La droite perd le Sénat : bonne nouvelle ! Mais après.. ?

lundi 10 octobre 2011.
 

C’est pour moi une règle. Je vous invite à la faire vôtre. Quand la droite pleure, je ris. La défaite de beaucoup de sénateurs de droite et la perte qui semble évidente de la présidence du Sénat est un évènement historique. Il y a à présent 178 sénateurs, sur un total de 348, qui se classent à « gauche », dont 123 socialistes, à quoi il faut additionner 10 élus EELV et 21 membres du groupe CRC (essentiellement communistes) et encore 23 divers gauche et radicaux. Malgré un système électoral injuste, cette défaite de la droite est une expression supplémentaire de la profonde crise du système sarkozyste. C’est une très bonne nouvelle.

Cette nouvelle majorité doit être à la hauteur de l’enjeu. Il le faut. Le Sénat doit bloquer beaucoup des coups portés par le gouvernement actuel. C’est indispensable. Le fera-t-elle ? Je l’espère. Je ne fais aucun procès d’intention mais hier soir, nombre de dirigeants socialistes ont déclaré qu’ils ne feraient pas de blocages systématiques aux projets législatifs portés par le gouvernement actuel. Etonnant et inquiétant. De plus, j’ai entendu Martine Aubry indiquer que cela devait permettre « d’engager le troisième acte de la décentralisation ». Ah bon ? Qu’est-ce à dire ? A l’heure où la revendication principale est l’égalité sur le territoire, mise à mal par la décentralisation, ce n’est pas très rassurant. De mon point de vue, il faut stopper au plus vite tous les effets dévastateurs de la décentralisation actuelle qui disloque tant de politique publique.

Il va falloir donc être très vigilant. La question majeure est donc : le sénat n’est plus à droite, mais après ? « L’anomalie démocratique » (comme le disait Lionel Jospin) est-elle réparée par le résultat de dimanche ? Je ne le crois pas.

Il est de plus un problème de fond. Au Sénat le groupe socialiste se paye la part du lion de cette victoire. Avant de rentrer dans le détail, je rappelle qu’il dirige 21 Régions sur 22 et la plupart des grandes villes (Paris, Lille, Montpellier, Toulouse, Rennes, Lyon, etc...). Il va désormais également contrôler le sénat. Fera-t-il de cette institution un outil pour stopper les mauvais coups de la droite ? Et, de plus, va-t-il proposer des réformes pour corriger à l’avenir les déformations manifeste du corps électoral ? Ou à l’inverse, le PS va-t-il se féliciter et se contenter de cette hégémonie ? Qu’on en juge. Avec 123 sénateurs, sur un total de 348, le PS représente 36 % de l’Assemblée. L’UMP en compte 124 (plus 19 divers droite qui sont des "UMP déguisés"), soit 38 %. Ces deux partis ont donc 75 % des sénateurs, c’est-à-dire le 3/4. Cet état de fait accentuant un bipartisme est-il acceptable ? Est-il conforme à la réalité électorale française ? Pour moi, non. Quelques chiffres pour en juger.

En 2007, lors de l’élection présidentielle, la candidate PS obtenait 25,8 % des suffrages. L’UMP en obtenait 31 %. A eux deux, cela représentait 56 % des suffrages exprimés. Ce n’est pas tout. Si l’on regarde des résultats d’élections au suffrage proportionnel (donc normalement plus juste), telles les élections européennes de 2009, le PS obtient 16,4 % et l’UMP 27,4 % (total environ 44 %). Lors des régionales de 2010 le PS (souvent dans des listes d’union) obtient 23,5 % et l’UMP 26 %, soit un total de 49,5 %. Enfin, lors des cantonales de 2011, les candidats PS rassemblent 24,9 % et l’UMP 17 %. Soit un total de 42 %. Comment expliquer alors que lors de chaque élection, depuis 5 ans, ces deux formations, si on les additionne, oscillent entre 42 et 56 % des suffrages, mais en obtiennent beaucoup plus quand il s’agit du sénat (et l’on retrouve la même situation à l’Assemblée nationale). Le PS devrait veiller à corriger cette distorsion de la souveraineté populaire. C’est un enjeu démocratique majeur. En a-t-il conscience ? Que va-t-il proposer ? J’ai entendu peu de commentaires allant dans ce sens dans leurs rangs, et je mets en garde contre une arrogance si familière dans ce parti. Elle peut coûter cher demain. Gâre au miroir déformant qui vous renvoie une image flatteuse ! Même si le résultat est heureux, dimanche, ce n’est pas le peuple qui s’est exprimé de façon directe. Les milieux populaires étaient encore bien loin.

Peut-on donc tolérer plus longtemps un scrutin sénatorial inique et antidémocratique ? Il est temps pour le peuple de reprendre le pouvoir. Le Sénat doit disparaître au plus vite dans sa forme actuelle. Plus que jamais, une assemblée constituante pour bâtir une VIe République est une tâche urgente. J’observe que la critique des institutions de la Ve République est la grande absente des propositions du PS. J’insiste aussi sur le fait que la représentation des femmes est en recul dans cette assemblée. Elles ne sont plus que 22,31 %, alors qu’elles étaient 23,32 % en 2008, et 29,28 en 2001. Que va faire la majorité de gauche pour corriger cela ? Au passage, je ne me refuse pas le plaisir de souligner la présence des femmes dans chaque groupe : Front de Gauche (54%), EELV (50%) ; PS (20%), RDSE (11%), UC (27,5%), et l’UMP (19,7%). Sur ce sujet, comme sur d’autres, il y a les mots et il y a les faits.

Une dernière chose. Désormais, le PG n’aura plus aucun sénateur. C’est une mauvaise nouvelle. Nos deux élus sortants n’avaient pourtant pas démérité. Je pense notamment à la loi pour la défense et la promotion de la laïcité portée par ma camarade Marie-Agnès Labarre qui était jusqu’à dimanche sénatrice de l’Essonne. Qui portera à présent ce genre d’exigence ? Les grands électeurs du PG ont pourtant participé à cette victoire. Ce fut par exemple mon cas dimanche. J’ai voté pour une liste où aucun de mes amis n’avait été accepté. Pourquoi ? La réponse est simple. Les négociateurs socialistes n’ont pas voulu que nous puissions avoir notre place sur les listes de gauche présentée sur l’ensemble du territoire. Au delà des grandes déclarations, cela illustre la façon dont ils conçoivent l’union avec leurs partenaires : Donne moi ta montre et je te dirai l’heure ! Et bien pas d’accord. A Paris, sans les 30 voix de grands électeurs du PG, le 8e siège ne basculait pas à gauche. Nous avons donc joué un rôle majeur dans cette victoire. Je sais que la politique est affaire de rapport de forces et que l’ingratitude est souvent la règle, mais pour ma part, je ne voterai plus pour des listes qui écartent ma formation politique. Qu’on se le dise. La leçon est simple. Si vous voulez que les idées portées par le PG existent et sois représentées, ne faites confiance à personne d’autres, il faut voter pour les candidats PG et ceux soutenus par le Front de Gauche.

Dernier détail anecdotique. L’UMP parisienne est en pleine débandade avec seulement deux élus pour 4 sortants. Quelle déroute ! Le dissident Pierre Charon est élu. Cet homme trouble, que Nicolas Sarkozy nommait jadis son « Conseiller rire et chansons », démontre les contradictions et tensions qui déchirent l’UMP. Vient « l’effet papillon ». Chantal Jouanno nouvelle sénatrice élue dimanche, a démissionné du gouvernement pour se consacrer au vote pour la présidence du Sénat (qui se jouera à une poignée de voix) et aussi au 12e arrondissement où elle compte venir affronter la gauche lors des prochaines législatives et municipales. Après Arno Klarsfeld, Jean-Marie Cavada, Christine Lagarde qui venaient tous pour, juré et promis, « s’installer et rester » dans le 12e, la voilà à présent. Une belle bagarre s’annonce dans la 8e circonscription de Paris qui couvre la majorité du 12e arrondissement. Nous en reparlerons.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message