Santé « Le devoir d’efficience est remplacé par la recherche de la rentabilité »

mercredi 18 avril 2012.
 

Le CHU de Toulouse a présenté un « plan performance anticrise » dans lequel est visée la pertinence des soins. Qu’est-ce que cela vous inspire, sachant que ce projet s’inscrit dans un schéma de maîtrise des coûts  ?

André Grimaldi. La pertinence des soins n’est pas un gros mot. Améliorer l’efficacité de l’hôpital, c’est un devoir en médecine, parce que si l’on gaspille, on enlève des moyens destinés à d’autres patients. C’est inscrit dans notre Code de déontologie  : nous devons le juste soin, c’est-à-dire faire tout ce qui est nécessaire pour un malade, au juste coût. Ne pas gaspiller, c’est donc un principe éthique, mais certainement pas de rationalité économique. Or on mélange les genres et on ne cesse de nous dire qu’il faut être rentable. Mais être rentable et ne pas gaspiller, ce n’est pas la même chose. C’est pourquoi, au vu des besoins de santé qui augmentent, il faut une régulation qui soit transparente. Aujourd’hui, comment peut-on justifier des différences de 1 à 3 sur certains actes  ? Vous pouvez multiplier les échographies, les endoscopies, sans justification autre que de gagner de l’argent. La question de la pertinence des soins est donc bien essentielle, mais elle ne doit pas être corrélée aux considérations financières au sens de la rentabilité.

Le juste soin au juste coût, d’accord, mais dans les logiques libérales actuelles, il est surtout question de rentabilité avant tout  ?

André Grimaldi. Nous sommes 
en effet arrivés à un point de rupture idéologique où le devoir d’efficience (le juste soin au moindre coût) a été remplacé par la recherche de la rentabilité. Les hôpitaux sont entrés dans une logique marchande et se mettent à développer une politique clientéliste calquée sur celle des cliniques privées. Ce que cette orientation oublie, c’est que les médecins ne sont pas des gestionnaires de la rentabilité.

Peut-on craindre une dérive 
à l’anglaise, avec tri des patients 
à la clé  ?

André Grimaldi. Heureusement, 
nous ne sommes pas encore 
dans la situation de la 
Grande-Bretagne, où l’on 
calcule le coût d’une année de vie  : là-bas, le système de santé a fixé un montant au-delà duquel une intervention est considérée comme trop coûteuse par rapport aux bénéfices en soins de santé 
qu’elle génère. Nous ne sommes 
pas encore dans ce rationnement 
des soins, mais bel et bien dans l’inégalité de santé  : par le biais 
des dépassements d’honoraires, 
des délais d’attente dus au manque 
de personnel, de la logique inflationniste de la T2A (tarification 
à l’activité) qui fait augmenter l’activité mais sans faire gagner d’argent aux établissements, vu que les tarifs baissent. Le tout, systématiquement, sur le dos des personnels qui, partout, sont au bout du rouleau.

Entretien réalisé par Alexandra Chaignon ? L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message