Les falsifications de Christian Vanneste (Ian Brossat)

lundi 20 février 2012.
 

Le cas de Christian Vanneste et de sa croisade homophobe s’enrichit à mesure de ses provocations et de ses déclarations – dont la dernière est disponible sur le site d’inspiration catholique www.libertepolitique.com. Son argumentaire se précise, didactique, cultivant une caricature de discours intellectuel qui en rappelle d’autres, particulièrement nauséabonds. Au prétexte d’un éloge de la « vraie » famille, celle qui a des enfants et qui en fait le plus possible, il s’attaque très violemment aux homosexuels, évoquant « la fameuse légende de [leur] déportation ». Après la simple homophobie, le négationnisme : le membre du collectif de la Droite Populaire n’a pas froid aux yeux, semble-t-il. Surtout, il choisit ses mots avec soin.

Car il les peaufine depuis longtemps. En 2005, Christian Vanneste qualifiait déjà en effet l’homosexualité de « menace pour l’humanité ». En 2009, il la liait au « narcissisme et l’individualisme rutilant de notre société ». Sur son blog, en 2010, il l’associait sans beaucoup de déguisement à la pédophilie. Au moment du rejet du projet de loi proposant de légaliser le mariage homosexuel, l’année dernière, le député du Nord affirmait que ce dernier était « une aberration anthropologique ». La posture se veut intellectuelle, raisonnable, voire scientifique, mais la haine et l’obsession sont là. Pour lui, toutes les familles ne se valent pas, comme il le dit, et il n’y a rien de comparable entre elles. Tout est là.

Christian Vanneste parle bien, et son discours parait construit et académique, enrobant ses amalgames et ses contre-vérités d’une langue impeccable et d’un sens certain de la formule. Les arguments se succèdent : économiques (la famille sans enfant contrevient à l’organisation du système des retraites), sociologiques (les homosexuels sont plus riches que la moyenne, « surreprésentés » dans la communication et la politique), philosophiques (il faut s’élever contre la culture du « moi », dont l’homosexualité, « narcissique », est révélatrice), historiques (la « légende » de la déportation des homosexuels). Ce faisant, il glisse d’un propos douteux à un amalgame, passe sans heurt – et sans se départir de son sourire – de la manipulation au négationnisme.

S’agissant des persécutions subies par les homosexuels avant et pendant le second conflit mondial, la condamnation est unanime. Le dérapage de Christian Vanneste en rappelle d’autres. L’articulation des arguments de l’élu UMP plagie en effet les vulgates antisémites, et rappelle, par son négationnisme raisonnable (qui admet la déportation des homosexuels, mais « seulement » en Allemagne), le trop fameux « détail de l’histoire » de Jean-Marie Le Pen, évoquant les chambres à gaz. Comme les antisémites avant lui, en effet, Christian Vanneste voit partout ceux qu’il combat, et surtout en politique et dans les médias.

Quelques jours après le tollé soulevé par les propos de Claude Guéant sur les civilisations, la droite française voit un autre de ses représentants flatter la France de l’obscur. Et on veut bien parier, car il n’est pas du genre à se démentir ou à se renier, que Christian Vanneste n’aura pas les mêmes protestations de bonne foi que Ministre de l’Intérieur. Pour tous ceux qui luttent contre les discriminations, ces déclarations sont une défaite et une consternation. Pour la mémoire des homosexuels déportés (français ou allemands, pour motifs d’homosexualité ou pour un autre motif, politique ou racial), c’est une insupportable insulte. L’homosexualité vue comme une « maladie » ? « Mortelle » pour la fécondité et la démographie ? Les homosexuels, des « asociaux » ?

Malgré les similitudes, ce n’est pas Christian Vanneste qui le dit, c’est Himmler en 1937. Justifiant la persécution des homosexuels, au motif classique d’un comportement « contre-nature » et d’une « rééducation » à opérer. des dizaines de milliers de personnes seront inquiétées, condamnées à la prison, ou déportées. Dans les camps de concentration, où ils portent un triangle rose, ces personnes seront constamment humiliées et très souvent torturées, parfois soumises à des expériences médicales. Tout en bas de la hiérarchie perverse des déportés, leur taux de mortalité fut l’un des plus élevés du système concentrationnaire. Et surtout longtemps passé sous silence, ce n’est qu’en 2008 qu’un mémorial sera inauguré à Berlin.

Les propos de Christian Vanneste ne relèvent pas de l’opinion. Ils s’inscrivent dans une rhétorique infernale, pseudo-scientifique et raisonnable, typique de tous les argumentaires de la haine et du bouc émissaire. A quelques mois d’élections présidentielles et législatives, les masques tombent. La motivation de celui qui considère que le Front National est « un parti comme les autres » est claire – même s’il embarrasse à la fois ses actuels partenaires et ceux avec qui il voudrait s’allier. La surenchère est évidente : en osant le négationnisme, le parlementaire franchit une étape supplémentaire. Si une chose est sûre, c’est la nécessité d’une mémoire à entretenir. Pour la dignité d’un passé autant que pour le combat contemporain contre les discriminations. Il faut relire les livres d’histoire – et ranger Christian Vanneste au rayon de ses falsificateurs.

Ian Brossat

Elu du 18è arrondissement, Ian Brossat est président du groupe communiste au Conseil de Paris. Militant de longue date, il a été élève à l’Ecole normale supérieur avant d’enseigner le français au lycée Jean-Jacques Rousseau à Sarcelles.


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