Portons haut notre mémoire et nos symboles

lundi 21 mai 2012.
 

J’avoue avoir eu la gueule de bois en découvrant le score du Front national et plus encore la fusion idéologique qui s’opère sous nos yeux entre la droite dite républicaine et l’extrême droite. Cette convergence ne me surprend pas car le Sarkophage, « On change tout  ! », a publié de nombreuses analyses prouvant que cette nouvelle extrême droite est mondialement la relève de la droite, à ce titre, le vote FN n’est nullement un vote anti-système, c’est même le choix du système pour faire face à son effondrement.

La vieille promesse de la droite, c’était le mythe de la croissance folle (le fameux « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy en 2007). C’est aujourd’hui du « sang et des larmes », c’est-à-dire une promesse d’austérité pour les peuples à l’instar de la Grèce. La promesse que fait cette nouvelle droite extrême, devenue une sorte de Père Fouettard, c’est un niveau minimum de protection sociale aux seuls nationaux (d’où l’importance dans son discours de la question des frontières) et un État musclé qui institue des lois d’exception, qui crée un état de siège. Nous en avons un bon symptôme avec la centralité de la question de l’insécurité dans son discours alors que tous les travaux scientifiques montrent que la violence n’a jamais été aussi faible… Ce paradoxe correspond certes à la réaction d’une société qui ne tolère plus la violence (Norbert Elias) mais il témoigne aussi d’une fascination croissante pour un État musclé, pour un État Moloch.

Cette droite qui s’extrême-droitise manifeste une véritable fascination pour la violence qu’elle dénonce. Cette violence est la seule forme de jouissance que le système reconnaît désormais aux 99%  : jouissance perverse que procure la chasse à plus pauvre que soi (les salariés sommés de s’en prendre aux « assistés » (sic), les smicards aux érémistes, les érémistes aux SDF, etc.)  ; jouissance perverse aussi dans la chasse aux étrangers (en France, « ceux qui ressemblent à des musulmans » (sic), dans certaines villes de Flandre, « ceux qui ressemblent à des Français »…). Personne ne sera à l’abri.

Cette nouvelle droite ne reculera devant rien pour organiser cette violence symbolique, sociale, policière. La droite est assez intelligente pour savoir qu’on ne joue jamais impunément avec certains symboles. L’OPA de « SarkoPen » sur le 1er Mai relève fondamentalement du registre d’une violence expiatoire. Parler de « vrai travail », c’est déjà en creux parler de la « vraie France » et des « vrais Français »  ! Le régime de Vichy s’y était essayé avec la Saint-Philippe. Pie XII avait suivi, en 1953, avec la Saint-Joseph. Le F-Haine viole le 1er Mai, depuis vingt ans, avec sa mascarade autour de la figure de Jeanne d’Arc.

La lutte des classes se fait aussi symbole contre symbole, mémoire contre mémoire, manif contre manif. Nous devons donc opposer au roman national de la droite le roman national de la gauche. Nous devons rappeler que la Fête du travail fut d’abord une création de 1793, célébrée le 1er pluviôse (en janvier), qu’elle fut reprise ensuite par Godin, le père du Familistère (ancêtre de l’économie sociale). Le massacre de Chicago, en 1886, se terminera par l’arrestation, le procès et la pendaison de quatre anarchistes… qui seront reconnus naturellement plus tard innocents. Sur la tombe de l’un d’eux, on lit  : « Un jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui. »

(*) A publié récemment le Socialisme gourmand, Éditions La Découverte.


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