« J’ai des adversaires : la droite qu’il faut battre et le capitalisme financier qu’il faut éradiquer. Puis il y a la concurrence à gauche » (Jean-Luc Mélenchon)

lundi 12 décembre 2011.
 

1) Mélenchon fait monter sa mayonnaise Article du quotidien Charente libre

Hier, c’était jour de campagne à l’ancienne. Séance estrade improvisée sur la place de la Gare à Cognac. Mélenchon, écharpe rouge, debout sur un banc, parle à l’heure du déjeuner sous le soleil d’automne. Il a des accents jauressiens. Puis l’après-midi, rencontre avec le peuple au Champ-de- Manoeuvre à Soyaux. Bises, échanges sur les conditions de vie avec l’amicale des locataires et à l’épicerie sociale, rencontre avec des syndicalistes enseignants et bis repetita à la MJC de Ma Campagne à Angoulême.

La veille à Talence, le meeting était plus agité : 3 000 personnes et des organisateurs débordés par le succès. Avant d’attaquer son steak - « Saignant s’il vous plaît. » Ce qui lui correspond bien -, Jean-Luc Mélenchon savoure. « Vous avez vu l’autre là [Nicolas Sarkozy, NDLR] à Toulon jeudi soir. Un attroupement de 5 000 réactionnaires parfaitement rangés qui attendent le chef. Et nous 3 000 dans une ambiance tumultueuse et vivante. Pas mal non ? »

« C’est la révolution citoyenne en marche »

Il rayonne Mélenchon. Il a le sentiment « qu’il est en train de se passer quelque chose » autour du Front de gauche, attelage du vieux Parti communiste et du jeune Parti de gauche, rassemblement de déçus du PS et des partisans d’une gauche radicale. « Vous avez vu cette ambiance, ces drapeaux rouges qui flottent, avec jeudi soir un drapeau tricolore au milieu. Ç’a du sens non ? Mieux que ces panneaux cons cons avec le nom du candidat. Important l’esthétique du symbole. » Le candidat rode la forme de sa campagne pour la présidentielle.

Le modèle utilisé en Charente hier lui sied : contact direct, écoute des gens. « Je ressuscite des vieilles formes de campagne électorale en les modernisant », revendique-t-il.

Son public est enchanté. Il est hétérogène. S’y mêlent des syndicalistes et des élus, des ouvriers et des intellectuels, des communistes et des socialistes, de nouveaux militants qui ont tous un point commun : la volonté d’en finir avec un système économique usé et usant.

« C’est la révolution citoyenne en marche. Faites là, pour ne pas redevenir des sujets comme avant 1789. Ne soyez pas des moutons, vous serez tondus ! » Applaudissements.

Devant les enseignants, Jean-Luc Mélenchon décortique la manière dont la droite « entend tout marchandiser ». La clé de son engagement pour tirer la gauche « vers la radicalité nécessaire ». Il nuance ses attaques sur la gauche socialiste. Juste un coup de griffe sur la main tendue de François Hollande à François Bayrou. « Aucun socialiste ne peut s’y retrouver. » Plus doux que « le capitaine d’un pédalo dans la tempête » dont il a gratifié le candidat socialiste à la mi-novembre. « Une campagne a des rythmes. J’ai prononcé quatre mots, j’ai eu dix dessins, cinquante articles. Le clou est enfoncé. » Il ajoute : « J’ai des adversaires : la droite qu’il faut battre et le capitalisme financier qu’il faut éradiquer. Puis il y a la concurrence. » À Cognac, il n’était pas descendu du car qu’un vieux syndicaliste lui a dit : « Ne nous trahissez pas pour un maroquin. » C’est ce qu’il veut retenir.

Ivan DRAPEAU

2) Charente « La campagne donne la pêche »

Communiquer sa force de conviction est sans doute la qualité première de Jean-Luc Mélenchon. C’est l’impression qu’il a laissée de son déplacement en Charente, le week-end dernier.

La salle de la MJC Louis-Aragon se remplit très vite. Simone Fayaud regarde l’assistance, elle sourit : « Il y a des ex-adhérents du PCF et des communistes que je n’ai pas vus depuis longtemps. Des exsocialistes aussi. Là, au deuxième rang, c’est un conseiller municipal, ex-PS. Les syndicalistes sont également présents. » La secrétaire fédérale du PCF assiste à la rencontre publique dans le quartier populaire dénommé « Ma campagne », à Angoulême, qui clôture le séjour de Jean-Luc Mélenchon en Charente. Elle n’aura ainsi pas quitté le candidat du Front de gauche à la présidentielle depuis son arrivée, vendredi matin, dans ce département de Poitou-Charentes.

Le charisme de Mélenchon opère ici comme partout où il s’est rendu. Le public rencontré fait certes essentiellement partie du « premier cercle » ciblé. Mais rien n’était joué d’avance. « Ce public doit aussi être conquis, par des arguments, par des ambiances faisant écho à son souvenir victorieux de 2005 », nous explique l’eurodéputé, détendu après une journée marathon où il a mouillé la chemise, que les participants soient nombreux ou pas, aux initiatives, à Angoulême.

Retour du « tous ensemble »

Son but, dans cette phase de précampagne, est de « rassembler, dans toute leur diversité, ceux qui peuvent être attirés par le Front de gauche ». Le pari semble en voie d’être gagné. Les salles, petites ou grandes, se composent souvent de syndicalistes, de militants politiques, associatifs. Des personnes qui avaient perdu l’habitude de se rendre ensemble aux rencontres électorales. C’est ce peuple militant qui, la veille, à Talence, près de Bordeaux, a écouté, debout, les discours de Pierre Laurent (PCF), Clémentine Autain (Fase) et Jean-Luc Mélenchon. Près de 3 000 personnes, certaines à l’extérieur, que le candidat a appelées à la « résistance » contre les spéculateurs et les politiques d’austérité. Des propos martelés le lendemain, en Charente.

À Angoulême, c’est le responsable de la Confédération nationale du logement (CNL), Robert Lafleuriel, par ailleurs membre du PCF, qui a tenu à inviter Jean-Luc Mélenchon dans le petit local de l’amicale des locataires, en bas des barres d’immeuble, et lui faire visiter la cité du Champ de Manoeuvre, classée en zone urbaine sensible (ZUS). « L’amicale, commente le candidat, c’est le dernier lieu de citoyenneté, comme le syndicat l’est pour une usine. » La visite se fait au pas de course, il n’empêche, le responsable de la CNL arrive à évoquer le travail revendicatif qu’effectue son association : « Si on ne se démène pas, la misère s’entasse sur la misère », souffle-t-il.

Le ton est direct

« On veut retrouver notre public, nos sympathisants qui ont été déçus par la gauche plurielle. En les motivant, on peut compter sur eux pour construire une dynamique », explique Simone Fayaud.

Motivés, les responsables syndicaux de l’éducation nationale le sont en tout cas pour échanger avec le candidat du Front de gauche, au centre social et culturel Gulliver, à l’entrée de la cité du Champ de Manoeuvre. Des syndicalistes de la CGT, de la FSU, de la CFDT ou de l’Unsa passent plus d’une heure avec lui davantage pour connaître ses positions dans le domaine de l’enseignement. « Il a répondu à toutes nos questions. Le ton est direct, la conviction forte, et il a une super-connaissance du dossier  », commente Didier Gesson, responsable du Sgen-CFDT.

Communiquer sa force de conviction est sans doute la qualité première de Jean-Luc Mélenchon, selon la chercheuse Marie-Hélène Boutet de Monvel, candidate (PCF) du Front de gauche aux législatives dans la première circonscription d’Angoulême. Elle s’applique à décortiquer sa façon de s’adresser aux gens : « À partir de quelques éléments, il construit une parole qui les touche sur le plan non pas de l’émotion mais de leur existence. Il va les chercher là où ils en sont. C’est très fort. »

La candidate communiste découvre ainsi un politique « qui dit des choses simples mais avec précision », un homme « gonflé, et ça fait du bien ». Sa camarade Simone Fayaud se dit, elle aussi, «  enchantée », elle qui a hésité à voter pour lui lors de la consultation interne au PCF sur la candidature à l’Élysée. « J’avoue que Mélenchon captive. Il donne la pêche. Et les communistes retrouvent le chemin de l’entreprise, ils retrouvent la fierté... »

Mina Kaci


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