La « liberté » imposée au peuple libyen ne peut être celle de la charia (communiqué du MRAP)

jeudi 3 novembre 2011.
 

Le MRAP avait, le 10 décembre 2007, condamné l’accueil réservé par Nicolas Sarkozy au Président Khadhafi comme « une véritable provocation envers tous ceux pour qui…[les] droits [de l’homme] sont inaliénables ». Dès le début des manifestations de 2011 contre le régime de M. Khadhafi, il avait exprimé sa solidarité avec le peuple libyen et son indignation face à la « répression barbare contre une foule désarmée qui ne fait que réclamer son droit à la dignité. »

Le 3 mars 2011, le Mrap avait condamné toute intervention étrangère, estimant que même sous le couvert de l’ONU, elle « n’apporterait pas la démocratie mais le chaos, que c’est au peuple libyen et à lui seul qu’il appartient de décider librement de son avenir. ».

Après l’adoption, le 17 mars dans la nuit, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution 1973, permettant, sous certaines conditions la création d’une « zone d’exclusion aérienne » en vue de « protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque », ainsi que l’application de l’embargo sur les armes et le gel des avoirs, le MRAP avait exprimé son inquiétude face à toute intervention qui risquerait de ne pas se limiter à la stricte protection des populations civiles, rappelant que les changements ne sauraient être imposés de l’extérieur par des interventions militaires étrangères.

Le 30 mars, dans un appel unitaire, le MRAP avait renouvelé son inquiétude face à l’escalade militaire et réclamé « l’arrêt des bombardements et le retrait de l’OTAN, l’engagement d’initiatives politiques pour l’établissement d’un cessez-le-feu multilatéral. »

La suite devait hélas lui donner raison. L’intervention de l’OTAN est sortie du cadre d’une stricte protection des populations civiles et s’est mise, comme en Irak et en Afghanistan, au service des intérêts politico-économiques des puissances essentiellement occidentales. La mission de protection n’a pas été remplie puisque les gouvernements concernés sont restés muets devant les exactions commises à l’encontre des populations noires de Libye - pour beaucoup migrants d’Afrique subsaharienne - accusées d’être « des mercenaires » à la solde de Kadhafi. Les bombardements incessants de l’OTAN ont à leur tour entraîné la destruction et la mort de milliers de civils.

Comme le déclare Francis Perrin, vice Président d’Amnesty International, « pour une construire une nouvelle Lybie, il faut que les nouvelles autorités montrent qu’elles sont prêtes à rompre avec les pratiques d’un régime qui a commis de nombreuses violations des droits de l’Homme ». Or, hélas, les derniers événements ne peuvent que confirmer notre inquiétude. Les crimes commis par Kadhafi ne sauraient en aucun cas justifier son probable lynchage, encore moins les exécutions sommaires de soldats. L’exécution d’un prisonnier de guerre – fût-il Muammar Khadafi - est, au regard du droit international, un crime de guerre, dénoncé par des organisations internationales de défense des droits de l’homme.

A peine annoncée la « libération » du pays, le président du Conseil National de Transition - Moustapha Abdeljalil - a donné un aperçu de ce qu’il entendait par « liberté » en annonçant à Bengazi qu’ « En tant que pays islamique nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violerait la charia est légalement nulle et non avenue », citant clairement en exemple la loi sur le divorce et le mariage, même si le régime déchu avait réglementé et non interdit la polygamie.

Une telle annonce comporte de graves menaces pour les droits des femmes en particulier. Le MRAP dénonce cette grave décision : la charia ne saurait conduire à « la liberté » quand bien même elle serait voulue par une partie du peuple libyen.

Ces déclarations avaient provoqué la colère, d’Othman Bensassi, membre du CNT en tant que représentant de la ville de Zouara qui a déclaré le 25 octobre sur les ondes de RFI que ce point de vue était tout simplement celui du président et en aucun cas le sien ni le « point de vue de la majorité du CNT » . Le MRAP veut y voir le gage qu’une telle décision reste loin de la réalité.

Le peuple libyen, déchiré par une guerre meurtrière, après 40 ans d’une dictature sanglante, a droit à la démocratie, au respect de ses droits fondamentaux, et à l’expression du suffrage universel - sans pression et avec un véritable débat - ainsi qu’à l’échange d’idées et de propositions d’alternatives. Il a également droit à la souveraineté . C’est pourquoi le MRAP appelle à un désengagement immédiat et total de toutes les forces de l’OTAN.

Paris, le 26 octobre 2011


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