Pour remettre réellement la justice au service de la population

vendredi 20 avril 2012.
 

Nous constatons tous les jours, à l’occasion de notre activité professionnelle, l’état catastrophique dans lequel se trouve le service public de la justice. Cette situation s’est encore accentuée au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ce constat quotidien est confirmé par les études conduites par la commission européenne Pour l’efficacité de la justice, qui dans son dernier rapport a mis en lumière que  :

– la France est classée au 37e rang des 45 pays du Conseil de l’Europe pour le budget public annuel alloué au système judiciaire rapporté au PIB par habitant  ;

– la France est classée au 39e rang des 45 pays du Conseil de l’Europe pour le nombre de fonctionnaires de justice pour 100 000 habitants  ;

– la France compte 9,1 juges professionnels pour 100 000 habitants alors que la moyenne européenne est de 20,6.

Ces insuffisances ont des conséquences concrètes. En matière civile, la durée des procédures judiciaires est invraisemblablement longue et de nombreuses juridictions sont privées des moyens de fonctionner normalement au point parfois de ne pouvoir bénéficier des fournitures de bureaux élémentaires ou de ne pouvoir faire face à leurs frais postaux. Ce manque de moyens humains et matériels, encore aggravé par la réforme de la carte judiciaire et la suppression de nombreuses juridictions qui étaient pourtant supposées régler le problème, aboutit à des délais inadmissibles, et a d’ailleurs déjà conduit le ministère de la Justice à être condamné pour délais excessifs. En matière pénale, les conditions de détention sont toujours pour une large part indignes et les mesures alternatives à l’incarcération ne bénéficient que de moyens ridicules.

L’accès à la justice est rendu de plus en plus difficile pour les justiciables issus de milieux populaires ou de classes moyennes. L’absence de réforme de l’aide juridictionnelle réclamée depuis des années par les avocats et leurs barreaux conforte une justice à deux vitesses, car la complexité croissante du droit combinée à la précarité sociale et morale exclut toute une partie des justiciables qui auraient plus que jamais besoin d’être assistés.

Pour ceux qui, bien qu’aux revenus modestes, sont exclus du bénéfice de l’aide juridictionnelle, la création récente de nouvelles taxes devant être acquittées à l’occasion de la saisine des tribunaux ou des cours d’appel sont des obstacles supplémentaires à l’accès à la justice. Les justiciables modestes tendent ainsi à être privés du droit à un procès équitable. Il apparaît de surcroît que les moyens, déjà faibles, accordés à la justice sont répartis de façon particulièrement inégalitaire entre les juridictions. Ces moyens sont en outre affectés systématiquement de façon prioritaire aux missions répressives de la justice. Face à cette situation, les discours de l’actuelle majorité sur la sécurité, sur les droits des victimes, outre leur caractère injuste, sont purement démagogiques puisque les réformes législatives ne sont pas soutenues par des moyens véritables.

L’aversion constante de la droite pour une justice indépendante et sereine a conduit celle-ci notamment  : au-delà des pressions directes du pouvoir dans des affaires particulières, à maintenir et renforcer la dépendance des parquets vis-à-vis du pouvoir politique  ; par le dénigrement démagogique de certaines décisions judiciaires, à déconsidérer les magistrats aux yeux de la population  ; à multiplier les lois restreignant les pouvoirs des magistrats d’individualiser des peines  ; à proposer la suppression des juges d’instruction  ; à restreindre l’accès au juge aux étrangers retenus  ; à priver la justice des mineurs des moyens d’assurer ses fonctions de protection de l’enfance en danger au profit d’un renforcement des aspects répressifs de sa mission ; à réduire drastiquement l’indemnisation des conseillers prud’homaux salariés  ; à encourager les médiations extrajudiciaires, ouvrant ainsi la voie à une privatisation de la justice  ; à plus généralement ignorer la justice civile au profit de la justice pénale et à la priver de moyens pour fonctionner.

Face à ces constats, il est nécessaire qu’une autre politique soit mise en œuvre dans ce domaine. Il convient d’abord qu’une augmentation substantielle et continue des moyens confiés à la justice soit décidée et que soient embauchés d’urgence les magistrats et fonctionnaires nécessaires au fonctionnement des juridictions. Il convient que l’indépendance totale des magistrats soit garantie. Il convient enfin que soit entreprise une politique permettant un véritable accès pour l’ensemble des justiciables à une défense de qualité, par le relèvement des plafonds de revenus ouvrant droit à l’aide juridictionnelle, par l’abrogation de l’ensemble des taxes frappant l’action en justice et par l’établissement d’une véritable rémunération des professionnels en charge de l’assistance des justiciables au titre de l’aide juridictionnelle.

Face à cette nécessité, la droite poursuit ses envolées sécuritaires, en rivalisant avec l’extrême droite de surenchères démagogiques, en proposant uniquement la création de 20 000 places de prison supplémentaires, le transfert au parquet sous la dépendance du pouvoir de l’essentiel de l’exécution des peines. Elle maintiendra les juridictions dans le dénuement dans lequel elles se trouvent aujourd’hui et continuera à rendre inaccessible la justice à une part croissante de la population.

Le candidat du Parti socialiste à l’élection présidentielle se contente, quant à lui, de proposer de créer, pendant la durée de son quinquennat, 5 000 postes au sein de la justice, de la police et de la gendarmerie et d’établir de nouveaux centres éducatifs fermés pour les mineurs. Même si l’ensemble des postes créés était affecté à la justice, la France ne disposerait toujours pas d’une justice digne de ce nom et resterait très en deçà des moyennes européennes.

En définitive, parmi les forces politiques concourant à l’élection présidentielle et aux élections législatives, seul le Front de gauche a pris la mesure de l’état dans lequel se trouve le service public de la justice. Le Front de gauche relève à juste titre dans son programme que le «  ministère de la Justice est l’un des premiers sinistrés de la RGPP  ». Il propose de protéger la justice, au même titre que d’autres services publics essentiels comme notre patrimoine commun assurant les conditions de l’égalité et de la citoyenneté. Il est le seul à proposer de fournir à la justice de véritables moyens. La justice est rendue au nom du peuple français et ne peut continuer à être le service public le moins accessible à la population. C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des citoyens à voter pour les candidats du Front de gauche à l’élection présidentielle et aux élections législatives.

Pour vous joindre à cet appel  : 
www.placeaupeuple2012.fr/avocats/

Premiers signataires : Aboulkheir Michaël, Amara-Lebret Noura, Amari Ouria, Baudouin Philippe, Baumgharten Christophe, Beauvais Nadège, Beckers Maude, Bernier Thiphaine, Boulanger Gérard, Blindauer Ralph, Borgel Delphine, Carlus Gaétane, Chartier Frédérique, Chaudon Philippe, Collet Laurent, Crosnier Perrine, Curt Céline, Delprez Daniel, Djebrouni Leila, Dumoulin François, Elbaz Galina, Fombaron Amandine, Galaup Elsa, Garcia Antoine, Garrido Raquel, Gayat Emmanuel, Giacomo Jean-Toussaint, Gourinchas Fabienne, Grégoire Valérie, Gruumbach Tiennot, Jonquet Anne, Jorquera Flavien, Jele Nokukhanya, Kaldor François, Koenig Erika, Lechavelier Emmanuelle, Liger Didier, Madelennat Elsa, Magnon Nadège, Metin David, Moysan Christophe, Noguères Dominique, Pariente Hervé, Plet Myriam, Porcheron Sapho, Roulette Patrick, Roulette Thierry, Stambouli Mylène, Tamet Yves, Tourniquet Hervé, Usseglio-Chevalier Yvette, Weyl France, Weyl Frédéric, Weyl Roland, Zolty Serge, Zoughebi Delphine.


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