Jean-Luc Mélenchon Quelle politique de santé ? Interview

jeudi 26 janvier 2012.
 

Seronet : En 2011, différentes mesures législatives ont été prises concernant la situation des personnes étrangères et tout spécialement celles qui sont malades qu’elles soient ou non en situation irrégulière. L’Aide médicale d’Etat (AME) a ainsi été largement réformée et le droit au séjour pour soins sévèrement attaqué. Que pensez-vous de ces décisions ?

J-L.M : Ces décisions sont contraires à toute logique de santé publique. La criminalisation de l’étranger est un leitmotiv des politiques de la droite directement repris au FN et à son travail pour nourrir la peur de l’autre. C’est absurde car microbes et virus ignorent la nationalité des personnes qu’ils frappent. Cette stigmatisation touche les personnes victimes du VIH/sida, qui se voient refuser le droit à la santé pourtant inscrit dans notre Constitution. L’argument économique mis en avant pour réformer l’Aide Médicale d’État (AME) est totalement fallacieux. C’est ce qu’a montré un rapport conjoint de l’Inspection générale des Affaires sociales et de l’Inspection des Finances que le gouvernement a d’ailleurs caché aux parlementaires alors qu’ils étaient en train de discuter de cette réforme ! Sans même parler du coût humain, économiser sur la prévention ou sur la prise en charge des soins d’une population, particulièrement des plus précaires, est toujours un mauvais calcul. L’accès tardif aux soins a des conséquences néfastes sur la santé des personnes et le coût est alors bien supérieur. Le VIH offre l’une des illustrations les plus parlantes de cette absurdité. Hélas avec la Droite populaire, le pire est toujours possible. Parmi les propositions défendues par les amis de Monsieur Vanneste [député UMP, membre de la Droite populaire, ndlr] on trouve le projet de « supprimer toute aide publique aux associations venant en aide aux étrangers illégaux » et celui de « la limitation de la durée d’accueil en hébergement d’urgence et de stabilisation ». Autant de mesures qui confinent à la barbarie car en refusant de soigner un être humain on dénie le fait qu’il est notre semblable.

Concrètement, quelles mesures préconisez-vous ?

J-L.M :Je m’engage à abroger les dispositifs restreignant l’accès aux soins. Il s’agira de revenir notamment sur le droit de timbre pour l’accès à l’AME. Mais aussi sur tous les dispositifs dont le cumul aboutit à faire supporter un reste à charge de 400 euros par an pour 20% des patients. Ce sont les plus malades qui sont les plus taxés ! Nous devons refonder l’ensemble du droit à la santé qui ne se fera pas sans implication des acteurs, des personnels, des associations comme des citoyens. Pour cela le Front de gauche se fixe l’objectif d’un remboursement à 100% des dépenses de santé couvertes par la Sécurité sociale. Il faudra aussi corriger les limites de la CMU, à commencer par les effets de seuil liés aux revenus. La santé n’est pas une marchandise, c’est un droit inaliénable qui doit être accessible à tous et toutes. Aujourd’hui, pour être soigné on doit présenter ses papiers, demain, si nous n’y prenons garde ce sera sa carte de crédit. Lutter pour le droit des étrangers à accéder aux soins, c’est lutter pour la santé publique de tous.

La réforme du droit au séjour pour soins aboutit aujourd’hui à la suppression de titres de séjour de personnes gravement malades, à des décisions de renvoi dans leurs pays d’origine. A diverses reprises, des médecins ont annoncé qu’ils continueraient de soigner les personnes victimes de cette mesure, y compris celles qui sont contraintes à la clandestinité. Que pensez-vous de cet engagement qui s’apparente à de la désobéissance civile ?

J-L.M :Le Front de Gauche s’est fortement mobilisé contre cette réforme et pour exiger le maintien du dispositif antérieur. En 1997, la loi Debré a intégré dans la législation la protection des étrangers gravement malades contre l’éloignement du territoire. L’année suivante, la loi Chevènement renforçait cette protection grâce à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire accordée à l’étranger, atteint d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité et vivant en France, qui « ne puisse effectivement bénéficier du traitement approprié dans son pays d’origine ». La réforme du ministre Eric Besson joue avec la vie humaine en renvoyant des malades à la mort et fait fi de la réalité de l’accès aux soins dans les pays dits « en développement ». La mobilisation de votre association a contribué à voir finalement la circulaire d’application accorder un peu de répit. Mais il faudra abroger cette loi dangereuse et injuste pour rétablir sa version antérieure car comme le rappelait le Conseil National du Sida, dans le cas de l’infection du VIH comme pour de nombreuses autres pathologies, « le problème n’est plus aujourd’hui celui de l’existence des traitements appropriés dans le pays d’origine mais celui de leur accessibilité ». Dans ces pays, l’accès aux soins et au suivi médical sont soit réservés à une oligarchie, soit dépendants des possibilités limitées des hôpitaux publics ou des associations. Lutter pour l’accès aux soins de toutes et tous implique de remettre en cause la répartition actuelle des richesses. Il faut saluer à ce propos les mouvements de lutte contre le sida souvent fondés par les séropositifs et leurs proches, qui se battent pour le meilleur accès aux soins possible. Leur mobilisation, souvent liée à d’autres mouvements sociaux, est celle de la dignité de personnes luttant pour le droit le plus élémentaire à la santé. Même si elle ne s’attaque pas directement aux pouvoirs financiers, elle participe de cette révolution citoyenne que nous voyons progresser, celle de la réappropriation du pouvoir par les citoyens et les peuples pour la conquête de nouveaux droits. Ces mobilisations contribuent à la prise de conscience à l’échelle planétaire de l’urgence de lutter contre l’inégalité devant l’accès aux traitements dans les pays du Sud mais aussi dans des « pays riches » tels les Etats-Unis où des millions d’habitants vivent sans protection sociale. L’universalisation de l’accès à des traitements à bas coût nécessite de remettre en cause les logiques de marché et de concurrence dans le domaine de la santé.

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