« Sarkozy croit purger le malade en le saignant »

jeudi 8 décembre 2011.
 

A quelques heures du discours du chef de l’Etat à Toulon sur la crise européenne, Jacques Généreux, proche de Jean-Luc Mélenchon, fustige une « soumission à la discipline des dogmes néolibéraux. »

Economiste en chef de Jean-Luc Mélenchon, Jacques Généreux prédit, demain à Toulon, un appel de Nicolas Sarkozy aux Français à « se soumettre à la discipline commune des dogmes néolibéraux ». Et défend la politique du Front de gauche face à la crise.

Nicolas Sarkozy de retour à Toulon. Quel bilan faîtes-vous depuis son premier discours sur la crise financière ?

On est à mille lieux des engagements pris par le chef de l’Etat en 2008. Aucune sanction contre les responsables de la crise, pas de limites aux mouvements de spéculation... Et un reniement : il avait alors pris l’engagement de ne pas mener de politique d’austérité ! On en est déjà au deuxième plan de rigueur, en attendant un troisième... A Toulon, Nicolas Sarkozy va justifier les efforts nécessaires et préparer les Français à l’idée que les Etats-nations européens doivent désormais se soumettre à la discipline commune des dogmes néolibéraux. Justifier encore plus d’austérité.

Les économistes du Front de gauche se sont réunis mardi à Paris : quelles seraient les mesures que vous prendriez face à la crise des dettes européennes ?

En France, à part le Front de gauche, la droite et la gauche proposent l’austérité comme seule solution à la crise. Nicolas Sarkozy croit encore au dogme de l’austérité salvatrice, celle qui va purger le malade en le saignant. François Hollande croit aussi que l’on n’a pas d’autres choix pour faire une politique sociale que de redresser d’abord les comptes publics. C’est une stratégie imbécile ! Nous avons eu sous les yeux, avec la Grèce, la preuve que cela mène à la catastrophe : une telle politique dégrade encore plus les comptes publics, augmente le chômage et ne casse pas la spéculation...

Mais que ferait le Front de gauche concrètement ?

Mettre d’abord au pas la finance puis relancer l’activité par une planification écologique et un autre partage des richesses. Pour se rendre indépendant des pressions des marchés, il faut impérativement que le système européen de banques centrales - dont la banque centrale centrale européenne (BCE) - puisse prêter aux Etats à taux réduits et acheter directement de la dette souveraine des pays... On casserait alors la spéculation actuelle qui touche la zone euro.

Cela suppose de revenir sur l’indépendance de la BCE. Comment faîtes-vous avec des Allemands qui n’en veulent pas ?

D’abord, j’observe qu’on ne nous traite plus, sur ce point, d’archaïques, de fous. Ces idées, par la force de la crise, ont fait leur chemin. Les faits nous ont donné raison : il faut remettre en cause ce dogme dominant d’une indépendance de la BCE. Ce que nous dénoncions déjà lors du référendum européen de 2005. Certes, l’Allemagne est résistante mais vous voyez comment les taux d’intérêt s’envolent ! L’Allemagne elle-même la semaine dernière a eu des difficultés à refinancer sa dette. Les marchés ne laissent pas d’autres choix que de revenir sur les statuts de la BCE. Que croyez-vous qu’il va se passer si les taux d’intérêt de l’Italie s’envolent à plus de 10% ? On n’attendra pas une réforme des traités ! L’UE ne peut laisser un Etat s’effondrer.

Pourquoi, si cela est si simple, les Allemands ne bougent pas ?

Ils vont bouger... Les prises de position des syndicats allemands ont déjà évolué sur le sujet. Nous sommes les victimes de cette phobie singulière qu’on les Allemands de l’inflation, une peur panique liée à son histoire. Or, contrairement à la période des années 1930, nous ne risquons pas de choc inflationniste. Au contraire... Et puis sur le plan politique, ce serait un suicide pour Angela Merkel que de plier aujourd’hui sur cette question après avoir défendu si fortement l’indépendance de la BCE. Cette résistance politique est criminelle car destructrice pour l’Europe.

Sauf que rien ne peut se faire sans les Allemands. Donc sans eux, pas de politique du Front de gauche...

Mais nous avons un avantage : nous sommes pour le principe de désobéissance si nous ne pouvons pas faire autrement ! Le PS est dans la négociation, la conviction, le consensus... Nous, nous prévenons nos partenaires que nous sommes prêts à le faire tout seul. Nous espérons ne pas en arriver là mais s’il le fallait, nous le ferions. Pour l’Allemagne, ce serait terrorisant de voir la France prendre des marges de liberté qui entraineraient d’autres pays européens. Immédiatement, les Allemands diraient : ’’Ok, on va discuter...’’ Aujourd’hui, les gouvernements n’acceptent de faire quelque chose que sous la pression de la catastrophe.

Propos recueillis par Lilian Alemagna


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