Libéralisme européen : Nouveau totalitarisme ! ( par Patrick Le Hyaric)

mercredi 28 décembre 2011.
 

Au cœur du feu qui couve et attaque le cœur de l’Europe, l’enjeu du statut et des missions de la Banque centrale européenne commence à prendre une place majeure dans les débats. Cela peut devenir une question populaire. M. Sarkozy défend désormais l’idée du rachat des dettes par la Banque européenne face à la chancelière allemande. Il est bien contraint de se contredire, lui qui a bafoué le vote du peuple français en faisant adopter le traité de Lisbonne. Nos lecteurs savent que nous n’avons cessé de défendre ce projet. A cette différence de taille près que nous souhaitons un rachat direct et un crédit sélectif direct aux Etats, sans passer par l’intermédiaire du système bancaire privé. Mme Merkel fera peut-être un pas vers la proposition du Président français à condition que les traités européens soient modifiés, de telle sorte que soit instituée, dans l’Union européenne, une centralisation du pouvoir entre les mains de la Commission de Bruxelles ou du sinistre trio, composé de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne.

Autrement dit, le mouvement entamé avec la nomination du Premier ministre grec et du Président du conseil italien est amené à se poursuivre si on laisse faire. Certes, il pourra y avoir des élections dans chacun des pays, mais c’est ce triumvirat (BCE, FMI, Commission de Bruxelles) autoproclamé qui, en réalité, dirigerait l’Union européenne d’une main de fer. Tel est le sens des propositions nouvelles du Président de la Commission de Bruxelles, mercredi dernier, et des conclusions du sommet des trois principaux pays de la zone euro -France, Allemagne, Italie. Il s’est conclu, une nouvelle fois, par l’acceptation par le Chef de l’Etat des conditions de la chancelière allemande. C’est le projet de création d’une « micro zone euro », un cartel d’Etat, sous influence de l’euro-mark, appliquant la politique budgétaire, fiscale et sociale allemande. C’est la « dé-solidarité » européenne en marche, aggravant la fracture Nord-Sud au sein de l’Union européenne. Une orientation porteuse de multiples dangers. Aucune issue à attendre de cette fuite en avant dans une sorte de totalitarisme ultralibéral, sous domination du capital allemand.

Mais ce qui se débat nous intéresse au plus haut point. Cela renvoie en effet aux arguments avancés par les partisans du non au référendum sur le projet de traité constitutionnel, rebaptisé « traité de Lisbonne ». En quelque sorte, des partisans du oui viennent aujourd’hui conforter, à leur corps défendant, la majorité de nos concitoyens qui a repoussé le traité. En effet, l’un des arguments principaux des promoteurs de ce texte était l’indépendance de la Banque centrale européenne, chargée d’appliquer les critères comptables du traité de Maastricht et de gérer la monnaie unique à la seule fin d’attirer les capitaux en compressant les droits sociaux, les systèmes de protection sociale, les niveaux de rémunération du travail, provoquant délocalisations et désindustrialisation. Mais la ficelle devient trop grosse quand les opinions publiques constatent que la Banque centrale européenne prête de l’argent à moins de 1% aux banques, qui elles-mêmes l’avancent aux Etats avec des taux d’intérêt allant de 3 à 19%, faisant ainsi d’énormes profits sur le dos de peuples victimes de l’austérité, tout en asséchant les comptes publics des Etats.

Dès lors, il saute aux yeux que l’une des seules manières de faire cesser cette spéculation débridée contre les Etats consiste à désarmer les marchés financiers en utilisant l’atout de la création monétaire par la Banque centrale européenne pour racheter des dettes directement aux Etats, sans intérêt, comme le pratiquent les autres banques centrales dans le monde. Le traité de Lisbonne l’interdit aujourd’hui. Mais, faut-il s’enfermer dans ce dogmatisme ultra libéral plus longtemps, quitte à faire brûler l’idée européenne dans le feu de la finance internationale ? Au nom de quelle logique la Banque centrale européenne peut-elle assurer la liquidité des banques menacées d’implosion et ne pas se mettre au service de l’intérêt général, en sortant les Etats de leurs difficultés ? Il faut donc subvertir, dépasser, changer radicalement les traités européens.

Contrairement à ce qu’ont dit depuis longtemps les partisans de ce traité, non seulement il est possible de le modifier mais aujourd’hui, ils le proposent eux-mêmes… pour de mauvaises causes. Pour les dirigeants européens, dont M. Sarkozy et Mme Merkel, il s’agirait d’aller vers des structures fédérales européennes très autoritaires, allant jusqu’à se donner la possibilité de poursuivre devant la cour de justice européenne les Etats qui n’iraient pas suffisamment vite et loin dans la purge sociale. Le duo « Merkozy » ne parie que sur la peur du chaos qui habite désormais les citoyens européens pour faire avaliser cette sorte de coup d’état à froid, ce coup de force contre la démocratie et toute idée de progressisme humain social et écologique.

Si la situation est très inquiétante et dangereuse, les enjeux qu’elle recèle peuvent devenir plus clairs pour beaucoup, favorisant d’autant leur rassemblement et leur intervention. Soit la montée d’un système centralisé autoritaire supranational qui exacerbera les nationalismes porteurs de régression prendra le dessus, soit les populations imposeront un cours nouveau à la construction européenne en contestant l’hégémonie de la finance. Telle est l’une des grandes questions posées à la gauche. Toute entière, elle est concernée par les échecs de la social-démocratie en Grèce et en Espagne. En appliquant l’austérité, la baisse des salaires, l’abaissement des droits sociaux, le recul de l’âge de la retraite, les privatisations, elle est rejetée par les classes populaires, aggrave la récession. Ceci discrédite et fait perdre la gauche et fait gagner la droit par défaut. Ensemble, tirons-en les leçons en ayant le courage de proposer des changements des lois européennes et d’en appeler aux peuples sur la base d’un nouveau projet social, solidaire de développement humain et environnemental. N’est-ce pas, pour gagner et réussir, à ce niveau que doit être placé le débat politique dans le cadre des élections à venir ?

C’est d’ailleurs sur de tels enjeux que portent les discussions des assemblées citoyennes, souvent très studieuses, qu’initie le Front de Gauche dans les quartiers, les villages et les entreprises.

Face à la gravité et à l’ampleur de la crise, dont personne ne connaît les évolutions et les issues, il est nécessaire de déployer ce grand débat. On ne peut laisser les peuples enfermés dans cette sorte de prison dont les barreaux sont les structures totalitaires de l’économie capitaliste. Au contraire, nous avons à cœur que les citoyennes et les citoyens partout, reprennent rapidement leur destin en main.


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