« Pacte pour une Santé Egalitaire et Solidaire »

jeudi 14 novembre 2019.
 

La pérennité de notre système de santé solidaire est aujourd’hui menacée même si ses résultats restent encore, en moyenne, globalement bons. Elle est menacée à la fois par l’accroissement des coûts restant à la charge des patients avec une augmentation du montant des primes d’assurances complémentaires et par l’aggravation continue des inégalités sociales et territoriales. Près de 4 millions de français n’ont pas de couverture complémentaire et trente pour cent renoncent à des soins pour des raisons financières. Les maladies des pauvres, comme la tuberculose, réapparaissent.

C’est pourquoi nous proposons pour la mandature les mesures suivantes :

I Pour le financement :

1°) Le retour à un taux de remboursement par la Sécurité sociale de 80 % pour les soins et les produits de santé courants alors que ce taux n’est plus que de 55 %.

Ce retour à un taux de remboursement élevé est financièrement possible dans le cadre d’une négociation avec les organismes de protection complémentaire. Ces derniers prennent en effet déjà en charge ces dépenses pour 94% de la population mais au prix d’un financement inégalitaire car en général indépendant des revenus, et croissant avec les charges de famille et l’âge.

La prise en charge des dépenses de santé pour les bénéficiaires de la Couverture Médicale Universelle (CMU) et pour les patients reconnus en Affections de Longue Durée (ALD) doit rester à 100%.

Les franchises et forfaits devront être supprimés.

2°) L’équilibre des comptes de la Sécurité sociale par l’application des principes suivants :

1- la révision de la liste des soins (« le panier de soins ») financés par la solidarité, grâce à une double évaluation du rapport bénéfice / risque pour le patient et du rapport bénéfice/coût pour la société. Un médicament, un acte, une prestation, doivent être remboursés si et seulement si cette évaluation est jugée positive, et non remboursé dans le cas contraire. Les remboursements partiels actuels à 15 % et à 35 % devraient être, de ce fait, supprimés.

2- l’actualisation des tarifs et la réduction des prix des médicaments et autres biens médicaux.

3- la réduction de la disparité des prescriptions et des actes médicaux qui peut aller de 1à 3 (notamment en matière de césarienne, d’endoscopie, de pose de stent coronarien ou de pacemaker..) grâce à un renforcement du respect des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et à une évaluation comparative des pratiques réalisée par la Haute Autorité de Santé en collaboration avec la Sécurité sociale et les organisations professionnelles. La réduction des gaspillages en matière de santé n’est pas seulement un devoir économique, c’est aussi une exigence éthique.

4- l’élargissement de l’assiette de la CSG à l’ensemble des revenus et la suppression de la majeure partie des niches sociales représentant actuellement plus de 35 milliards d’euros pour un bénéfice économique douteux, régulièrement dénoncé par la Cour des comptes.

En cas de déséquilibre des comptes constaté en fin d’année malgré la mise en œuvre des mesures précédentes, une augmentation automatique et proportionnée des recettes de la Sécurité sociale devrait intervenir pour écarter toute constitution d’une dette renvoyée sur les générations futures au titre de l’assurance maladie.

3°) La réforme du mode de financement des hôpitaux par le remplacement du « tout T2A » par un financement mixte associant la T2A pour les actes techniques programmés, le prix de journée pour certaines activités comme les soins palliatifs, et une dotation notamment pour les affections chroniques, les urgences, l’éducation thérapeutique et la prévention...

La convergence tarifaire entre le public et le privé, véritable machine de guerre contre l’hôpital public, doit être remplacée par une convergence tarifaire segmentée prenant en compte le statut, les missions, la taille, le contexte immobilier ainsi que les populations prises en charge. De même doit être revue la convergence tarifaire des établissements médico-sociaux publics et privés.

II Pour l’organisation :

1°) La réduction des inégalités territoriales d’accès aux soins par :

- le maintien de la liberté de choix du département d’installation en secteur 1 (tarifs opposables), mais la limitation de l’installation en secteur 2 (praticiens à dépassements d’honoraires) par territoire et spécialité ;

- la revalorisation du secteur 1- notamment par une réévaluation des tarifs remboursés et la création d’une assurance de responsabilité professionnelle publique - et le plafonnement des dépassements d’honoraires en secteur 2. L’objectif doit être à terme l’exercice à tarifs opposables pour l’ensemble des praticiens conventionnés avec la sécurité sociale ;

- le développement de consultations avancées de médecins hospitaliers et d’autres professionnels de santé, en zones déficitaires ;

- l’institution à la fin des études médicales d’un service public de santé d’une durée de 2 ans. Cette proposition doit faire l’objet d’un débat portant sur son principe et sur ses modalités (avant ou après l’internat ? quelle rémunération ? quelles conditions d’exercice et d’environnement professionnel ?), enfin sur sa date de mise en application. Dans tous les cas les étudiants devront être informés avant d’entreprendre leurs études. Le début de cette mesure n’est donc pas envisageable avant 2020.

2°) Le développement de la médecine de proximité par :

- la modernisation des modalités d’exercice en favorisant la collaboration entre médecins, et entre médecins et paramédicaux, notamment grâce au dossier médical partagé

- la création de nouveaux métiers en particulier pour les soins et le suivi des malades atteints de maladies chroniques : infirmières cliniciennes spécialisées travaillant en équipe avec les médecins, coordonnateurs de soins et de suivi...

- la réforme du mode de rémunération des médecins généralistes, instituant à côté du paiement à l’acte un financement par forfaits ou par vacations pour la prise en charge des maladies chroniques et les activités de santé publique

- le développement des centres de santé et des maisons médicales sans dépassements d’honoraires, permettant au-delà de la mutualisation des locaux et des tâches administratives, la mise en place de nouvelles pratiques professionnelles (éducation thérapeutique des patients, éducation pour la santé de la population....). Des maisons médicales de garde devraient permettre d’accueillir des « consultations non programmées », sans différenciation financière pour les patients, et travailler de façon concertée avec les urgences hospitalières. Une partie du personnel pourrait y exercer son activité en tant que salarié à plein temps ou à temps partiel

3°) L’amélioration de la gouvernance hospitalière pour donner plus d’autonomie aux établissements, pour favoriser leur cogestion par le chef d’établissement et les représentants des personnels soignants, médicaux et paramédicaux, et pour renforcer la coopération avec les représentants des usagers et les associations de patients .

4°) La définition avec les professionnels, les représentants des familles et des malades, des spécialistes des sciences humaines et juridiques, d’une nouvelle politique de santé mentale dans toutes ses dimensions, y compris éthiques notamment pour les mesures privatives de liberté. Cette politique doit être basée sur le secteur psychiatrique rénové et financée par une dotation globale.

III Pour la prévention :

Le développement de la prévention par la fixation d’un objectif de croissance de 7 à 10 % de sa part dans le budget de la santé au cours de la mandature.

L’ambition doit être d’améliorer les actions sur les facteurs de risque individuels et collectifs et de promouvoir des politiques favorables à la santé à tous les âges de la vie et dans tous les lieux de vie ( PMI, crèches, nutrition, activité physique, contraception, sexualité, IVG, médecine du travail, addictions, environnement...).

L’objectif de réduction des inégalités de santé doit faire l’objet d’un suivi permettant une évaluation rigoureuse des résultats des politiques publiques nationales et régionales en ce domaine.

IV Pour la formation et la recherche :

1°) La diversification des voies d’admission aux études médicales à partir des filières universitaires, en remplacement de l’actuelle première année qui reste une année perdue pour trop d’étudiants. Les filières universitaires donnant accès aux études médicales pourraient être diversifiées même si une prépondérance doit être accordée aux filières scientifiques. La formation initiale, à la fois pratique et théorique, doit en particulier permettre aux étudiants se préparant aux professions de la santé, d’apprendre la prise en charge globale empathique des patients, la justification des prescriptions, l’éthique du juste soin au moindre coût et le travail d’équipe.

2°) La refondation de la formation médicale continue (FMC) afin d’assurer son indépendance vis-à-vis de l’industrie de la santé et d’améliorer sa qualité. Elle devrait être financée notamment par une taxe sur l’industrie pharmaceutique selon la règle du « 1 euro pour 1 euro » : 1 euro de taxe pour 1 euro de dépenses de marketing de l’industrie. La FMC doit devenir une mission partagée entre l’Université et les organisations médicales professionnelles.

3°) Le développement d’une recherche forte en santé supposant une politique de l’emploi statutaire et une nouvelle attractivité des métiers de la recherche. Un effort particulier devra être réalisé pour la recherche en santé publique. Il faudra également parvenir à une intégration effective de l’Université dans la gouvernance des centres hospitalo-universitaires (CHU)

La mise en œuvre de cette politique suppose :

1°) Le renforcement de la démocratie sanitaire notamment par :

- le développement du débat citoyen sur les questions de santé y compris dans leur dimension éthique

- le renforcement du rôle et des moyens des conférences régionales de santé et de l’autonomie

- le rôle reconnu aux associations de malades et d’usagers du système de santé notamment dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des programmes de santé. La reconnaissance de ce rôle suppose une dotation adaptée de moyens

- la transparence totale des liens d’intérêts des professionnels de santé, mais aussi des représentants d’associations de patients, des gestionnaires, des économistes et des politiques en charge de la santé.

2°) L’élaboration d’une nouvelle loi de Santé publique, afin de définir les missions et les moyens des 4 services cardinaux publics de santé, à savoir : de l’assurance maladie, de l’hospitalisation, de la médecine de proximité et le service public de la prévention et de la sécurité sanitaire

B) Auteurs du Pacte

André Grimaldi est Professeur ; il a été chef de service de diabétologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Didier Tabuteau est responsable de la Chaire santé à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

François Bourdillon est praticien hospitalier, médecin de santé publique, chef du pôle santé publique, évaluation et produits de santé du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles Foix

Frédéric Pierru est politiste et sociologue, chercheur au CNRS, IRISSO – Paris Dauphine

Olivier Lyon Caen est Professeur, neurologue, chef du pôle maladie du système nerveux du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles Foix

C) Les 125 signataires

Le Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire a été réalisé à l’initiative d’André Grimaldi, Didier Tabuteau, François Bourdillon, Frédéric Pierru et Olivier Lyon-Caen

Anouk Aimée, comédienne ; Christian Amatore, chimiste, membre de l’institut de France (académie des sciences), professeur à l’Ecole Normale Supérieure ; Anne-Marie Armanteras de Saxce, directrice d’hôpital ; Yvan Attal, comédien ; Pierre Aucouturier, enseignant-chercheur ;Olivier Beaud,professeur de droit constitutionnel ; Jacques Belghiti, professeur de chirurgie hépato-bilio-pancréatique ; Samuel Benchetrit, comédien ; Constance Benqué, présidente de société ; Patrick Berche, doyen de l’UFR médicale Paris-Descartes ; Jean-François Bergmann, professeur de thérapeutique ; Olivier Bernard, président de Médecins du Monde, Enki Bilal, scénariste, dessinateur ; Jane Birkin, comédienne ; François Bourdillon, président d’honneur de la société française de santé publique ; Marie-Germaine Bousser, professeure de neurologie ; Rony Brauman, directeur d’études à la fondation Médecins Sans Frontières, professeur associé à sciences Po Paris ; Michel Bronstein, chirurgien urologue ; Marie-Line Cal, économiste de la santé ; Yves Catonné, professeur de chirurgie orthopédique ; Isabelle Caubarrère, professeure de pneumologie ; Olivier Chosidow, professeur de dermatologie ; Hélène Cixous, écrivaine ; Marie-Christine Colombo, pédiatre de PMI ; Daniel Costantini, entraineur de l’équipe de France masculine de handball, championne du Monde (1995 et 2001) ; Christophe Dejours, professeur (Psychanalyse-Santé-Travail) au Conservatoire National des Arts et Métiers ; Pierre Delion, professeur de psychiatrie ; Mady Denantes, médecin généraliste ; Michel Derbesse, gérant de société et président de l’UNISEP : union de plusieurs associations de recherche et d’aide aux patients victimes de la Sclérose En Plaques ; Didier Dreyfus, professeur de réanimation ; Jean-Pierre Dubois, professeur de doit public ; Chantal Dufresne, présidente de l’association François Aupetit, vaincre les MICI ; Isabelle Durand-Zaleski, professeur de santé publique ; Mercedes Erra, présidente de société ; Hector Falcoff, médecin généraliste, professeur de médecine générale ;Dominique Farrugia, producteur ; Didier Fassin, professeur de sciences sociales, Institute for Advanced Study de Princeton ; Bruno Favier, président de l’association France Parkinson ; Alain Fischer professeur de pédiatrie ; Irène Frachon, praticien hospitalier, pneumologue ; René Frydman, professeur de gynécologie-obstétrique ; Charlotte Gainsbourg, comédienne ;Jean-Luc Gallais, médecin généraliste ; Brice Gayet, professeur de chirurgie digestive ; Jérôme Garcin, écrivain ; Jean Garrabé, psychiatre ; Alain Gaudric, professeur d’ophtalmologie ; Anne Gervais, praticien hospitalier, hépatologue ; Jean Godard médecin généraliste ; Bertrand Godeau, professeur de médecine interne ; André Grimaldi professeur de diabétologie ; Jean-Marie Harribey, économiste ; Serge Haroche, professeur de physique quantique au collège de France ; Françoise Héritier, anthropologue professeure au collège de France ; Stéphane Hessel, ancien résistant, ancien ambassadeur de France ; Gisèle Hoarau, cadre paramédicale de pôle ; Jacques Hochmann, professeur de psychiatrie ; Michel Husson, économiste à l’Institut de recherche économique et sociale ; Denis Jeambar, écrivain ; Pierre Joliot, professeur honoraire au Collège de France, Membre de l’Institut ; Jean-Pierre Kahane, mathématicien, professeur d’université, membre de l’académie des sciences ; Yamina Kerrou, cadre paramédicale de pôle ; Jean Lafond, président de Vaincre la mucoviscidose ; Thierry Lang professeur de santé publique ; Hélène Langevin-Joliot, directrice de recherche CNRS honoraire ; Philippe Lazar, ancien directeur général de l’Inserm ; Véronique Leblond, professeure d’hématologie ; Evelyne Lenoble, praticien hospitalier, pédopsychiatre ; Vincent Lindon, comédien ; Pierre Lombrail, professeur de santé publique ; Catherine Lubetzki, professeure de neurologie ; Olivier Lyon-Caen professeur de neurologie ; Anne-Marie Magnier, médecin généraliste, professeure de médecine générale ; François Martin, praticien hospitalier pneumologue ; Jérôme Martinez secrétaire général de la CIMADE ; Pierre Mathiot, professeur de sciences politiques ; Elisabeth Mauviard, médecin généraliste ; Margaret Menegoz, productrice ; Ariane Mnouchkine, metteure en scène ; Edgar Morin, sociologue ; Aldo Naouri, pédiatre ; Thomas Papo, professeur de médecine interne ; Alexandre Pariente, médecin hospitalier, gastroentérologue ; Jean-Claude Pecker, membre de l‘Institut, professeur honoraire Collège de France (astrophysique théorique) ; Richard Peduzzi, scénographe ; Anne-Marie Philippe, comédienne, et écrivaine ; Frédéric Pierru, chercheur CNRS sociologue ; Jean-François Pinel, praticien hospitalier neurologue ; Dominique Plihon, professeur d’économie ; Gérard Raymond, président de l’association française des diabétiques ; Richard Rechtman, directeur d’étude à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ; Bruno Riou professeur d’anesthésie réanimation et médecine d’urgences ; Marianne Rivière, présidente nationale Association Française du Lupus et Autres Maladies Auto-Immunes (AFL+) ; Sonia Rykiel, créatrice ; Christian Saout, président du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) et président d’honneur de AIDES ; José-Alain Sahel professeur d’ophtalmologie ; Thomas Sannié, président de la CRSA Ile-de-France - association française des hémophiles ; Marie- Laure Sauty de Chalon, présidente de sociétés ; Laurent Sedel, professeur de chirurgie orthopédique et traumatologique ; Didier Sicard, professeur de médecine interne ancien président du Comité consultatif national d’éthique ; Nicole Smolski, praticien hospitalier, anesthésiste réanimateur ; Alfred Spira, professeur de santé publique ; Bruno Spire président d’AIDES ; Henri Sterdyniak, directeur à l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), professeur associé à l’université Dauphine ; Pierre Suesser, pédiatre de PMI ; Didier Tabuteau professeur associé - université Paris Descartes ; Brigitte Taittinger, présidente de société ; Pierre Tartakowsky, président de la ligue des droits de l’homme ; Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’Association Française contre les Myopathies (AFM) ; Serge Tisseron psychiatre psychanalyste ; Didier Torny, chercheur INRA, Sociologue ; Michel Tubiana, avocat président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme ; Dominique Valla, professeur d’hépatologie ; Bruno Varet, professeur d’hématologie ; Bernard Viallettes, professeur de diabétologie ; Marie-Paule Vazquez, professeure de chirurgie pédiatrique ; Florence Veber, praticien hospitalier pédiatre ; Jean-Paul Vernant professeur d’hématologie ; Stéphane Villar, président de l’Association Française des Polyarthritiques et des rhumatismes inflammatoires chroniques ; Laurent Visier, professeur de sociologie ; Régis Volle, président de la fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux ; Daniel Zagury, psychiatre ; Patrick Zylberman, professeur d’histoire de la santé, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique.

D) Pétition publique de soutien

http://www.petitionpublique.fr/?pi=...


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