« Un moment historique », partout en France (Libération)

mercredi 9 mai 2012.
 

De la place de la Bastille au Capitole à Toulouse en passant par la place de la Victoire à Bordeaux, de Florange à Clichy, le peuple de gauche a célébré dimanche soir la victoire de Hollande, trente et un ans après celle de Mitterrand.

Paris

A la seconde où l’image de François Hollande s’est affichée sur l’écran installé sur la place de la Bastille, une immense clameur a fusé de la foule, dans une forêt de bras levés, suivie instantanément par des fumigènes. Les voix s’étaient chauffées depuis une heure, venant des dizaines de jeunes grimpés sur les flancs de la statue du génie de la Bastille scandant : « François, président ! » A hauteur d’homme, la place densifiée s’est vite transformée en un fatras de têtes, de drapeaux, d’œillets à la boutonnière, d’enfants sur des épaules, le tout sous les fumées de merguez. Monique, 56 ans, qui a fêté la victoire de Mitterrand à Marseille en 1981, son premier vote, est montée à la capitale pour fêter celle de Hollande avec sa fille. Elle arbore une rose rouge achetée chez son fleuriste. Un nouvel élan, un écho venu de trente ans. « Sarkozy, c’est fini, le diable en personne », crie un grand Ivoirien de 35 ans, qui pense que « c’est mieux pour l’Afrique et les immigrés ». Derrière lui, une frêle femme de 70 ans fait le V de la victoire. La clameur reprend et reprend. « Ce soir, c’est la joie ! » De l’autre côté de la place, dès 19 h 15, un carré de supporteurs s’était hissé au premier étage du socle de la colonne de la Bastille. Un quart d’heure plus tard, le second niveau est pris d’assaut et le drapeau du Parti communiste est agité avec énergie. Un original s’est confectionné un fanion à deux faces : un côté bleu-blanc-rouge et un autre rouge, frappé de la faucille et du marteau. A 20 heures, le 51,90% s’affiche. C’est la liesse. Et le bal commence : Noah, Higelin, Camélia Jordana…

Florange

Tous les « durs » de Florange, beaucoup de la CFDT, s’étaient réunis dimanche soir dans la banlieue de Thionville avec dans la tête l’idée bien ancrée de célébrer « la fin de Sarko ». Dès le compte à rebours terminé, la soixantaine de salariés d’ArcelorMittal présents, mais aussi leurs copains, leurs femmes et leur enfants ont hurlé victoire. « Vive la République ! », « Vive la France ! », a-t-on entendu, de même qu’une Marseillaise. Et dans un autre registre : « Sarkozy, on t’a niqué, Sarkozy, on t’a gazé ! » référence à l’accueil musclé des CRS et aux gaz lacrymogènes réservés aux manifestants d’ArcelorMittal lors de leur tentative de rencontrer Sarkozy à son siège de campagne, le 15 mars. L’émotion est palpable, les larmes pas très loin.

Edouard Martin, le « champion » de la CFDT, prend sa part de la victoire. « Peut-être qu’on a contribué à montrer le vrai visage de Sarkozy, celui qui n’aime pas les ouvriers. Il nous a craché dessus, il nous a insulté. Il a été démasqué. Aujourd’hui, ce n’est pas un sentiment de vengeance, mais de justice... « Ça ne change rien pour nous, on sera encore sur les piquets de grève, dans la rue. On n’est pas là pour sauver un président plutôt un autre, mais pour sauver notre usine. On sera là pour rappeler à Hollande qu’on veut des réponse. La seule victoire du jour, c’est qu’une page maudite de notre histoire vint d’être tournée. »

Luis de Freitas, salarié au chômage partiel, confirme : « Le combat est loin d’être terminé et puis on n’est pas à l’abri d’un troisième tour social dans la rue. Moi, j’y suis favorable. » Mardi, les salariés ont prévu de se rendre au Luxembourg où Lakshmi Mittal doit mener une réunion avec tous les actionnaires du groupe.

Clichy

Les larmes de Zoulika et ses mots à 20 heures : « C’est fini. On va se sentir à nouveau chez nous. » Et puis des rires. Des embrassades avec ses amis du collectif d’ACleFeu. Le collectif citoyen organisait hier soir une garden-party dans ses locaux de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ici, on fête la défaite de Sarkozy, plus que la victoire de Hollande. « Pendant cinq ans, et même avant, depuis qu’il était ministre de l’Intérieur, il nous a fait comprendre qu’on n’était pas français, que nos enfants étaient des voleurs, qu’on n’avait pas notre place. On ne se rend pas compte de la violence de tout ça. Mais c’est fini », répète Zoulika. Mohamed Mechmache, président d’ACLeFeu, garde la tête froide : « Il faut qu’on reste vigilant. Il ne faut pas que la gauche oublie une nouvelle fois ses promesses. Nous serons là pour lui rappeler. »

Sabrina est « soulagée ». Elle est arrivée en retard à la soirée par le bus 601 qui dessert Clichy depuis le RER. Elle a appris le résultat en direct par téléphone. Elle a hurlé dans le bus : « Hollande est président ! » Elle raconte la scène : « Tout le monde dans le bus dansait, il y en a qui applaudissaient, d’autres qui faisaient des youyous. » « J’ai vu les gens de Clichy sortir des immeubles et montrer leur bonheur dans la rue avant d’arriver, c’est beau à voir. »

Toulouse

Dès 19 heures, des chiffres circulent dans la foule de la place du Capitole. Déjà, des sourires éclairent les visages. Une bouteille à la main, Karine, 52 ans, regarde la télé sur son téléphone : « On est venu avec des verres, du champagne et notre cœur. » « Et notre foi », rajoute Michel à ses côtés. Tout un coup, la joie explose. Hollande a gagné. Le bouchon saute. Les mains se tendent, applaudissent. « C’est formidable, s’exclame Ahmed. Cette victoire, c’est pour mes enfants ! Ces cinq années de galère et de divisions sont terminées. » Perchée sur les épaules de son père, une petite fille en rose et bleu chantonne : « On a gagné ! On a gagné ! » Il y a du soleil sur le Capitole.

Bordeaux

Dès 15 heures, le PS installe un écran sur la place de la Victoire, rendez-vous des fêtards et des étudiants. A cinq minutes des résultats, l’endroit est noir de monde. Quatre copines qui se pressent au milieu de la foule sortent des coupes en plastique. « On vit un moment historique, les enfants… » lâche l’une d’elle. Le compte à rebours est lancé. Des cris, des chants et des hurlements saluent l’apparition de François Hollande sur l’écran. Au premier rang, Alain Rousset, le président de la région Aquitaine, que l’on dit ministrable, écrase une larme. Une rose à la main, il déguste le moment.

Lille

« On n’était pas là en 81, on fait notre 81 comme on peut. » Ils se disent « socialistes de cœur », ils ont voté Hollande ou Mélenchon au premier tour, Hollande hier. Juliette, 24 ans, attachée de recherche clinique, Christophe, étudiant en école d’ingénieur, Nicolas, rédacteur scientifique. Ils marchent vers l’hôtel de ville, pour trouver un écran. Juliette raconte qu’elle a craint que Hollande ne passe pas : « Entre les deux tours, j’ai eu peur du vote FN. » Il est presque 20 heures, ils se pressent dans le grand hall. A la télé, le visage déconfit de Nathalie Kosciusko-Morizet est sifflé. Voilà le décompte, comme un soir de nouvel an. Dix, neuf, huit, sept… On a perdu Juliette, Nicolas, et Christophe dans la foule qui saute et hurle de joie.

Marseille

L’écran montre le visage de Hollande. Les hurlements couvrent la voix des journalistes. Un élu arrose la foule de champagne. « C’est fini, c’est fini, on l’a dégagé ! » hurle un vieil homme.

Lyon

Prosper, Walid et Ahmed, eux, exultent : « Ce soir, on est heureux, on célèbre. On est tellement contents qu’ils dégagent tous… »


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message