Le droit au logement opposable : dès aujourd’hui ! (Marie Noelle Lienemann)

jeudi 4 janvier 2007.
 

Le Président de la République propose dans ses vœux de nouvel an, l’instauration d’un droit au logement opposable. Il y a désormais urgence, car les évolutions vont à rebours avec la hausse des coûts, l’augmentation des expulsions, l’allongement des listes d’attente de HLM, l’accroissement du nombre de mal logés et un nombre inacceptable de personnes sans domicile fixe. J Chirac est vraisemblablement en fin de mandat et on peut craindre que ces propos ne soient pas suivis d’effets. Pourtant, Il peut encore faire taire ceux qui lui reprochent de ne jamais tenir ses promesses. Il le peut en inscrivant le droit au logement opposable dans la Constitution, au cours de sa révision qu’il a programmé pour ce printemps. Ce serait un signe fort et un point d’appui incontestable pour que les politiques publiques, à tous les échelons, s’imposent une obligation de résultats. C’est le sens de la lettre que je lui ai transmise, le 28 décembre.

Ensuite ou plutôt simultanément doit être déposé un projet de loi qui organise la mise en œuvre de ce droit, sa progressivité et définisse des priorités claires pour la première étape. En tout cas, s’agissant d’un droit fondamental, c’est bien l’Etat qui doit en être le garant et assurer cette opposabilité. En revanche, L’Etat doit pouvoir se retourner contre les collectivités locales défaillantes ou négligentes. Il doit aussi pouvoir transférer cette compétence, et les moyens nécessaires, à des agglomérations, départements ou régions qui demanderaient à assurer cette responsabilité. Cette opposabilité doit être universelle et ne saurait se limiter pas à un droit à l’hébergement. En effet, les mal-logés ne sont pas seulement les SDF, qui, bien sûr, doivent immédiatement se voir offrir un hébergement permanent et durable en vue d’obtenir un logement. Mais, il faut, aussi, répondre à toutes celles et ceux qui vivent dans un habitat insalubre, ou entassés dans des logements trop exigus, qui subissent une cohabitation forcée, etc.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’obligation de résultats ne sera atteinte qu’au prix d’importants moyens consacrés au logement, d’une politique de réduction des prix du foncier, de l’immobilier comme des loyers et d’une relance immédiate et massive du logement social. Du logement social sous toute ses formes, public ou privé, en locatif comme en accession, mais du logement mais vraiment social, sans se payer de mots. On ne dénoncera jamais assez le paradoxe actuel d’un nombre record de constructions neuves, mais d’une part dérisoire de la production de logement correspondant à la grande majorité de la population et plus encore de ceux qui sont en attente d’un logement décent.

Le gouvernement parle d’une production annuelle de 80 000 logements HLM ; il faut savoir que c’est moins de 54 000 qui correspondent à des familles dont les ressources sont, pour un couple avec un enfant, inférieures à 2,5 Smic et moins de 7500 logements dit d’insertion pour celles qui vivent avec moins de 1, 5 SMIC. Dans le même temps 75 000 foyers, gagnant moins de 3 SMIC, qui au début des années 2000, accédaient chaque année à la propriété ne le peuvent plus. On voit bien que la situation du logement social se dégrade et que cela ne saurait durer.

L’opposabilité du droit au logement doit être un catalyseur des changements qui s’imposent, mais les candidats aux présidentielles doivent s’engager clairement sur sa mise en œuvre du droit et indiquer, dés à présent, les moyens concrets qu’ils mobiliseront dés leur élection. Il y a urgence sociale et le temps pour réaliser un logement est nécessairement assez long.

Lorsque Jules Ferry a fait voter une loi rendant l’instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire, les députés savaient que tout ne serait pas acquis du jour au lendemain. Ils pensaient que l’obligation législative pousserait à des efforts importants, persévérants, créerait une mobilisation générale et que l’intendance suivrait. Nous devons relever un défi du même ordre pour le droit au logement. Nous devons le faire dans un pays plus décentralisé, dans un secteur où de très nombreux acteurs interviennent. Voilà une formidable occasion de montrer comment doit et peut agir un Etat moderne, mais aussi et surtout de donner force et crédibilité à notre République.

Marie Noelle Lienemann


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