Le vote FN progresse en milieu rural. Pourquoi ?

vendredi 28 avril 2017.
 

1) Pourquoi le vote FN progresse en milieu rural ? (Le Monde)

La défense des services publics, Marine Le Pen en avait fait un de ses axes de campagne, espérant toucher les populations rurales, frappées par la désertification. Un pari qui semble réussi à en croire son bon score dans ces territoires.

Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, le centre de recherches de Sciences Po, analysait au lendemain du second tour pour Le Monde les scores de Marine Le Pen : "[Elle] parvient aujourd’hui à devenir une force nationale", expliquait-il, précisant que ses scores "s’articulent sur des malaises ruraux très profonds, comme dans l’Orne".

La désertification rurale et la fermeture des services publics ne sont pas fantasmés. "On perd des emplois industriels dans les zones rurales. Leurs parents peuvent être inquiets de voir leurs enfants et les plus jeunes sans emploi. Ils n’ont pas une vision positive de la société et de la politique. Ils pensent que le monde rural est moins considéré, qu’il n’est pas pris en compte", analyse Yves Krattinger, président du Conseil général de Haute-Saône et reponsable de la ruralité dans l’équipe de François Hollande. "Ces gens se sentent oubliés, à l’écart du progrès et du développement des services publics, qui se retirent des zones rurales" continue-t-il.

Si le constat est similaire pour Frédéric Nihous, président de Chasse Pêche Nature et Tradition, et responsable de la ruralité auprès de Nicolas Sarkozy, les causes diffèrent un peu. Le vote pour le Front National est "l’expression d’un sentiment d’abandon des zones rurales rapport à l’économie et à la médecine". Un abandon qui est selon lui en grande partie du à "l’abus de normes" et qui "peut également s’expliquer par un ressentiment vis à vis de l’impact de certaines mesures du Grenelle de l’environnement". Pierre Morel A l’Huissier, député UMP de Lozère et fondateur du collectif la Droite rurale le rejoint dans cette analyse : il dénonce ces "400 000 normes établies depuis Paris" et estime que le vote FN exprime "un rejet de la dictature administrative, de ce magma de documents, de décrets, de règlements qui est censé protéger de tout et déresponsabilise l’individu".

"LES RURAUX ONT PORTÉ UNE FORTE CONTRIBUTION À LA RGPP"

Autre coupable identifié : la révision générale des politiques publiques. "Tous les territoires ruraux ont beaucoup perdu et dans ces territoires, la RGPP a été désastreuse, explique M. Krattinger, et c’est pour cela qu’une des premières mesures en faveur de la ruralité apportée par François Hollande, c’est l’arrêt de la RGPP." M. Morel, plus nunancé, estime lui que, "la RGPP était nécessaire et il est normal d’avoir demandé des efforts à tous les territoires mais nous sommes arrivés au bout de l’os, et il ne faut désormais plus toucher aux postes dans l’école, dans la sécurité et dans l’hôpital public." M. Nihous est lui encore plus réservé : "Il faut régler les problèmes de déficit en réduisant les dépenses, mais continuer à assurer une bonne couverture. On veut renforcer à la fois les services publics et les petits commerces en développant les points d’accès tels que les relais commerçants."

Si la ruralité n’a pas été au cœur du débat télévisé, les candidats proposent tout de même quelques mesures en faveur de ces zones rurales. Le président de CPNT explique que Nicolas Sarkozy vise par exemple le développement économique de ces territoires, grâce à des allègements de charges dirigés notamment vers l’artisanat. "Cela permet de sauver des classes d’école et de redévelopper des zones de chalandise pour les services publics et les commerces." Le candidat de l’UMP veut également limiter l’inflation de normes par une nouvelle règle qui prévoira la suppression de deux normes chaque fois qu’une nouvelle sera créée. "Ces normes devraient s’adapter aux spécificités locales, notamment en zone rurale", poursuit M. Nihous.

Yves Krattinger explique de son côté que "tout ce que François Hollande met en avant est là pour rassurer les ruraux sur ses intentions". Il assure que les 60 000 postes dans l’éducation leur bénéficieront, ainsi que la banque publique d’investissement, le livret d’épargne-industrie et la fin de la tarification à l’acte, "qui met sur un même pied d’égalité la clinique parisienne et l’hôpital public". Sur l’accès au soins, il propose également le développement des maisons de santé, rejoignant là la position de Frédéric Nihous.

Hélène Bekmezian et Alexandre Léchenet

2) L’exemple de la Somme « C’est dans le rural que le 
vote “frontiste” se consolide »

Sébastien Vignon, 
chercheur postdoctorant 
au Centre universitaire 
de recherches sur l’action publique et le politique à l’université de Picardie-Jules- Verne, analyse le succès électoral du Front national dans les cantons les plus excentrés des villes.

Quelle est votre première analyse des résultats du Front national dans la Somme  ?

Sébastien Vignon. Avec une participation en baisse, Marine Le Pen est la grande gagnante de ce premier tour en Picardie et dans la Somme qui se caractérise par un fort émiettement communal avec 782 communes, parmi lesquelles un grand nombre sont situées hors des aires urbaines et une sur-représentation des catégories populaires. C’est dans ces petits villages de moins de 500 habitants plus particulièrement, localisés à plus de trente kilomètres d’Amiens, capitale régionale, que Marine Le Pen enregistre ses meilleurs résultats. Émerge ainsi un clivage entre les cantons urbains et les cantons dits « ruraux ». Les cinq cantons où Marine Le Pen fait ses scores les plus faibles dans la Somme sont situés à Amiens. Dans le canton d’Amiens-Sud (Amiens-6), elle recueille 7,42% des inscrits – c’est son score le plus bas dans le département – alors que dans le canton rural de Roisel, il atteint 26,82%. Dans ce canton de moins de 9 000 habitants, situé à l’écart des grands axes de communication, où l’industrie représente environ 70% des emplois salariés concentrés dans le textile et l’agroalimentaire, le FN engrange une progression de plus de 
7 points  ! C’est dans le rural le plus excentré des villes que le vote « frontiste » tend à se consolider électoralement.

Comment expliquer ce phénomène  ?

Sébastien Vignon. Les facteurs explicatifs sont multiples. Marine Le Pen a centré une partie de son discours sur la désertification des campagnes – fermeture des services publics, des petits commerces de proximité, par exemple – et les difficultés économiques qui touchent les agriculteurs, les artisans et commerçants, mais aussi les ouvriers confrontés aux délocalisations et fermetures d’usines. Il est probable qu’en Picardie, région à la fois industrielle et agricole – dans la Somme notamment –, ce discours ait pu trouver un écho plus large auprès de certaines franges de la population qui ont le sentiment d’être ignorées, voire abandonnées par les politiques et reléguées dans des espaces où elles se sentent parfois assignées à résidence. C’est le cas, par exemple, mais pas uniquement évidemment, de ménages ayant quitté la ville pour obtenir un logement moins cher mais qui se retrouvent isolés, loin des services publics. Les artisans, mais également les agriculteurs, se sentent négligés par les élus de droite et certains se reportent sur l’extrême droite. Mais plus généralement, pour comprendre le succès électoral du vote FN dans les mondes ruraux, il faut s’attacher à mettre en relation les préférences électorales des groupes sociaux – cadres, ouvriers, agriculteurs, artisans, etc. – avec les types de rapports sociaux dans lesquels ces groupes sont insérés. C’est ce que nous faisons avec mon collègue Emmanuel Pierru, chercheur au Ceraps, lorsque nous interrogeons les votes frontistes dans les espaces ruraux de la Somme en les mettant en rapport avec les transformations des modes de sociabilité locale, comme la crise de l’« entre-soi rural » et la déstabilisation des lieux d’intégration traditionnels (associations communales, manifestations villageoises, fermetures des cafés, etc.).

Que revêt la notion de classes populaires dans la Somme rurale  ? Se distingue-t-elle, par exemple, des classes populaires des villes  ?

Sébastien Vignon. Les espaces ruraux du département se caractérisent par une forte sur-représentation des ouvriers et des employés, mais il ne faut pas négliger numériquement, parmi les retraités, les « petits » agriculteurs, artisans et commerçants qui d’ailleurs rencontrent des difficultés économiques. Par ailleurs, les jeunes ruraux possèdent un niveau de formation moindre que leurs homologues des grandes villes. Ils sont frappés eux aussi par la précarité économique et sociale, le chômage. Leur faible degré de mobilité géographique renforce leur sentiment de relégation. De ce point de vue, certaines campagnes et certaines banlieues se ressemblent : les classes populaires y sont majoritaires. Les parcours d’entrée dans la vie active sont, dans certains villages ouvriers ruraux, aussi morcelés et incertains que dans de nombreuses cités. C’est ce qu’a très bien observé le sociologue Nicolas Rénahy sur un autre site d’enquête. Les ouvriers ruraux travaillent généralement dans des PME, voire dans l’artisanat, où la présence syndicale est très faible et, du coup, ne peut compenser les faibles prédispositions à la politisation de ces groupes. Au regard de nos enquêtes de terrain, l’une des caractéristiques des ouvriers en milieu rural, c’est qu’ils sont plus souvent issus du monde agricole 
– ils n’ont pas pu ou voulu reprendre l’exploitation familiale – ou des professions indépendantes (artisans, commerçants, par exemple). Le vote des ouvriers pour le FN est très souvent analysé à l’aune de ce que certains analystes nomment le « gaucho-lepénisme »  : déçus par les formations politiques de gauche, des ouvriers se tourneraient vers le FN et son leader charismatique, etc. Il ne s’agit pas de nier que des ouvriers qui votaient à gauche votent désormais pour le FN. Sont-ils issus des fractions « urbaines » ayant quitté la ville ou, à l’inverse, sont-ils des « gars du coin », pour reprendre l’expression de Nicolas Rénahy  ? Les ouvriers « ruraux » portant leur suffrage sur Marine Le Pen sont-ils, et, le cas échéant, dans quelle proportion, des fils/filles des professions indépendantes qui jusqu’alors portaient leurs suffrages sur les candidats de droite  ? On manque cruellement de données systématiques qui permettent de répondre à de tels questionnements. La catégorie sociale « ouvriers » est encore une catégorie statistique descriptive, mais pas explicative. Être « ouvrier », oui  : mais dans quelle trajectoire sociale, dans quel projet de mobilité entravée ou non  ? Ce n’est pas la même chose d’être ouvrier dans un territoire où l’industrie reste florissante, où son propre fils pourra devenir lui aussi ouvrier, que dans un bassin d’emploi où les usines licencient.

Entretien réalisé par Christophe Deroubaix, L’Humanité

3) Mon village a voté Front national

Depuis deux ans que je suis, sur ce blog, la vie de ce village, la politique ne m’avait pas paru un sujet de grande préoccupation de ses habitants. D’ailleurs depuis un mois, on était ici plus intéressé par la pluie qui a enfin permis à l’herbe d’un peu pousser dans les prés et les jardins. En ce moment encore, les après-midi ne sont troublées que par le bruit, de loin en loin, d’une tondeuse ou parfois d’un tracteur. La vie suit son cours habituel et comme dans bien des campagnes le temps semble s’écouler un peu plus lentement que dans le reste du pays. Plus qu’en ville, le printemps est une période de transition et comme on est en altitude, les arbres n’ont pas encore fait sortir leurs feuilles. Alors que d’aucuns attendent et s’activent depuis de longues semaines en vue d’une possible autre transition -politique celle-là-, les soubresauts de la campagne électorale n’étaient arrivés dans le village que comme une rumeur étouffée.

Et puis au soir du premier tour, le résultat est tombé. Les électeurs de Mézères, comme beaucoup d’autres communes rurales, ont placé Marine Le Pen en tête des suffrages avec 31,9% des voix : 39 bulletins pour 151 inscrits et 122 exprimés. Pas vraiment une surprise pour les gens du coin et pour ceux des villages voisins qui avaient pris pour habitude de montrer le hameau du doigt, moqueurs, comme un endroit où "ça vote FN", sans plus y réfléchir que ça et sans voir que chez eux aussi, ce vote était en augmentation. Une demi surprise pour moi, qui me suis attardé sur les évolutions du village mais qui ai aussi beaucoup entendu, là les réticences au changement, ici la perpétuation des traditions.

Un vote encore caché

"Mais non, à Mézères, y’a personne qui vote FN... et pourtant ils font 30 %", s’est amusée Marie-Jo Braud quand je suis allée la voir pour parler de ce résultat. Si dans certains coins de France le vote FN se montre au grand jour, est "décomplexé" comme on l’entend souvent, ici il reste un vote caché. Difficile de trouver des gens qui expliquent ce qu’ils ont voulu faire passer dans l’urne. "Ils se sentent laissés de côté", me dit Serge, le fils Marie-Jo. Depuis presque deux ans que ce blog s’attarde sur la vie à Mézères, on a en effet parlé de la désertification médicale, des commerces qui peinent à survivre, des emplois non qualifiés si difficiles à trouver quand on est une femme ou tout simplement de la campagne qui est gagnée par les bois car les agriculteurs disparaissent et personne ne les remplace pour entretenir les prés. Des problèmes du quotidien. Et même si aucune de ces raisons ne fait à elle seule un vote, elles participent toutes d’un monde qui s’écroule, ou -pour le moins- évolue.

Le vote FN, on le trouve dans les discussions que l’on a en s’arrêtant chez les uns ou les autres. "Faut les entendre parler des "cas sociaux" comme ils disent", soupire Sigrid qui elle n’a jamais caché ses opinions de gauche. Le discours contre les "assistés" est récurent en ce lieu où le travail de la terre, rude et peu rémunérateur, est érigé en référence. Tout le monde a, ou a eu, un parent qui s’est cassé les reins à tourner la terre, à monter des murs énormes en sortant une à une les pierres de basalte de champs ingrats. Comme si l’héritage ne s’arrêtait pas ici à des possessions, mais à un paysage même, à un mode de vie qui a attendu les années 1970 pour vraiment changer. Alors beaucoup de gens, sans jamais s’affirmer d’un bord ou d’un autre, pestent facilement et violemment contre "les planqués" qui, forcément, gagnent plus qu’eux sans rien faire. "Mais est-ce qu’ils vont te dire qui c’est les planqués ? rouspète Sigrid. Les planqués c’est tout le monde sauf eux !"

"Ils ont toujours l’impression que l’autre va mieux, confirme Serge. Quand ils regardent la télé, ils se sentent floués. Mais c’est vrai aussi qu’on les a vu fermer les écoles, ajoute-t-il. Ici les services publics c’est le minimum vital alors faut pas nous les enlever."

Cette discrétion ne veut pas dire que l’on a honte de voter Front national. Le tabou est bien plus général. Chacun sait, ou imagine ce que vote son voisin, mais personne ne le dit. Après le "on vote bien ce qu’on veut", la deuxième phrase clé est : "On ne parle pas de politique." Dans un village d’à peine 170 habitants, on a beau connaître en partie les opinions de ses voisins, il vaut mieux ne pas entrer dans ce débat. "Sinon ça fait que des ennuis", explique l’un d’eux. Le vivre-ensemble alors qu’on est si peu nombreux passe par l’aplanissement, ou l’évitement, de certains sujets. Affirmer son vote, c’est risquer de se brouiller avec ses voisins, et donc de se rendre la vie impossible quand on peut être si dépendant d’eux. La cohabitation dans un même conseil municipal ou dans une association de gens qui peuvent avoir des opinions radicalement différentes implique de laisser la politique sur le pas de la porte. "Ici, dès que t’achètes une nouvelle voiture, ça fait jaser tout le monde, raconte Jacques Tournayre. Alors imagine dire pour qui tu votes !"

La peur d’un monde qui change trop vite

Justement, Jacques lui, n’a pas peur de dire qu’il a voté Le Pen. Il faut dire qu’il milite au Front national depuis 1995. Et puis, il a bien l’impression que ses idées sont partagées par beaucoup ici. "Le vrai problème c’est l’Europe, assène-t-il d’emblée. Quand on a ouvert les frontières, cela a tout déréglé. Maintenant on se retrouve avec des étrangers partout et une insécurité qu’on ne connaissait pas ici quand j’étais jeune."

On sent dans le discours de cet ancien chauffeur routier, une peur sourde que la campagne ne se transforme en banlieue des grandes villes. Au milieu de son salon tout ce qu’il y a de plus dénudé se tient un modeste poste de télévision et une pile d’éditions du journal local. "On le voit bien aux informations : cette année il y a eu cinq meurtres dans le département et des cambriolages partout. On le voit aux infos, c’est pas des gens d’ici ou du Cantal qui viennent cambrioler en Haute-Loire. Ils viennent de Saint-Etienne ou de Lyon. Et de toute façon, ce qui se passe en ville, ça se répercute tôt ou tard dans les campagnes." Qu’une maison soit cambriolée, et c’est tout le village qui se sent assailli... la crainte de la multiplication de ces faits est plus forte que leur réalité.

"Que nos montagnes restent nos montagnes"

Et puis il y a Dimitri. Plus jeunes, ses cousins et moi jouions ensemble. Il était plus petit que nous et nous faisait rire car il ne manquait pas une bêtise. Un moment, ses parents se sont arrachés les cheveux de le voir peiner à l’école. Après avoir eu "quelques ennuis", dit-il sobrement, il s’est retrouvé en internat au Puy-en-Velay. "Je sortais juste de ma campagne et je débarquais en ville. J’étais en apprentissage, c’était la galère. Et là bas, la racaille, les Arabes, si t’as un look qui leur plaît pas, ils viennent t’emmerder. Eux ils disent qu’ils souffrent de la différence, mais moi aussi j’en ai souffert. De toute façon dès que j’arrivais, s’ils savaient que je venais de la campagne, ils me traitaient de raciste. On n’avait pas la même mentalité, mais moi, si on m’emmerde pas, je fais pas de soucis."

Ensuite, il a fait des stages dans de nombreuses entreprises, avant de "trouver sa voie", après un passage chez Denis Chalendar, un boucher du coin. La vente sur les marchés, le contact avec les clients et le travail de la viande ont été comme une révélation. Aujourd’hui, à 19 ans, il est en formation pour obtenir un diplôme de boucher de niveau CAP. Il explique qu’il a bien mûri, s’est assagi. "La peur avant, c’était de ne pas avoir de travail. Je pense que mes parents se faisaient du soucis. Mais maintenant, je n’ai plus peur de rien. Je sais que quoi qu’il en coûte, je trouverai", avance-t-il.

Cette assurance qu’il a gagnée ne l’a pas empêché de voter Marine Le Pen –il en parle en l’appelant "La Marine". "J’ai pas honte de le dire, explique-t-il. Elle est candidate non ? Donc c’est bien qu’on peut voter pour elle. En plus, je ne la trouve pas raciste, c’est l’ordre qu’elle défend." Bien qu’encore jeune, lui aussi se défie du changement "trop rapide" que vit la campagne : "Les nouveaux, s’ils viennent ici, faut qu’ils respectent le village. Ici, ça fait des années que ça a pas bougé et, nos montagnes, on veut qu’elles restent nos montagnes. Ici, on nous chie dessus. La Marine, elle veut faire des choses pour nous. Les autres, ils font quoi ?"

"Moi je suis bien content que ça aie beaucoup voté Front national ici", poursuit Dimitri. Il se dit même déçu que Marine Le Pen ne soit pas passée au second tour. "Ça en aurait fait flipper certains", sourit-il, pas mécontent que les médias se soient intéressé au phénomène du vote frontiste dans les campagnes.

Au premier abord, le vote de Mézères conforte cette analyse voulant que le Front national soit en forte progression dans les zones rurales. D’aucun cherchant, naturellement, à comprendre pourquoi ce vote, à aller sonder la "souffrance" des habitants qui se sentent laissés pour compte. Les candidats du second tour ont assuré aussi ces électeurs de leur compassion, voire de leur commisération. Mais interrogé franchement, presque personne dans le village ne se plaint fondamentalement de sa situation. La vie sait être douce et il y a encore de l’entraide. Les cambriolages, un des arguments principaux des représentants frontistes dans les départements ruraux, il y en a en fait très peu ; et la violence, les banlieues, on ne les voit que de loin, par le prisme de la télévision.

Petit à petit, il y a aussi de nouveaux habitants qui arrivent. On a beaucoup parlé d’eux sur ce blog. Ils viennent trouver un coin tranquille de campagne, ouvrir une librairie ou retrouver la campagne que leurs parents ont laissée pour partir travailler en ville. Ils montent des associations, retapent une vieille ferme ou viennent vivre quelques années ici le temps que leurs enfants grandissent.

Alors mon village a-t-il vraiment voté Front national ? Au premier coup d’œil oui. Il est bien plus élevé que la moyenne nationale et sans commune mesure avec le score du FN dans les villes. Mais est-ce un vote en expansion ? Cette année, le Front a recueilli 32 % des voix contre 25,5% en 2007. Mais si l’on regarde en chiffres absolus il est relativement stable : 39 voix en 2012, contre 34 en 2007, 31 en 2002 et 23 plus 8 pour de Villiers en 1995. En 17 ans, le nombre d’électeurs d’extrême-droite n’a augmenté que de 8 alors que le nombre de votants a explosé. En réalité, en passant de 12 voix en 1995 à 44 en 2012, en chiffres absolus comme en pourcentage, c’est la gauche qui est en augmentation sur toute cette période à Mézères.

Source : http://monde-rural.blog.lemonde.fr/...


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