Pourquoi Martine Aubry a-t-elle perdu ?

lundi 31 octobre 2011.
 

C’est donc François Hollande qui sera le candidat du Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2012 avec une majorité assez nette. Il faut le féliciter ainsi que tous ceux qui ont fait le choix d’aller participer à cette primaire socialiste. Cela démontre une volonté croissante d’en découdre avec la droite. Sans ironie, je considère toutefois que le résultat est assez banal finalement. François Hollande a été premier secrétaire du PS durant 11 ans, de 1997 à 2008. Son mandat aura été le plus long de l’histoire de ce parti. C’est vers lui que la majorité de ceux qui se sont déplacés ont voté puisqu’ils ont considéré, sous la dictée de sondages "objectifs", qu’il était le vote le plus efficace contre la droite. Pour ma part, j’en doute. Nous verrons concrètement durant la campagne. A mon avis, c’est Jean-Luc Mélenchon qui sera le plus efficace. Nous le démontrerons dans les mois qui viennent. Je n’oublie pas au passage que c’est sous le long mandat de Hollande que la gauche aura perdu en 2002 et 2007 et que le PS aura appelé à voter « oui » au TCE en 2005 avec le succès que l’on sait. Difficile de voir sa désignation comme un réel renouveau.

En réalité, selon moi, cette victoire n’est pas un réel mouvement d’adhésion vers Hollande. Elle est une désignation en creux, un brin résignée, qui marque surtout la défaite de Martine Aubry. Car, soyons franc, si Hollande qui ne représentait plus grand-chose en 2008 lorsqu’il quitte la direction du PS, l’emporte aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout parce que jamais Martine Aubry n’a réussi à être la dirigeante incontestée de son camp pendant trois ans. Jamais. Mal élue, dans des conditions plus que discutables (faut-il rappeler que c’est de 102 voix qu’elle l’emporte alors, et qu’il est établi que de la triche eut lieu dans de nombreuses Fédérations socialistes) lors du Congrès de Reims, sa majorité avait un ver dans le fruit dès son origine. Elle en paye le prix à présent. Pour le dire crûment, on ne peut rassembler les amis de DSK, de Fabius et d’Emmanuelli dans une majorité de façon claire et dynamique, avec pour seul ciment de naissance le « Tout sauf Ségolène ». On le constate donc à nouveau ce soir, le centre de gravité du Congrès de Reims était bien une ligne centre gauche.

Comme Première secrétaire, Mme Aubry a même préparé durant de long mois la venue de Dominique Strauss-Kahn, Directeur du FMI pour être candidat du PS. Si ce dernier n’avait pas été empêché dans les incroyables conditions que toute la planète connaît, elle l’aurait soutenu. Puis, de façon contradictoire, une fois candidate, durant cette campagne interne elle a voulu critiquer, uniquement sur la fin, « la gauche molle » que représentait, selon elle, François Hollande. C’était maladroit. Elle n’a avancé lors des débats aucune proposition précise sur les salaires, les retraites, etc. qui permettaient vraiment à des millions de gens, de faire la différence… Idem, sur d’autres questions, comme la nature des alliances qui seront proposées ( où elle était inaudible du fait de la présence du Modem dans son Conseil municipal de Lille), du renouvellement et des pratiques démocratiques ( où son soutien à la Fédération PS des Bouches du Rhône l’a un peu plombé) et une absence de discours clair sur la laïcité (où du fait de son clientélisme religieux dans le nord, elle n’avait pas de propos clairs), etc.. Sur tous ces points, et bien d’autres, elle n’a pas fait la différence de façon nette et visible. A partir de là, le candidat désigné par les sondages, était difficilement rattrapable. C’est donc logiquement qu’il a gagné. Il est apparu comme le plus efficace, même si je considère qu’il n’a produit aucun élan vers lui.

Les raisons de cette situation sont multiples et complexes. Mais la victoire de François Hollande, c’est la défaite de Martine Aubry. Lorsqu’on est Première Secrétaire d’un parti, que ses amis disposent de la trésorerie, du contrôle des Fédérations, de l’appareil, etc… et que l’on perd, il faut savoir se remettre en cause.

Ce message, je l’adresse particulièrement ce soir à mes amis de la « Gauche du PS », animée par Benoît Hamon pour lesquels j’ai une pensée particulière. J’écris ce billet en pensant à eux, du local du Front de Gauche, où aux cotés de Jean-Luc Mélenchon, j’ai pris connaissance du vainqueur de la primaire . Pour avoir milité longtemps avec ces socialistes de gauche, je connais leurs grandes qualités (mais aussi leurs petits défauts) et je considère une fois de plus qu’ils les gâchent dans des histoires d’appareils qui ne correspondent plus à la gravité de la période. Avec la « Gauche du PS », nous nous sommes quittés en 2008 lors du Congrès de Reims sur une divergence d’analyse de fond à propos des conclusions de ce Congrès. Eux, étaient persuadés d’avoir déplacé le curseur à gauche dans le PS, et qu’il s’agissait là d’une grande victoire historique. C’était faux. Le PS n’avait pas changé dans son centre de gravité. C’est pourquoi nous leur disions que cette « victoire » circonstanciée était bâtie sur du sable, qu’elle ne marquait en rien une inflexion vers la gauche, et qu’elle se disloquerait aux premières secousses. La triche et la confusion ne donnent jamais rien de bon. On le voit ce soir. Depuis trois ans, la gauche officielle du PS s’est rangée derrière Aubry. Elle l’a fait avec zèle. Silencieuse lors des renoncements sur l’Europe, bien peu ardente lors de la rédaction du programme du PS, elle était même prête à accueillir DSK comme candidat. Elle n’a pas fait entendre une musique politique à la hauteur de la période. C’est d’autant plus dommage, que son principal animateur était devenu le porte parole du PS. Qu’en a-t-il fait ? Bien peu finalement. Quel gâchis. Pour beaucoup, il a affaibli un capital politique longuement accumulé. Mais, pouvait-il faire autrement ? Ce n’est pas l’homme qui est en cause, car Benoît est quelqu’un de tout a fait respectable, mais un choix stratégique.

C’est dans ces conditions qu’Arnaud Montebourg, même si sa ligne n’est pas sans contradictions, parce qu’il a eu le courage de développer seul une orientation claire et pertinente a remporté un réel succès lors du premier tour. Certes, ses propositions restent bien légères sur le terrain social. Selon moi, il a eu tort de prendre position pour l’un des deux candidats socialiste du second tour et particulièrement pour Hollande. C’est pour moi une erreur, car cela annonce un discours du type "vote utile" pour les semaines qui viennent. Montebourg nous a souvent habitué par le passé à ce genre de position un peu déroutante. Qu’importe ce soir. Avec ses 17 %, il a fixé un cap. Il a démontré la grande disponibilité de quasiment un cinquième de l’électorat socialiste pour nos idées. La gauche Hamon-Emmanuelli aurait dû l’aider. Qui sait d’ailleurs si, dans ces conditions, Arnaud Montebourg ne fut pas au second tour ? J’invite donc tous mes amis de la gauche du PS à s’interroger ce soir sur leur stratégie depuis 2008. Tout ça pour ça ? L’heure est bien aux discours clairs, aux cohérences globales, tels que le fait le Front de Gauche avec son programme « L’humain d’abord ». Pour notre part, nous l’avons compris depuis 2005, lors de la campagne du TCE.

En France, le peuple de gauche est à nouveau disponible pour écrire une belle page de sa grande histoire. Soyons digne de lui. Il faut lui parler clair. Ce n’est pas François Hollande qui va incarner cette haute exigence.

C’est pourquoi la présence de Jean-Luc Mélenchon comme candidat du Front de Gauche est indispensable dans cette élection si importante. C’est avec gravité et sérieux qu’il a écouté ce soir au milieu des militants, le premier discours de François Hollande. Jean-Luc sait que c’est désormais aux 44 millions d’électeurs qu’il faut s’adresser. J’étais à ses cotés, et j’ai pu mesurer combien il était prêt pour la campagne qui s’ouvre. L’épisode des primaires est clos. Le paysage des candidats de la gauche est désormais connu de tous à peu de choses près. Ils seront vraisemblablement cinq. C’est bien, autant qu’en 1981. Ils étaient huit en 2002. A présent, c’est à la droite d’avancer à visage découvert pour que la confrontation démocratique s’engage. Que le faux suspense cesse dans ses rangs et que Nicolas Sarkozy ait le courage de dire qu’il se présentera à nouveau. En 2012, il faudra le battre.

Une nouvelle étape de la campagne électorale a été franchie ce soir. Fondamentalement, cela ne change pas grand-chose pour le Front de Gauche. Quel que soit le candidat du PS, notre offre publique de débat en direction de toute la gauche reste entière...

Place au débat ! Place au Peuple !


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