Traité budgétaire européen : Non à l’austérite ! Vite un référendum !

jeudi 2 février 2012.
 

L’événement politique de cette session parlementaire c’était le vote d’une résolution concernant le futur nouveau traité européen. Je ne reviens pas à cet instant sur son contenu qui durcit les critères d’austérité et les rend constitutionnels dans chaque pays. Il est en cours de négociation entre les représentants des gouvernements des Etats membres. Il faut connaître la procédure pour apprécier tout le piège de ces sortes de résolutions présentées en commun par plusieurs groupes politiques qui sont pourtant censés être différents. La rédaction de ces résolutions se déroule de la façon suivante. Chaque groupe rédige d’abord la sienne. Puis les groupes négocient une résolution commune. Ce texte est alors signé par ceux des groupes que le compromis satisfait. Au moment du vote on commence par ce document commun. Il est adopté et alors tous les autres textes tombent sans être soumis au vote. Cette fois-ci il y a eu une variante. Beaucoup étaient déjà d’accord avant même la phase du compromis. La droite (PPE), les libéraux démocrates (ALDE), les sociaux-démocrates (SD) et les verts (Verts/ALE) proposaient chacun une résolution en tous points identique. Curieux, non ? Interloqué, le délégué de mon groupe a tout de même voulu se rendre à la réunion de négociation de la résolution commune. En vain. Il n’y en avait pas. La droite, les socialistes, le centre et les verts lui ont aimablement expliqué que tout était déjà arrangé entre eux ! La résolution commune de la droite, des sociaux-démocrates et des verts n’a bien sur rien de commun avec celle que nous avons rédigée au groupe GUE/NGL.

Dans leur texte, pas de dénonciation de la « règle d’or » renforcée que ce traité impose « de préférence au niveau constitutionnel ». Leur problème n’est pas le contenu « austéritaire » du traité. C’est le fait que ses « objectifs essentiels peuvent être atteints de manière plus efficace grâce à des mesures prises en vertu du droit de l’Union », via la méthode communautaire. Ce charabia signifie que le même résultat peut être obtenu sans que les Etats aient besoin de le négocier eux-mêmes car tous ces gens détestent l’intervention des Etats. Leur texte appelle à la mise en place d’une union budgétaire. Il déclare que la discipline budgétaire est « la base de la croissance durable ». Ah les bons élèves du libéralisme ! Ils appellent même les dirigeants de l’Europe à « mettre en œuvre des actions énergiques ». Ils demandent par ailleurs explicitement que le nouvel accord comporte « sous une forme juridiquement contraignante, un engagement des parties prenantes à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans un délai maximal de cinq ans, l’accord sera intégré en substance dans les traités ». Autant de propositions que je dénonce. Mais il y a pire : nulle part, vous entendez, nulle part ils ne demandent qu’un tel traité soit soumis à la décision du peuple. Pas une fois les mots « consultation populaire » ou « référendum » n’apparaissent dans leur texte.

C’est tellement gros que même les socialistes français ont eu du mal à avaler. Mais leur courage et leur indignation n’a pas été plus loin qu’une molle abstention. Comme on le devine, avec mes camarades du Front de Gauche, Jacky Hénin, Marie-Christine Vergiat, Patrick Le Hyaric et Younous Omarjee, nous avons voté contre cette résolution. La droite a voté pour. La délégation socialiste française s’est, elle, contentée de s’abstenir. Quant à la délégation d’EELV, elle a réparti ses votes entre le pour et l’abstention. Honteux ! Vous pouvez retrouver la liste des votes sur le site du Parlement européen. Voici mon explication de vote : « Cette résolution commune de la droite, des sociaux-démocrates et des verts marque l’accord de ceux-ci avec le fond du traité en cours de négociation à savoir l’imposition d’une règle d’or renforcée. Cette règle astreint les Etats à avoir des budgets à l’équilibre ou en excédent et à tendre pour cela vers un chiffre de référence : 0,5% du PIB nominal de déficit structurel. Elle les oblige à graver de préférence ce diktat dans le marbre de leur constitution. Elle exige qu’ils mettent en place des mécanismes automatiques de "corrections" de leurs politiques budgétaires suivant les indications de la Commission. Loin de s’inquiéter de telles mesures, les quatre groupes signataires se bornent à réclamer leur participation au processus de création du nouveau traité et l’intégration sous cinq ans de celui-ci dans le droit communautaire. Ils ne réclament pas même le droit pour les peuples de se prononcer par référendum sur ce nouveau tour de vis austéritaire. Je vote contre. »

2) Résolution de la GUE/NGL sur le Traité budgétaire : Non à l’austérite ! Vite un référendum !

Proposition de Résolution PE479.449 – B7-0012/2012 déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission conformément à l’article 110, paragraphe 2, du règlement sur les conclusions du Conseil européen (8 et 9 décembre 2011) sur un projet d’accord international relatif à une union pour la stabilité budgétaire (2011/2546(RSP))

Søren Bo Søndergaard, Jean-Luc Mélenchon, Miguel Portas, Marisa Matias, Kyriacos Triantaphyllides, Takis Hadjigeorgiou, Paul Murphy, Cornelis de Jong, Willy Meyer, Patrick Le Hyaric, Mikael Gustafsson, Nikolaos Chountis, Marie-Christine Vergiat, Ilda Figueiredo au nom du groupe GUE/NGL

La proposition de résolution

Résolution du Parlement européen sur les conclusions du Conseil européen (8 et 9 décembre 2011) sur un projet d’accord international relatif à une union pour la stabilité budgétaire (2011/2546(RSP))

Le Parlement européen,

– vu la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro du 9 décembre 2011,

– vu le projet de traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire,

– vu l’article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que le pacte budgétaire n’aborde pas les grands éléments ayant déclenché la crise, à savoir la libéralisation, la déréglementation et la dépendance excessive vis-à-vis des marchés financiers, les disparités macroéconomiques de plus en plus importantes au sein de la zone euro ainsi que l’imposition de politiques néolibérales ;

B. considérant que les mesures proposées par les chefs d’État ou de gouvernement ne font que s’inscrire dans une succession d’échecs politiques et que rien n’a encore été fait pour s’attaquer aux causes premières de la crise économique et financière, et notamment à la poursuite de la déréglementation de secteurs économiques essentiels ou aux disparités macroéconomiques de plus en plus importantes au sein de la zone euro ;

C. considérant que malgré ses effets dévastateurs, la dépendance vis-à-vis des marchés financiers n’a fait qu’augmenter depuis le début de la crise financière et que seuls le contrôle public des banques et l’octroi de prêts à taux réduit aux États membres par la Banque centrale européenne peut y mettre fin ;

D. considérant que le pacte budgétaire proposé enlèvera aux gouvernements démocratiquement élus des États membres toute possibilité de choix en matière budgétaire, qu’il privera les peuples d’Europe ainsi que les parlements nationaux de tout contrôle démocratique et qu’il mettra en place un mécanisme d’austérité permanente ;

E. considérant que dans toute l’Europe, les gouvernements ont accepté les diktats des marchés financiers en axant intégralement leurs politiques sur la satisfaction des marchés ;

F. considérant que les règles gouvernant l’euro sont énoncées dans les traités en vigueur et qu’elles ne peuvent être modifiées sans modifier ces traités ;

G. considérant que la crise de confiance entre les populations des États membres de l’Union et les institutions de l’Union ne fait que s’étendre et qu’elle entraîne une aggravation de la crise de la démocratie et de la légitimité à l’égard de l’Union ;

H. considérant qu’en raison de la politique menée par l’Union, la population perçoit de plus en plus l’Union comme une menace pour son bien-être économique et social, comme une source d’insécurité croissante pour son emploi et ses revenus, comme une instance qui encourage l’inégalité et l’injustice ainsi que comme un obstacle à une véritable démocratie, ce qui risque d’aggraver le repli nationaliste, d’exacerber les idées xénophobes et d’accroître le taux d’abstention aux élections, et notamment aux élections européennes ;

1. est d’avis que les mesures adoptées par le Conseil européen ne feront qu’aggraver la crise du capitalisme mondial ;

2. s’oppose vivement au traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire ainsi qu’aux modifications récentes apportées à l’architecture de l’UEM (gouvernance économique, semestre européen, pacte pour l’euro plus) ; estime que ces changements constituent la réponse néolibérale la plus réactionnaire, la plus antidémocratique et la plus extrême à la crise actuelle ;

3. dénonce le fait que le projet de traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire soit axé sur les mêmes instruments que ceux qui ont provoqué la crise et non sur une réorientation du développement économique de l’Union à 27 vers le plein emploi (avec davantage d’emplois de meilleure qualité), la croissance économique et sociale, la cohésion sociale (notamment la lutte contre la pauvreté, les inégalités de revenu et le chômage) et la protection de l’environnement et qu’en ignorant le rôle du Parlement européen et des parlements nationaux, il ne fait qu’accroître le déficit de légitimité démocratique des politiques actuelles ;

4. estime en outre que le projet de traité international institutionnalisera l’austérité et abandonnera le principe d’égalité démocratique des droits entre les 27 États membres, ce qui aggravera inévitablement la crise, menacera la niveau de vie de la majorité de la population de l’Union et augmentera les inégalités entre États membres tout en créant des clivages qui déboucheront sur une Union à plusieurs vitesses et, ce faisant, mettront en danger l’existence de l’euro, voire de l’Union même ;

5. souligne que le débat relatif aux solutions de sortie de la crise économique ne doit pas être laissé aux seules institutions de l’Union ou aux gouvernements des États membres, mais qu’il doit associer la société civile, les partenaires sociaux, les chômeurs et les autres catégories exclues des sociétés européennes ; appelle à un débat global entre les peuples d’Europe à propos de leurs attentes vis-à-vis de l’Union européenne et à propos de ses objectifs ;

6. estime que des engagements de l’ampleur de ceux que prévoit le projet de traité international passent obligatoirement par la consultation la plus large possible des populations par voie de référendums organisés selon les règles nationales ; souligne que ces référendums doivent être organisés sans ingérence politique de la Commission européenne ;

7. fait observer que toute modification de la constitution irlandaise passe par un référendum et qu’en vertu de celle-ci, les compétences budgétaires appartiennent au parlement et au gouvernement irlandais, ce qui oblige à modifier la constitution en cas de transfert de compétences budgétaires ;

8. est d’avis que les gouvernements des États membres où un référendum n’est pas possible doivent donner à leur population la possibilité de se prononcer sur la ratification de ce projet de traité par consultation populaire ;

9. souligne que toute modification future du traité sur l’Union européenne doit être adoptée selon la procédure ordinaire de révision des traités ; s’oppose à tout recours à la procédure accélérée ;

10. estime que la faculté d’adopter d’autres politiques économiques ou fiscales proposées par les partis politiques constitue un élément fondamental de la démocratie des États membres et que ce projet de traité international limitera considérablement la capacité des futures gouvernements élus à mettre en œuvre des politiques qui leur sont propres, non seulement en matière fiscale et économique, mais aussi dans le domaine social, de l’enseignement ou de la culture, et qu’il s’agit d’une menace fondamentale au principe de subsidiarité ;

11. s’oppose au transfert de nouvelles compétences par lesquelles la Cour de justice européenne et la Commission européenne peuvent s’immiscer dans la politique budgétaire des États membres ;

12. fait observer que les règles gouvernant l’euro sont énoncées dans les traités européens en vigueur et qu’elles ne peuvent être modifiées si ces traités ne sont pas modifiés ;

13. regrette la confusion politique et juridique qui entoure ce projet de traité international, et notamment le fait qu’aucun texte concret du projet de traité n’ait été publié ;

14. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux parlements des États membres.

1) « Traité européen » sur l’ « Union pour la stabilité budgétaire » Il faudra un référendum (Jean-Luc Mélenchon)

Au Parlement européen en ce moment, outre les travaux habituels, on vit au rythme des négociations du fameux « traité » sur l’ « Union pour la stabilité budgétaire » inspiré début décembre par le couple Merkel/Sarkozy. Les informations sur les négociations nous arrivent en anglais, via les députés de la commission parlementaire des affaires constitutionnelles. Trois membres de cette commission, deux de droite et un social-démocrate, ont été gracieusement conviés à la table des négociations. Mais seulement en qualité d’observateurs ! C’est trop mignon, non ? Mais les rédacteurs avaient-ils vraiment le choix ? Ce traité intergouvernemental prétend tout de même avoir pour vocation de s’incorporer dans le Traité de Lisbonne. Inviter trois pauvres députés européens sans aucun pouvoir décisionnel, histoire de faire démocratique, était donc un minimum. Il permettra aux habituels enthousiastes de service de mentionner au détour d’une phrase, avec cet air de componction satisfaite qui est le chic des eurolâtres, que « les parlementaires européens ont été associés ». Je me régale d’avance des griots médiatiques qui vont répéter ce bobard sans vérifier et que ce sera un bonheur de ridiculiser.

Le contenu du projet de traité change d’un jour sur l’autre. Mon équipe parlementaire tourne en bourrique. Il lui faut sans cesse comparer les textes anglais pour y repérer les nouveautés. Et moi je dois dire que mon emploi du temps ne m’invite guère à vivre au rythme de ce genre de palinodie. Je suis même plutôt très agacé de constater ce bazar ! Il y a des choses qui ne bougent guère cependant. Ainsi pour la règle d’or que ce traité veut imposer à tous les peuples des Etats qui le ratifieront. Celle-là ne change pas. « Les budgets des administrations publiques sont à l’équilibre ou en excédent en termes de recettes et de dépenses ». Voilà pour la règle. Elle est réputée respectée si vous restez dans les clous du Pacte de Stabilité (3% de déficit et 60% de dette). Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi que votre déficit n’excède pas 0,5% « en données corrigées des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ». Clair n’est-ce pas ? C’est le style de la maison. Ce charabia, c’est ce que les économistes appellent le « déficit structurel ».

Une notion floue qui n’a à ce jour aucune définition commune et partagée en Europe ! Elle est basée sur l’idée que certaines dépenses n’existent que du fait de la conjoncture du moment. Comme le coût du renflouement des banques par exemple. Ces dépenses-là ne doivent pas être comptabilisées avec le reste du déficit. Par contre les dépenses liées aux services publics ou à notre système de santé sont des dépenses structurelles. Elles doivent donc être réduites. Peu importe si de telles réductions alimentent la crise. Dans la logique de ce système, les dépenses qui seront alors faites pour éteindre le feu seront considérées comme "conjoncturelles" et donc non comptabilisées. Il est donc moins grave d’avoir à réparer des dégâts que de les provoquer. Je caricature à peine. Un calcul du "déficit structurel" des Etats est néanmoins réalisé régulièrement par les services de la Commission européenne. Celui de la France était estimé à 3,9% du PIB en 2011 par la Commission européenne. 3,9% du PIB ça représente 78 milliards d’euros. Pour rentrer dans les clous du nouveau traité (0,5%) ce sont donc 68 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées, soit près de 8 milliards de plus que le budget de l’Education Nationale. Notez tout de même que cette règle pourrait être revue. La ministre de l’Economie du Danemark, pays qui préside l’UE depuis le 1er Janvier, a en effet indiqué que son gouvernement était en désaccord avec la manière dont la Commission européenne calcule le dit "déficit structurel". Elle fait du zèle.

Autre constante dans les diverses versions du traité : l’obligation pour les Etats de « faire prendre effet (à la règle d’or) dans la loi nationale de façon contraignante et permanente, de préférence au niveau constitutionnel, de façon à garantir son respect dans le processus budgétaire national ». Notez que jusqu’à mardi de la semaine dernière, l’obligation de constitutionnaliser cette règle d’or était totale. Mais face au refus du Danemark de constitutionnaliser une telle règle, la formule de compromis emberlificotée que j’ai citée plus haut a été trouvée. L’idée reste la même : il s’agit de contraindre les parlementaires à se conformer à la règle. Un autre point qui ne varie pas est l’obligation de mettre en place un « mécanisme automatique de correction » en cas d’écart important de la règle. C’est-à-dire un mécanisme que personne n’aura le droit de contester dans aucune Assemblée Nationale. Dans la dernière version du traité, il est précisé que c’est la Commission qui concoctera le dit mécanisme. Elle fixera aussi le calendrier dans lequel les "corrections" devront être mises en œuvre par l’Etat. Toutes les versions du traité permettent aussi à la Commission de sanctionner financièrement les Etats membres de la zone euro ayant ratifié le texte. C’est une évolution car dans le fameux "6 pack", le « paquet gouvernance économique » entré en vigueur en décembre dernier, l’aval préalable du Conseil était requis. Au moins les Etats pouvaient faire semblant d’avoir encore un peu de pouvoir.

Le plus dur pour travailler ce texte, c’est ce qui change d’un jour sur l’autre. La première mouture du texte, sortie du chapeau de Monsieur Van Rompuy le 16 décembre dernier, prévoyait par exemple qu’à partir de sa ratification par 9 Etats membres de la zone euro, le traité puisse entrer en vigueur dans les Etats l’ayant ratifié. Vendredi dernier ce chiffre avait été porté à 15. Ce mardi il était tombé à 12. Ces variations ont le mérite de nous donner une idée du rapport de force en faveur de ce traité qui ne s’appliquera qu’aux Etats qui l’auront ratifié. Elles nous indiquent aussi à quelle pression auront à faire les peuples qui obtiendront la mise en place d’un référendum sur la ratification de ce traité. En France, la Constitution, en vertu de son article 11, permet d’organiser un référendum sur la ratification d’un traité « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Ce référendum, c’est notre affaire. Nous allons en faire la propagande dans les mois à venir. Et nous engagerons nos partenaires européens à faire de même partout où c’est possible.


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