Les femmes viennent-elles de Vénus et les hommes de Mars ?

lundi 22 décembre 2014.
 

Peintre, réalisatrice, graphiste, militante du Parti de Gauche, Fatima Benomar est aussi blogueuse et engagée dans le combat féministe avec l’association Osez le féminisme. Sous la bannière commune du Front de Gauche elle s’engage dans cette campagne présidentielle pour que les femmes aussi prennent leur place.

Dans la lutte contre les rôles différenciés des femmes et des hommes dans la société, l’une des armes de la domination masculine est ce que Catherine Vidal, neurobiologiste, appelle le « déterminisme biologique ».

Il est d’autant plus important de nous pencher sur ses analyses que le patriarcat a lui-même tendance à invoquer la biologie pour justifier son modèle par des raisons naturelles – en particulier hormonales – arguant que l’homme serait fatalement amené à développer des comportements d’agressivité, de domination ou de compétitivité, tandis que la femme serait par nature fragile, soumise et dépendante de sa protection.

Ces thèses n’ont d’autres effets que d’apposer aux inégalités femmes/hommes un seing absolu, car si c’est Dame Nature elle-même qui est responsable de ce que les hommes occupent majoritairement des postes de pouvoir, cependant que les femmes font le choix « libre et non faussé » de rester à la maison pendant les congés parentaux, on aurait bien du mal à clamer notre prétention « contre-nature » à la parité ou à la mixité dans le monde du travail !

Les thèses de nos contradicteurs soutiennent en général que « l’espèce humaine vient de l’évolution ! » ou encore « Quand on regarde les animaux, les mâles dominent les femelles ! ». En l’occurrence, il existe une infinie diversité de comportement entre les mâles et les femelles parmi des millions d’espèces animales qui cohabitent sur terre. Surtout, l’être humain a quelque chose d’un peu particulier : il a un cerveau unique en son genre !

Le cortex cérébral (qui recouvre l’ensemble du cerveau humain) s’est tellement développé au fil de l’évolution qu’il a dû se plisser pour tenir à l’intérieur de la boite crânienne. En dépliant la bête, on s’aperçoit que sa surface est de deux mètre carré sur 3 millimètres d’épaisseur : cette surface est spécifique à l’humain, c’est dix fois plus que chez le singe, et c’est grâce à ce cortex cérébral que nous sommes capables d’échapper à tous les programmes biologiques, qu’il s’agisse du programme génétique ou de la loi des hormones. Il n’y a donc chez l’humain aucun instinct qui va s’exprimer à l’état brut, il n’y a ni instinct maternel, ni instinct féminin, ni instinct de domination. Toutes ces notions-là ne sont plus défendables car tout va être contrôlé par la culture.

Non, l’être humain n’est pas un rat ou une souris de 70 ou 100 kg. L’être humain, comme le disait François Jacob, est certes génétiquement programmé, mais il est programmé pour apprendre !

La question est plutôt de savoir s’il y a réellement des compétences typiquement féminines et des compétences typiquement masculines ? Le cerveau a-t-il un sexe ?

La réponse est « Oui et non ». Oui, car le cerveau contrôle toutes les fonctions qui sont associées à la reproduction. Mais quand on s’adresse à ce qu’on appelle les fonctions cognitives, à savoir les capacités de mémoire, d’intention ou de raisonnement, c’est la diversité cérébrale qui règne, c’est-à-dire que les différences entre les cerveaux de plusieurs individus d’un même sexe vont être plus importantes que les différences qu’on peut observer entre les sexes.

Chacun-e a également des façons différentes de faire fonctionner son cerveau. Les nouvelles techniques d’IRM, l’imagerie cérébrale par résonance magnétique, nous ont permis de découvrir une autre propriété exceptionnelle du cerveau humain, « la plasticité cérébrale ». Cette propriété nous informe qu’il n’existe aucun programme génétique qui pré-câblerait certaines zones dès la conception ou la naissance pour donner des propriétés dites du féminin ou du masculin, car à la naissance, il n’y a que 10% de nos 100 milliards de neurones qui sont connectés entre eux, et les 90% restants se connecteront plus tard en fonction des expériences de la vie ou des apprentissages. Par conséquent, nous avons tous des cerveaux différents puisque nous avons tous des vécus et des expériences dans la vie qui sont différentes.

Maintenant, quand on ose prétendre que les hommes ont un cerveau faits pour les mathématiques car « ils se représentent mieux l’espace PUISQUE du temps de la vie des cavernes, les hommes partaient à la chasse DONC il fallait bien qu’ils se repèrent dans l’espace, tandis que les femmes restaient dans la caverne, s’occupaient des enfants, entretenaient le feu ou s’exerçaient au langage ! »… toutes ces théories n’ont aucune base expérimentale et sont totalement spéculatives : Statistiquement parlant, il n’existe pas de différence entre les femmes et les hommes dans la façon d’utiliser les ères cérébrales, et toutes les vieilles théories qui datent d’il y a cinquante ans – ou même du siècle dernier – selon lesquelles les cerveaux seraient câblés différemment sont aujourd’hui bel et bien balayées par la mise en évidence de notre plasticité cérébrale !

par Fatima Benomar


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