Tunisie 21 février 2012 : Quand les "islamistes modérés" d’Ennahdha attaquent des bureaux syndicaux

mercredi 8 novembre 2017.
 

1) Réaction aux attaques portées à l’encontre de l’UGTT

MEETING DE SOUTIEN A l’UGTT

Jeudi 1er mars 2012 à 18h

À la bourse de travail de Paris 3, rue Château d’eau salle Jean Jaurès

métro République

L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) subit depuis quelques jours des attaques des milices intégristes et des salafistes ayant eu pour cibles les locaux de la centrale syndicale à travers le pays dont le siège national à Tunis.

L’UGTT considère que l’objectif poursuivi par ces « agressions orchestrées et systématisées contre l’intégrité de la plus ancienne des organisations de la société civile tunisienne » est de nuire à la centrale syndicale, de ternir son image aux yeux de l’opinion publique de jeter le discrédit en l’accusant de bloquer l’économie du pays par son soutien aux mouvements sociaux.

Les attaques contre la centrale syndicale ont commencé à la suite de la grève générale des agents municipaux, par des dépôts d’immondices devant les locaux syndicaux puis par des tentatives d’incendie, de mise à sac et de dégradations des sièges des ses sections locales et régionale de Fériana, Le Kef, Kairouan, Monastir et Menzel Bouzelfa. L’UGTT est pleinement dans son rôle, celui de défendre les droits des travailleurs et travailleuses tunisien(ne)s dans leur lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Le lui reprocher relève d’une volonté d’étouffer l’action syndicale dont elle est le garant.

L’U.G.T.T. a dénoncé ces dérives et a « averti contre les dangers de monter l’opinion publique contre l’U.G.T.T. par certaines parties au pouvoir qui visent à instaurer une nouvelle dictature dans le pays et à tous les niveaux ». Ces attaques constituent une mise en cause du droit de grève, droit constitutionnel, et de la lutte des travailleur(se)s pour l’amélioration de leur condition et en vue de la satisfaction de leurs revendications légitimes.

Ces attaques contre l’UGTT font partie d’un processus et ont été précédées par des campagnes médiatiques de déstabilisation subies par la centrale syndicale depuis le 14/01/2011 et des agressions répétées des journalistes, des médias, d’universitaires, des intellectuels, des organisations démocratiques et de mise en cause du droit de manifestation. Cela montre la volonté délibérée des forces de la contre révolution de saboter le processus démocratique issue de la Révolution tunisienne et de mettre en cause les acquis du peuple tunisien.

Il n’y a plus de doute, ces agressions systématiques des forces du progrès et de la démocratie ont pour seul objectif la mise au pas du peuple tunisien et de la société civile démocratique et en particulier l’UGTT,.

Nous, signataires :

 Dénonçons le silence assourdissant du gouvernement et certains de ses composantes qui se rendent complices et comptables de la dégradation du climat social et politique dans le pays.

 Exigeons l’arrêt des agressions contre l’UGTT et demandons le respect de toutes les formes d’expression démocratique en Tunisie.

 Nous exigeons aussi le respect des libertés fondamentales et particulièrement la liberté syndicale dont le droit de grève fait partie intégrante et la liberté d’expression.

 Demandons aux pouvoirs publics d’assumer leurs responsabilités et de protéger les syndicalistes de l’UGTT des attaques de ces milices aux ordres de la contre révolution qui veut la saborder.

Premiers signataires :

ADTB/Belgique – ADTF – ATF – Collectif des femmes tunisiennes – Collectif Tunisie 80 – Comitato Immigrati Tunisini in Italia – CRLDHT – Dynamique Citoyenne des Tunisiens à L’Etranger (DCTE) – Ettajdid/France – Ettakatol/France – FTCR – MCTF – MOPAD/France – PCOT/France – PDP/France – PTT/France – UTIT-IdF – WD 15 –

Avec le soutien de :

Les Alternatifs – ATMF – CEDETIM/IPAM – FASE – PCF – PG – PSU/Maroc – Sortir du Colonialisme – Union Syndicale Solidaires –

MEETING DE SOUTIEN A l’UGTT

Jeudi 1er mars 2012 à 18h

À la bourse de travail de Paris 3, rue Château d’eau salle Jean Jaurès

métro République

En présence d’un dirigeant de l’U.G.T.T

2) Ennahdha n’est pas un parti démocratique

Plusieurs locaux du syndicat tunisien UGTT ont fait l’objet de dépôt de déchets ménagers, saccages et incendies (dont le siège de Fériana, une commune de la wilaya de Kasserine, dans le Centre tunisien) ces 20 et 21 février. Le secrétaire général du bureau régional du travail de Kasserine affirme qu’un groupe de militants appartenant à Ennahdha sont venus le matin au siège du bureau syndical pour protester contre la grève des agents communaux, puis se sont dirigés vers le bureau du secrétaire général, l’ont obligé à sortir avant d’incendier son bureau.

La fréquence et la périodicité ainsi que la cible de ces actes et leur coïncidence avec la grève des agents communaux font penser qu’il s’agit de bien plus que d’incidents passagers.

A travers l’UGTT, c’est la mobilisation sociale persistante dans l’ensemble du pays qui est visée. Une mobilisation qui, un an après la chute de Ben Ali, met en lumière l’incapacité du pouvoir de répondre aux revendications qui ont été à l’origine du processus révolutionnaire initié en décembre 2010.

Sur leurs sites et page facebook, les syndicalistes et les militants reçoivent quotidiennement des menaces de mort. Récemment, devant l’Assemblée Constituante, Sadok Chourou un des leaders du parti Ennahdha , s’est basé sur un verset du Coran pour légitimer tout acte de violence qui pourrait être commis par le gouvernement et a incité ce dernier à mettre fin aux grèves et sit-in observés par la force, en avançant que les organisateurs des grèves et des sit-in sont des ennemis du peuple et du gouvernement : « Tuer, crucifier, couper une jambe, couper une main… » Coïncidence ? Une semaine auparavant, un professeur de technique, enseignant au collège de Séjenane âgé de 50 ans et père de famille, militant syndicaliste et membre du parti Al Watad est retrouvé pendu, les mains liées. Il avait reçu des menaces de mort « s’il n’arrêtait pas de consommer de l’alcool »…

Ces actes ajoutés à toutes sortes de provocations, comme la récente tournée de Wajd Ghenim, ce prédicateur égyptien qui incite à la haine, à la violence, au terrorisme, à la polygamie et à l’excision des filles et son accueil avec honneur par les chefs d’Ennahdha, malgré un large mouvement de protestation, sont pour rappeler que Ennahdha n’est pas un parti démocratique, même si se parti s’efforce d’adopter un discours plus au moins « acceptable ».

Le Bureau Exécutif de l’UGTT, dans une déclaration datée du 21 février 2010, condamne ces attaques et agressions. Le bureau dénonce fermement les partis au pouvoir, Ennahdha plus précisément, et leurs incitations persistantes contre l’UGTT. Selon le Bureau Exécutif de l’UGTT, ces partis projettent d’« installer une nouvelle dictature » dans le pays. Il appelle toutes les structures de l’UGTT à rester vigilantes et mobilisées pour défendre leur syndicat et le droit syndical plus que jamais menacé.

Les organisations de masses, les associations de femmes doivent plus que jamais rester mobilisées et vigilantes pour défendre leurs acquis et aller encore plus loin dans leur lutte.

Farid Khalmat

3) Quand l’UGTT brûle, c’est la Tunisie qui brûle ! (par Héla Yousfi )

« Quand Mohammed Bouazizi s’est immolé le 17 décembre 2011, le premier réflexe que nous avons eu est de nous réunir devant le local de l’UGTT, les syndicalistes nous ont rejoint et tous les jours nous nous sommes réunis à l’UGTT pour organiser les mobilisations et c’est du local de l’UGTT que partaient toutes les manifestations » commente un jeune de Sidi Bouzid. « Le local de l’UGTT, c’est ma « zaouia », j’ai participé à tous les rassemblements qui ont eu lieu à Place Mohammed Ali Hammi en janvier, à chaque fois que je repasse devant cette Place je suis émue et en même temps je me sens bien rien qu’à l’idée que cette place existe, que l’UGTT existe » évoque une avocate. « Les locaux de l’UGTT sont sacrés et ce depuis la période coloniale, aucun pouvoir n’ose toucher à celles et à ceux qui prennent refuge à l’UGTT » explique un syndicaliste de Sfax . Le slogan « Je t’aime mon peuple », cette phrase culte de Farhat Hached a été systématiquement scandée dans les manifestations ayant entraîné la fuite de Ben Ali.

Le 20 février 2012, suite à la déclaration de l’UGTT selon laquelle Ennahdha serait derrière le dépôt des ordures devant son local à Tunis, plusieurs locaux de l’UGTT, ces endroits sacrés pour une bonne partie des Tunisiens, ont été attaqués dans plusieurs régions. Ironie du sort ces attaques ont été déclenchées à la suite d’un conflit autour de la régularisation de la situation des « employés des municipalités », une des catégories sociales les plus démunies en Tunisie à qui l’on doit le déclenchement de la Révolution et à qui l’on doit la liberté dont on jouit maintenant.

Pourquoi attaque-t-on l’UGTT ?

Ces attaques ne sont pas les premières dans leur genre. La campagne visant l’UGTT n’a pas commencé maintenant avec « Ennahdha » (désignée officiellement coupable par le bureau exécutif de l’UGTT). Pour rafraîchir la mémoire, il faut rappeler la campagne systématique de dénigrement dont le syndicat a été l’objet et ce dès le lendemain du 14 Janvier 2011. Souvenons-nous de la campagne « Jrad dégage » visant à faire l’amalgame entre une direction plus que critiquable et une organisation historique, pilier de l’histoire tunisienne.

N’oublions pas la campagne médiatique pendant les gouvernements Gannouchi et Essbssi imputant à l’UGTT la responsabilité de la crise économique et l’anarchie dans le pays. Une campagne que l’on aurait aimé aussi vigoureuse à l’encontre des corrompus qui ont pillé le pays et qui se baladent encore en toute impunité. Ne se souvient-on pas que les mouvements sociaux et ce depuis 2008 ont été systématiquement criminalisés consciemment, ou dit-on parfois “par erreur”, par les partis au pouvoir d’hier comme ceux d’aujourd’hui ? Les plus sceptiques ou les plus critiques à l’égard de l’UGTT ont répondu hier comme aujourd’hui, que l’UGTT serait manipulée et instrumentalisée par la bureaucratie syndicale à des fins purement partisanes, méprisant ainsi les quelques milliers d’adhérents de l’UGTT qui ont élu démocratiquement leurs représentants.

La régularité de ces attaques pose plus fondamentalement la question du rapport que les élites politiques, toutes tendances confondues, entretiennent avec les questions sociales et économiques.

Outre l’incapacité à réaliser une rupture avec les anciens réflexes de l’ancien régime dans son attitude vis-à-vis des mouvements sociaux, la dernière campagne électorale à bien mis en évidence qu’il y a une véritable difficulté à intégrer la question sociale et économique au cœur du débat politique et à l’articuler aux projets politiques proposés.

Mais alors pour quelles raisons attaque t-on l’UGTT ? Pour quelles raisons l’UGTT suscite t-elle tant de passions ?

Pour tenter de répondre à ces questions, il est important de situer la place de l’UGTT dans le paysage politique tunisien. L’UGTT est la première organisation nationale après l’armée. L’UGTT en dépit de l’ambivalence que la bureaucratie syndicale a toujours entretenu avec le parti unique et ce depuis l’époque coloniale, est le seul contre-pouvoir organisé dans le pays.

C’est la seule structure intermédiaire dans le pays qui grâce à ses sections fédérales et régionales- qui sont souvent restées à l’abri de la domination des régimes en place- a permis de donner une expression politique aux mouvements sociaux spontanés déclenchés à différents moments de l’histoire tunisienne. Un rempart qui souffre certainement de plusieurs dysfonctionnements comme la centralisation du pouvoir décisionnaire ou encore la faible représentation de certains secteurs ou certaines régions. Cependant, ce rempart est le seul qui existe encore contre le risque de domination totale de l’élite gouvernante économique et politique.

L’UGTT est également la seule organisation proche des couches populaires et le seul barrage contre le projet libéral de la classe gouvernante toutes couleurs politiques confondues. Les partis politiques de l’opposition d’hier comme ceux d’aujourd’hui sont censés incarner une force de proposition alternative, se cherchent encore et sont en phase de reconstruction, et sont malheureusement souvent déconnectés du mouvement social. En attendant, l’avènement de forces politiques fortes garantes d’un pluralisme politique, en attendant de réinventer ou de reconstruire les espaces d’action collective que les dictatures précédentes ont confisqué, l’UGTT reste pour l’heure la seule force organisée. Attaquer l’UGTT, c’est attaquer la seule force d’équilibre dans le pays.

Pourquoi le local de l’UGTT est sacré ?

Au-delà de ces enjeux politiques, la place de l’UGTT est un endroit sacré pour une bonne partie des tunisiens comme peuvent l’être les mosquées, les églises ou les synagogues.

L’UGTT est sacrée car ses symboles, tels que Farhet Hached, Ahmed Tlili et Mohammed Ali Hammi, constituent notre identité nationale.

Le local de l’UGTT est sacré parce qu’il a toujours été le refuge face à la répression des différents régimes au pouvoir.Le local de l’UGTT est sacré car c’est le seul endroit où tous les tunisiens de toutes tendances politiques peuvent coexister. Le local de l’UGTT est sacré car c’est le seul espace où toutes les couches sociales, de l’éboueur au médecin, peuvent encore se parler. Attaquer ce symbole c’est attaquer sérieusement les possibilités qui nous sont offertes de réinventer un espace politique à même de réguler les rapports entre différents groupes sociaux défendant des intérêts et des sensibilités politiques diversifiés. Attaquer l’UGTT c’est attaquer l’idéal de la Révolution « travail, liberté, dignité nationale ».

Attaquer l’UGTT c’est pousser à la radicalisation des positions et les commanditaires de ces attaques en sont parfaitement conscients. Il est du devoir du gouvernement et des représentants de l’UGTT de faire les investigations nécessaires afin de retrouver les auteurs de ces attaques.

Brûler les locaux de l’UGTT, c’est la Tunisie qu’on brûle. Farhat Hached a dit un jour : « Je t’aime mon peuple » et nous sommes plusieurs à dire « Je t’aime UGTT ».

http://www.europe-solidaire.org/spi...


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