La démocratie peut-elle mater les marchés ?

jeudi 8 décembre 2011.
 

En Italie, le départ de Berlusconi a suscité une joie bien compréhensible dans la population. Reste que cette démission, comme celle du premier ministre grec Papandréou, a été obtenue par les marchés financiers dans leurs propres intérêts.

N’est-il pas ahurissant que ce soit des technocrates liés à la banque américaine Goldman Sachs qui prennent la tête des pays européens les plus en difficulté dans la crise ?

Il est désormais bien visible que la classe dominante considère la démocratie comme un jeu de marionnettes ou, du moins, un mode de gouvernement parmi d’autres.

Il est plus que temps, en face, de se ressaisir du sens premier de la démocratie comme pouvoir du peuple, un sens irréductible à la professionnalisation du politique.

1) Non, tout n’a pas toujours été déterminé par le marché  !

Par Jean-Numa Ducange, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Rouen.

Les libéraux ont bien raison, de leur point de vue, de répéter qu’il n’y a pas d’alternatives, d’affirmer que nous sommes à la fin de l’histoire et, plus prosaïquement, de cultiver l’amnésie générale en allégeant, voire en supprimant l’histoire au niveau de l’enseignement secondaire. Terminé les envolées lyriques, les références aux belles époques révolues où un autre avenir était possible  ; voici venu le temps de la gestion au jour le jour, pragmatique et efficace, qui s’approprie indûment la vieille ritournelle « du passé, faisons table rase »…

La gauche –la vraie, celle qui ne se résout pas à des ajustements à peine mieux que les propositions bourgeoises officielles– doit pourtant se souvenir de ses expériences passées, contre une tendance trop répandue à se détourner d’elles au nom des bouleversements actuels. Comme nous l’a appris Éric Hobsbawm dans son Histoire du court XXe siècle, le capitalisme a dû pendant des décennies se réformer en profondeur sous l’impulsion des luttes ouvrières et de l’existence d’un autre camp, quoi que l’on pense d’ailleurs de la nature du « socialisme réel » et des catastrophes qu’il a engendrées.

Non, tout n’a pas toujours été déterminé par un marché « libre » qu’il faudrait nécessairement respecter au risque d’aller dans le mur. L’échec global des systèmes qui ont voulu précipitamment se débarrasser du marché se suffit à lui-même, pourra-t-on objecter… et on manque rarement de le faire. Faut-il pour autant rayer d’un trait de plume des décennies de luttes et de combats à la suite desquels ont été arrachées des conquêtes majeures, montrant des possibilités concrètes de soustraire au marché des pans entiers de la vie sociale  ?

Souvenons-nous des conditions de la création de la Sécurité sociale –aujourd’hui menacée– ou encore des congés payés, acquis de haute lutte sans même avoir été inscrits à l’ordre du jour des partis politiques. Autant de mesures partielles qui ne montrent pas mécaniquement comment la population pourrait rétablir sa souveraineté pour lutter efficacement contre les marchés et instaurer un contrôle démocratique réel, mais qui indiquent que les solutions sont à rechercher dans l’articulation entre un mouvement social fort et des politiques volontaristes.

Démocratie  ? Qui n’ose pas aujourd’hui s’en revendiquer  ? Plus personne, désormais, du moins dans les termes. Mais comme le disait Lucien Febvre, « faire l’histoire d’un mot, ce n’est jamais perdre sa peine », on ne saurait mieux dire, pour qui veut comprendre comment le mot « démocratie » a vu son sens dévoyé par une bourgeoisie depuis longtemps décomplexée contre les droits essentiels. À cet égard, il faut se souvenir des torrents de haine qu’a déversés une certaine droite contre nombre de revendications élémentaires. Sans aller jusqu’au mémorable « plutôt Hitler que le Front populaire », au petit jeu de qui collectionnerait les « si-on-vous-donne-ce-que-vous-demandez-l’économie-va-s’effondrer-laissez-nous-faire » on se rendrait rapidement compte que l’on n’aurait jamais dû accorder les congés payés, ni même d’ailleurs faire la moindre intervention régulatrice, voire octroyer le droit de vote à ceux qui n’avaient pas les « capacités » requises. Certes, se réapproprier une belle et longue histoire d’expériences ne peut suffire, mais sachons aussi sortir d’un culte du présent qu’impose un monde où tout circule désormais très (trop  ?) vite, où tout ce qui aurait été fait avant serait poussiéreux et nul et non avenu.

Et puisque nous sommes en 2011, cent quarante ans après la Commune de Paris, autorisons-nous un dernier recours à l’histoire. Contrôle des élus, mesures sociales immédiates pour répondre aux besoins élémentaires (remise des loyers  !), prise en main des affaires communes par la collectivité… Expérience éphémère d’une ville coupée de provinces (pourtant pas toutes) hostiles, la Commune dit pourtant bien combien des revendications proclamées à l’occasion d’un soulèvement populaire peuvent être ensuite valorisées pendant des décennies et aboutir à des conquêtes concrètes. Avec un optimisme caractéristique du moment, un ouvrage sur la Commune pouvait affirmer, en 1971, cent ans après les événements, que la « bourgeoisie n’a pas fini d’entendre parler de la Commune de Paris ». Espérons-le  !

Jean-Numa Ducange

2) La transition vers une autre économie 
est aujourd’hui à l’ordre du jour

Par Élisabeth Gauthier, membre du Comité National du PCF, coéditrice de la revue Transform.

Ces quatre dernières années ont montré que la gestion de la crise au niveau européen s’accompagne de la mise en place d’un mode de « gouvernance » de plus en plus autoritaire. Avec la troïka, le « couple franco-allemand » revitalisé pour les besoins du moment, l’émergence d’une oligarchie constituée de quelques décideurs politiques et économiques dépassant les formes traditionnelles de lobbying, il 
ne s’agit ni d’instances législatives ni d’instances exécutives (1).

L’ensemble du dispositif mis en place par les derniers sommets modifie les structures du pouvoir et tend à encadrer les décisions nationales sans laisser d’espace pour l’exercice de la souveraineté populaire. Dans ce contexte, le débat sur la « nouvelle gouvernance » ne porte pas sur le contenu d’une politique économique commune – le dogme néolibéral reste au sein de cette oligarchie intangible – mais vise une gouvernance « post-démocratique », autoritaire. Plus précisément, les tentatives d’installer une nouvelle « gouvernance européenne » prennent selon les orientations dominantes une forme de « communautarisme autoritaire » pour déboucher sur ce qu’on peut qualifier de « post-démocratie » européenne dans des structures d’un capitalisme autoritaire. Ainsi, les ensembles étatiques (États, institutions européennes) restent sous la domination des marchés.

Le remplacement de gouvernements nés du suffrage universel par des « gouvernements d’experts » dont l’objectif est d’imposer l’austérité et de rassurer les marchés est une expression concrète de cette logique et reflète en même temps l’accentuation de la crise des régimes politiques qui n’arrivent plus à se maintenir dans la tourmente. Dès 2005, le non-respect des votes majoritaires lors des référendums en France et aux Pays-Bas, puis en Irlande a constitué une sérieuse alerte. Dans le gigantesque bras de fer qui oppose, dans la période du capitalisme financiarisé, le pouvoir économique à ce qui reste des pouvoirs politiques dans les pays européens, la démocratie a perdu beaucoup de terrain au cours de ces dernières années. Dans cette logique, les appareils étatiques se déconnectant de la société, des régimes de type bonapartiste peuvent profiter de ces opportunités. Dans la confrontation actuelle, les enjeux sociaux, écologiques et démocratiques sont intimement liés. Il ne peut suffire d’opposer proposition à proposition, programme à programme. Il s’agit de confronter une logique, celle d’un nouveau développement social, écologique et démocratique à la logique destructrice actuelle.

La cohérence de l’offensive antisociale et antidémocratique ne devrait-elle pas conduire à poser simultanément les questions sociales et celles du pouvoir institutionnel et politique  ? La reconquête du politique, du pouvoir politique, de la démocratie dans l’intérêt général, ne devrait-elle pas devenir un objectif commun des forces multiples dont la motivation va dans ce sens  ? Leurs énergies pourraient se conjuguer sous des formes nouvelles comme dans des fronts de lutte, au niveau national et européen, qui, respectueuses des différentes identités, permettraient de favoriser des mobilisations populaires et de modifier ainsi sensiblement les rapports de forces. Le refus des gouvernements à exercer le pouvoir politique pour faire reculer le poids grandissant des marchés financiers, banques et grands actionnaires, pour imposer une autre logique dans l’intérêt général intensifie encore le discrédit de la politique, de la « classe politique », alors qu’en même temps grandit l’appel à la politique comme seul moyen de faire reculer l’insécurisation des populations. Des défis inédits sont posés aux forces qui s’opposent aux politiques d’austérité et de démontage de la démocratie.

On constate que les réponses de la social-démocratie européenne s’inscrivent dans les « contraintes » que prônent les apôtres du néolibéralisme et débouchent sur une ligne politique d’austérité, pas très éloignée de ce que la droite défend. Quant à la droite populiste et extrême, elle s’emploie souvent à récupérer et à instrumentaliser cet appel à intervention politique en adaptant son discours nationaliste, d’exclusion et de division au contexte de crise. Pour la gauche transformatrice, cette situation constitue un défi inédit. Sa capacité de le relever sera décisive pour la place qu’elle occupera dans le paysage politique, mais aussi pour le développement des résistances et des luttes sociales et l’avenir de l’ensemble de la gauche. Dans ce bras de fer entre forces du marché et souveraineté populaire, il s’agit de rétablir et de redéfinir ce que signifie politique, ce que signifient souveraineté populaire, droit de choisir, intérêt commun. La défense de ce qui subsiste des acquis sociaux et démocratiques reste, certes, d’actualité mais ne peut suffire.

La transition vers une autre économie est aujourd’hui à l’ordre du jour. Le concept de démocratie économique pourrait exprimer une nouvelle ambition, concrétiser la volonté de se réapproprier le pouvoir politique face aux grandes puissances économiques et l’oligarchie. Une telle intervention multidimensionnelle actionnerait tous les leviers possibles (au niveau des États et de l’UE, des institutions, entreprises, sphères de la production et de la circulation....) afin de changer les finalités de l’économie à concevoir et orienter en fonction des besoins humains et écologiques. C’est dans cette voie que le développement d’une nouvelle qualité sociale, écologique, démocratique peut être envisagé. Une nouvelle volonté de démocratie doit aussi se confronter à la transformation des États nationaux qui sont devenus des « market state » (États pour les marchés, et non l’intérêt général), très éloignés de l’État social ou de la démocratie parlementaire, en organisant la répartition des richesses et des pouvoirs en faveur du capital, au détriment du travail. La confrontation autour des pouvoirs, sur le plan politique et économique, constitue une question centrale pour les luttes actuelles dans chaque pays et en Europe.

Élisabeth Gauthier

3) De Louis XVI à Nicolas Sarkozy, la science économique au pouvoir

Par Arnault Skornicki, politiste, maître de conférences à Paris-Ouest Nanterre

1774 : le jeune Louis XVI nomme Turgot à la tête du Contrôle général des finances, alors le poste le plus en vue du gouvernement. Ce choix n’est pas insignifiant : c’est celui d’une grande figure des Lumières, administrateur éclairé et surtout économiste favorable au « laisser-faire ». Contre toutes ses traditions et croyances, la monarchie vieillissante a cru bon de consacrer une science encore jeune et audacieuse, l’économie politique. Il est vrai que le régime était empêtré dans de graves soucis d’endettement (déjà), et que son autorité soit disant absolue s’avérait chancelante. Non seulement la royauté s’offrait une deuxième jeunesse en apparaissant comme « éclairée », mais l’économie semblait fournir la solution à bien de ses maux : contre les privilégiés, la promesse d’une fiscalité uniformisée et performante ; une croissance inédite portée par la libre concurrence ; un État renforcé et rénové. La science économique, au service de la monarchie absolue.

Le ministère Turgot n’a pas fait long feu, et provoqué au passage une immense vague d’émeutes de la faim (la « guerre des Farines »). Mais son échec ne marqua pas la fin de la présence des économistes au sommet de l’État : peu de temps après la disgrâce du ministre en 1776, c’est un banquier genevois, Necker, qui fut nommé à sa place … Il est vrai que le grand rival de Turgot était bien plus sceptique quant aux vertus du libre-échange, et que la science économique n’a jamais été uniforme. Reste que les liens incestueux entre celle-ci et le pouvoir politique a une vieille histoire, et il n’y a guère que la vulgate libérale pour affirmer que le libéralisme n’éprouve que détestation pour l’État.

2008 : Jacques Attali remet au Président de la République le rapport du Comité pour la libération de la croissance française, véritable ode à la concurrence libre et non faussée. Pour l’occasion, il croit judicieux de lui lire la fameuse lettre de Turgot au Roi où il dénonçait l’emprise des privilégiés et courtisans sur l’État. La scène est cocasse : nul besoin d’insister sur l’arrogance, la servilité et l’aveuglement de l’ancien conseiller de François Mitterrand, quelques mois à peine avant l’éclatement de la crise mondiale que l’on connaît. Relevons seulement ici l’incroyable persistance de vieilles croyances économiques, qui gouvernent encore aujourd’hui tant nos gouvernants. Autant Turgot et ses amis étaient des hommes des Lumières progressistes et inventifs, favorables à la liberté d’expression et même à des formes d’assemblées élues. Autant les économistes libéraux actuels, souvent fort liés aux grands intérêts économiques et politiques, apparaissent aussi conservateurs que prisonniers de conceptions pourtant bien secouées par la déflagration du système financier. L’occasion est pourtant trop belle de défaire l’hégémonie culturelle de ces théories discréditées, et de remettre l’économie au service de la démocratie.

Alors que les économistes hétérodoxes français ont déclaré récemment leur indépendance en fondant l’Association française d’économie politique, les formes alternatives d’organisation économiques et politiques ne manquent pas qui puissent servir de socle et d’inspiration à la gauche de gauche. SCOP, AMAP, économie solidaire : autant de forces sociales dispersées qui méritent toute l’attention des intellectuels et militants politiques. Souvent réduits à une dénonciation morale du néolibéralisme, les Indignados incarnent eux aussi la promesse d’un renouveau des pratiques démocratiques, directes et délibératives. Ils n’en exigent pas moins une réforme de la démocratie parlementaire, d’autant plus urgente que les marchés et l’Europe n’ont pas eu de peine à imposer leurs hommes à la tête des gouvernements grec ou italien. Reste que le système des partis est resté largement sourd à leurs appels. Cependant, en dépit de leurs limites, Die Linke en Allemagne ou le Front de Gauche en France, indiquent la voie d’une représentation politique de ces mouvements sociaux. Pour ne pas complètement désespérer des partis et faire que la démocratie, un jour, ne soit plus ce vain mot vidé de sa substance par un capitalisme prédateur.

Arnault Skornicki

4) La démocratie représentative devenue mythologie

Quelles conditions pour une renaissance des pratiques politiques  ?

Dans Libération du 10 novembre, à propos de la Grèce, Alain Duhamel a qualifié l’idée de référendum de « mythologie », en ouverture d’une chronique qui a le mérite de poser le problème de la démocratie en termes clairs. Ce texte permet en effet l’ouverture d’un débat de fond, non caricatural. D’un côté, il commence par interroger longuement l’indignation que cette proposition de référendum a suscitée ici et là, et remarque que, pour certains, « la politique est une chose trop sérieuse pour qu’on la confie aux citoyens ». D’un autre côté, il argumente avec conviction en faveur de l’annulation de ce référendum, au profit d’élections législatives anticipées, moins simplificatrices à ses yeux, et tout autant organisées autour du principe du suffrage universel. C’est pourquoi, à juste titre, Alain Duhamel voit dans ce débat « la querelle éternelle entre partisans de la démocratie directe et partisans de la démocratie représentative ». Il manque toutefois à cet argumentaire quelques petits détails qui ont une certaine importance.

Le premier, c’est que, en attendant ces élections, le peuple grec subira un plan de rigueur apocalyptique, dont chacun sait qu’il l’aurait rejeté. Aucun processus démocratique n’aura donc précédé son application. Et puisque Alain Duhamel souligne que la plupart des pays ont adopté cette « démocratie représentative », il faut remarquer qu’à l’occasion du traité de Lisbonne par exemple, cela a conduit à son imposition autoritaire aux peuples qui n’ont pu se prononcer. À quoi il faut ajouter que les Français ayant rejeté ce traité par référendum (alors que ses « représentants » parlementaires l’approuvaient à 80% et ne le « représentaient » donc pas), l’actuel président de la République l’a finalement imposé par voie parlementaire, soutenu par l’essentiel du Parti socialiste, avec l’argument explicite qu’un référendum aurait conduit à un nouveau rejet. Il est donc certaines situations dans lesquelles l’alternative ne se situe pas entre démocratie représentative et référendum, mais entre référendum et démocratie tout court.

Deuxième petit détail  : dans la plupart des démocraties représentatives, dont la France, le suffrage universel ne conduit pas à choisir une politique mais une personnalité ou un groupe d’élus, non pas chargés d’appliquer une politique, mais soudain dépositaires d’un véritable pouvoir face auquel les citoyens n’ont plus aucun moyen réel autre que les diverses formes de luttes sociales. Entre deux votes, le peuple n’est donc « plus rien », selon l’expression de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi un nouveau président peut-il – comme c’est le cas en France depuis tant d’années – pratiquer une politique sans rapport avec les discours qui avaient conduit les citoyens à lui confier ce pouvoir, sans que rien dans les institutions ne leur permette de le reprendre. N’est-ce pas cette « démocratie représentative » qui, en donnant le sentiment de n’être plus « représenté », pousse aussi bien aux records d’abstention qu’à la montée de l’extrême droite  ? D’autant qu’en France les élections ne sont pas proportionnelles comme en Allemagne, l’exécutif ne peut être renversé comme en Angleterre ou en Italie, les citoyens n’ont pas le droit d’imposer un référendum comme en Suisse. Dès lors, on finit, comme on ne cesse de l’entendre ces jours-ci, par nommer « courage politique » le fait d’imposer une politique que le peuple désapprouve, et « populisme » toute aspiration à ce que les citoyens participent activement aux décisions. Après tout, puisqu’on parle souvent de « compétence », la crise actuelle et ses dramatiques conséquences résultent des décisions de quelques grands « experts » d’« en haut », contre l’avis d’une majorité de citoyens qui pour travailler n’en réfléchissent pas moins « en bas », pour parler vite. Certes, le peuple peut bien se tromper, mais en démocratie, c’est son droit, et ce droit doit l’emporter sur celui qui permet à quelques-uns de le tromper. Et lorsqu’on sait que, en Grèce comme en Italie, les deux personnalités chargées d’appliquer les plans d’austérité sont issues de la même banque américaine Goldman Sachs qui n’est pas pour rien dans l’actuelle crise financière, et que l’un est membre de la fameuse « commission trilatérale » lorsque l’autre est membre du Club Bilderberg, deux éminentes organisations que le capital s’est données pour gérer ses intérêts à l’échelle internationale, on comprend que les deux peuples concernés n’auront pas eu un mot à dire pour être pilotés par ceux qui ont provoqué leurs naufrages.

Dans ces conditions, qualifier – comme le fait Alain Duhamel – l’hypothèse référendaire en Grèce de « suicide collectif » paraît peu raisonnable. Face à des situations historiques aussi menaçantes pour les peuples, on voit bien que l’actuelle Constitution française, plus centralisée que toutes les autres Constitutions européennes, ne peut conduire à rien de solide. Établir une représentation proportionnelle, renforcer les pouvoirs du Parlement, réduire fortement ceux de la présidence, créer un véritable droit de référendum populaire (encadré par des conditions qui préservent l’importance de la représentation élective des partis politiques), ce sont quelques conditions, parmi d’autres, d’une véritable renaissance des pratiques politiques, en France comme en Grèce. Cela s’appelle une VIe République.

(*) Auteur de Je vote donc je pense, Éditions Milan.

Jean-Paul Jouary


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