« Désormais, la valeur sociale du travail ne compte plus » Philippe Villemus

dimanche 1er janvier 2012.
 

Pourquoi avoir choisi de traiter les revenus des patrons, 
des footballeurs 
et des smicards  ?

Philippe Villemus. J’ai voulu savoir comment se formaient les très hautes rémunérations dans notre société. On entend souvent  : « T’as vu, les footballeurs, ce qu’ils gagnent  ? » Mais qui les paie, sinon les patrons  ? Notre système marche un peu sur la tête. On a depuis une quinzaine d’années un accroissement très fort, exponentiel, des très très hautes rémunérations, et un accroissement du nombre de gens au smic ou en dessous  : 30% de la population active.

Vous jugez illégitimes les rémunérations des très grands patrons  ?

Philippe Villemus. Il y a patron 
et patron. Il y a 300 000 dirigeants salariés en France, avec une rémunération nette par an 
de 55 000 euros. Ce n’est pas 
excessif. Quant aux patrons du CAC 40, quand on cumule tous les avantages, j’arrive à des moyennes de 8 à 10 millions d’euros de revenu par an. Totalement excessif, illégitime. La plupart ne sont pas des créateurs de l’entreprise, mais des salariés qui ont souvent été « héliportés » par le pouvoir politique. On entend  : « Les patrons créent de la valeur ». Mais depuis 2000, la valeur financière des entreprises du CAC 40 a été divisée par près de deux  ; dans le même temps, les salaires des PDG ont été multipliés par 2,5. On dit aussi  : « Ils créent des emplois ». Sur la même période, ces entreprises ont détruit des emplois en France…

Vous souhaitez qu’on ouvre un débat sur la juste valeur du travail…

Philippe Villemus. La valeur du travail devrait être la résultante de son utilité sociale, financière, éventuellement son utilité morale ou esthétique. 
À partir du milieu des années 1990, le capitalisme financier a éliminé certaines composantes  : la valeur sociale ne compte plus, 
la valeur esthétique non plus, 
ce qui compte, c’est la stricte valeur financière. C’est pourquoi une infirmière, un instituteur, un médecin du Samu, qui sont beaucoup plus utiles socialement, sont moins bien payés qu’un trader, un publicitaire, 
ou un footballeur.

Vous dites qu’on marche sur la tête. Comment remettre tout ça à l’endroit, selon vous  ?

Philippe Villemus. Il faut s’interroger sur les tranches de l’impôt sur le revenu du travail. Aujourd’hui, la tranche maximale est à 42%, on pourrait la faire passer à 60% au-delà de 1million d’euros, 70% au-delà de 3millions, 80, 90% au-delà de 10 millions d’euros.

Mais quid des salaires du plus grand nombre  ?

Philippe Villemus. Attaquons-nous à la priorité, la pauvreté. Pour sortir les gens de la pauvreté, il faudrait faire passer les travailleurs à temps partiel subi à temps complet, plutôt que d’exonérer les heures supplémentaires de ceux qui ont déjà un travail à temps complet. Si on sort les gens de la pauvreté, on aura moins d’impôts à payer.

Entretien réalisé par Y. H., L’Humanité


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