qui l’ont en quelque sorte fait naître par leur lutte. Mon calcul est que le PS le soutienne aussi à l’Assemblée Nationale. Certes je sais bien que ce n’est pas lui qui le présentera. Mais si nous le faisons, comment s’en dédierait-il ? Voilà aussi à quoi servent nos députés. Mon intention est d’y ajouter, peut-être avec des textes séparés, une autre proposition du programme « L’Humain d’abord » qui aurait contribué à éviter un drame comme celui de Samsonite. Il s’agit du droit de véto pour les représentants du personnel sur les décisions stratégiques de l’entreprise. C’est concrètement la fin de la monarchie patronale et managériale. L’idée paraît aujourd’hui aussi audacieuse et même incongrue que l’était autrefois celle de désigner des délégués ouvriers et d’organiser la négociation avec les patrons. Aussi incroyable que parut d’abord la première convention collective. Je cite tout cela parce que l’histoire du mouvement ouvrier le note. Et aussi pourquoi le taire, parce que tout cela a eu lieu la première fois dans la circonscription où je me trouve à présent ! Cela implique en effet les ventes, changements de lieu de production et ainsi de suite. Et, bien sûr, nous y incluons l’obligation d’examiner les solutions alternatives avancées par les salariés. Enfin, je rappelle que nous sommes partisans d’un droit de préemption de leurs entreprises par les salariés qui souhaitent les reprendre en coopératives. C’est-à-dire que les travailleurs seraient légalement prioritaires pour reprendre l’activité en cas de vente ou de redressement judiciaire, si besoin avec le soutien juridique et financier de l’Etat. Cette proposition nous devrions pouvoir la porter d’autant plus facilement qu’il existe à présent un ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. Et celui-ci n’est-il pas le chef de ce qui reste de la gauche du Parti socialiste ? De plus, si mes souvenirs sont bons, le projet socialiste adopté à l’unanimité inclut lui aussi cette proposition. Nous aurons donc une bonne base de départ. La vérité est que je ne me fais aucune espèce d’illusion. Si nous n’y sommes pas il ne se passera rien sur le sujet. Mais si nous y sommes il y aura une bonne tenaille à mettre en place sur la droite du PS qui tient tous les postes clefs du gouvernement et peut-être que le ministre Hamon nous aidera à la manœuvre.


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