Une rentrée sociale en Janvier

vendredi 12 janvier 2007.
 

Les pauvres ne partent pas en vacances. Ceux qui ne mangent pas à leur faim sont peu sujets aux indigestions du réveillon. Pour eux, pas de trêve des confiseurs ! Pendant les fêtes, l’urgence sociale a continué son chemin. Elle s’est invitée dans le débat présidentiel avec les campements du Canal Saint Martin et la réquisition d’un immeuble vide place de la Bourse. Qu’elle s’exprime ainsi est la bonne nouvelle de l’année qui commence. Chaque fois que se dit l’urgence d’un autre partage de richesses par ceux qui en subissent le plus durement la dégradation constante, un horizon de combat, de rassemblement et d’émancipation se dessine pour la gauche et pour la société. Chaque fois que la question sociale est oubliée, occultée par le discours sécuritaire et la tentation de dresser les petits contre les plus petits qu’eux, c’est un boulevard qui s’ouvre pour l’extrême-droite.

Comme lors des émeutes en banlieue, la question sociale s’exprime avec une énergie inédite dans une des lignes de faille ouvertes par les coups de boutoir du libéralisme. La chaîne craque en ses maillons les plus faibles. Ce sont d’ailleurs de nouvelles formes et figures de lutte qui émergent. Dans le petit monde médiatique il est de bon ton de vanter l’habileté de leurs initiateurs. Ce vrai-faux compliment réduit leur succès à un bon tour. Mais ces militants sont aussi très jeunes, parfois naïfs voire maladroits. Leur réussite vient de plus loin qu’une opération bien menée.

Leur force repose d’abord sur leur capacité à susciter l’implication citoyenne. Les enfants de Don Quichotte rompent avec l’indifférence tranquille et quotidienne qui devient une condition de tranquillité personnelle dans ce système où chacun enjambe des SDF comme si cette question ne le concernait pas. Elle y oppose un moyen d’agir et de s’impliquer. Belle leçon pour la gauche ! Mille discussions d’arrière-cafés enfumés ne seront pas parvenues à remettre la question sociale au premier plan. Le campement du canal Saint Martin l’a fait. Sans implication populaire et personnelle, l’action politique est impuissante.

En retour, la réussite de ces mouvements les confronte à la nécessité du débouché politique. Les enfants de Don Quichotte sont en ce moment même aux prises avec cette difficulté. En interpellant les pouvoirs publics, ils ont ouvert une discussion avec le gouvernement qui leur propose un plan de mesures. Peut-on lui faire confiance ? Faut-il oublier ses soutiens patronaux, son orientation libérale et son bilan de casse des droits sociaux ? Cela implique donc de porter un jugement politique. Mais peut-on faire confiance pour autant aux partis de gauche ? Sur quelle base ? Et faire confiance à personne ? Mais quelle est alors l’utilité d’une démarche qui consiste à interpeller les pouvoirs publics pour qu’ils agissent ?

La revendication du droit au logement opposable, que PRS avance dans son manifeste adopté en avril 2006, pose que la République ne peut se contenter de proclamer des droits souhaitables mais que sa raison d’être est de les réaliser. C’est la même démarche que celle de Jules Ferry faisant voter l’école laïque, gratuite et obligatoire pour tous, ce qui permet à tout parent qui verrait refusée la scolarisation de son enfant d’attaquer l’Etat en justice. Il fallut ensuite quelques années, beaucoup d’efforts et de détermination pour mettre cette loi en œuvre.

Le droit au logement opposable implique de même un service public du logement, la remise en cause de la spéculation foncière en revenant sur le statut des sols, le refus de la suprématie du marché dans la fixation des prix des loyers... Proclamer le droit au logement opposable, c’est affirmer que l’intérêt général doit s’imposer face à la conjonction d’intérêts privés qui conduit à l’existence de 100 000 sans abris et trois millions de mal logés dans notre pays. C’est donc ouvrir un champ de confrontation considérable avec les forces du capital.

Les tâches d’un militant politique républicain et socialiste sont donc multiples. D’abord s’impliquer, participer à la lutte sans laquelle rien ne se fera. Ensuite, contribuer à la mobilisation et à l’éducation populaire des pauvres qui redressent la tête. L’Amérique Latine montre ce que cela peut libérer d’énergie populaire contre le système libéral. Ca l’est aussi dans le cadre de la course de vitesse contre l’extrême droite. Il faut donc expliquer que le mal logement ne tombe pas du ciel, que ses victimes n’en sont pas les responsables, pas plus que les immigrés, mais qu’il est directement lié à un régime d’accumulation qui permet à certains de concentrer la richesse même si c’est au prix de la marchandisation des moyens essentiels de la vie et de la généralisation galopante de la pauvreté. Notre tâche est enfin de déterminer les moyens effectifs qui assureront le droit au logement. Cette méthode s’impose sur tous les fronts de l’urgence sociale en cette année présidentielle. Rien ne pourra être fait par la gauche et de gauche sans la mobilisation consciente et éclairée de la société contre la puissance coalisée de tous ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change.


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