Hollande peut-il faire perdre Mélenchon ?

vendredi 20 avril 2012.
 

C’était, en forme de blague, sans doute, la bonne question posée la semaine dernière en première page de Charlie-Hebdo. Je dis en forme de blague parce que Charlie est un titre « satirique ». Sa une a pourtant ce mérite de retourner cette autre question, très en vogue éditoriale depuis le retour de la bande à sondeurs : « Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? » qui n’est pas une blague, mais une autre façon de réveiller le « vote utile » cher au candidat tortue Hollande, toujours taiseux à une semaine du terme, tandis que le candidat lièvre Sarkozy, en passe de nous péter une durite dans la « dernière ligne droite », sait déjà trop bien qu’il ne reviendra pas.

« Mélenchon peut-il faire perdre Hollande ? » tiens, c’est simultanément le titre de l’éditorial de Marianne que signe Jacques Julliard, toujours malin comme un singe, lui… On lira ici le terme malin dans son acception de vicieux,comme l’atteste ce paragraphe où l’auteur, faisant question et réponse à la fois, littéralement, joue au con(comme dans l’étrange expression « Abstention, piège à cons ! » ). Citons : « Mais ne seriez-vous pas en train de nous appeler en catimini au "vote utile" ?

« - Et comment ! Mais pas en catimini, au grand jour ! Voudriez-vous par hasard que j’appelle au vote inutile ? Ne trouvez-vous pas qu’en matière de vote inutile, la gauche, depuis une vingtaine d’années, a assez donné ? »

Pour entendre ce bon vieux Julliard, qui nous expliqua longuement dans ces pages et une tribune remarquée, voici une paire d’années, que « l’anti-sarkozisme n’est pas un programme » (Ben… si, un, peu quand même, Jacques…), il faut nier l’arithmétique jusque dans ses évidences. Redire donc que lorsque Hollande perd deux points d’intention de vote et que Mélenchon en gagne quatre, la gauche en gagne deux. Sauf bien sûr à imaginer que les voix du Front de gauche ne se reporteraient pas sur le candidat de gauche le mieux placé, comme le veut la règle que Cohn-Bendit regarde comme l’expression d’une « nostalgie » - une nostalgie « sympa », ajoute sa camarade parachutiste Cécile Duflot, « un petit shoot de Louise Michel », précise à l’unisson Thomas Legrand, éditorialiste sur France-Inter… (1)

Les Bastille tombées, la Commune de Paris, le droit à la retraite après avoir sué de la plus-value durant quarante années, l’augmentation du Smic, tout ça bon à jeter aux chiens du capital et aux calculettes éditorialistes ! Est-il devenu si Julliard, Cohn-Bendit, qu’il puisse sans sourire susurrer mardi dernier au Monde que « la montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon fait bien l’affaire du président sortant » ?

Mais pour qui nous prennent-ils, eux qui simultanément nous qualifient de « rêveurs » et ne nous prêtent d’autre ambition électorale que de finir « troisième homme » ? Ignorent-ils que, si nous savons construire des châteaux en Espagne, nous savons aussi y identifier une crise, qu’elle est plus devant nous que derrière, et que, pour nous y confronter, nous savons compter « le coût du malheur aussi bien que le prix du bonheur », pour citer le candidat du Front de gauche ? Quelle foi ont-ils en leur propre démocratie, et quelle ambition, tous ceux qui nous soufflent à l’oreille que, « tant qu’à voter Hollande au second tour, pourquoi ne pas le faire dès le premier » ? Nous en croisons tous les jours, auxquels sans cesse il faut redire que, en votant en 2002 pour Lionel Jospin dès le premier tour, nous n’avons pas cherché, dans sa défaite du second, d’autre responsable que lui-même.

C’est pourquoi nous voterons le 22 pour le Front de gauche, en sachant que, si nous devions nous résoudre à passer par le vote Hollande au second tour de mai, nous le ferions sans états d’âme, parce que notre détestation de Nicolas Sarkozy et de tout ce qu’il représente est sans pareille - et supérieure, sans aucun doute - à celle de tous nos raisonnables donneurs de leçons de pragmatisme électoral. Nous le ferions sans illusions ni excessif enthousiasme, bien conscients de la rigueur et de l’austérité que le libéralisme du PS nous prépare. Ainsi, avant de nous confronter au chantier législatif, finirions-nous le boulot présidentiel dont l’essentiel aura été fait, qui consista à nous permettre de voter librement en mettant de façon décisive la Pen hors-jeu.

En ce sens, Charlie, la raison définitive pourquoi Hollande ne pourra faire perdre Mélenchon, c’est que Mélenchon a déjà gagné.

Pierre Marcelle


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message