L’évolution à travers le prisme de la séduction

jeudi 22 septembre 2011.
 

Pour Thierry Lodé, dans la théorie contemporaine de l’évolution, la sélection naturelle devrait céder peu à peu en importance, au profit de la sélection sexuelle. La biodiversité amoureuse. Sexe et évolution, de Thierry Lodé,Éditions Odile Jacob, 2011, 
342 pages, 23,90euros.

La sexualité a bouleversé l’évolution. De l’union de deux êtres dissemblables (mâle et femelle) naîtra un troisième être différant de ses deux parents par une multitude de caractères. La sexualité est donc une force motrice qui produit de la différence. 95% des animaux se reproduisent sexuellement et l’excentricité des amours animales (décrites dans ce livre) ne connaît guère de limites, de la danse des papillons au chant des baleines. L’auteur en conclut que la théorie darwinienne de l’évolution pourrait bien en être modifiée.

Douze ans après avoir publié l’Origine des espèces, Darwin écrivit la Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe. Dans ce dernier ouvrage, la sélection sexuelle pénètre la théorie de l’évolution sur un mode parallèle à la sélection naturelle, parce que la vie amoureuse des animaux se présente comme un gaspillage inouï d’énergie, une exubérance d’organes superflus, non éliminés par la sélection naturelle. Les parades nuptiales, l’érotisme, le désir jouent donc un rôle majeur dans l’évolution. Les caractères extravagants des mâles (plumage éblouissant du paon et de nombreux oiseaux, nombreux types de parades nuptiales, etc.) attirent les femelles et sélectionnent les meilleurs reproducteurs. Pour Thierry Lodé, dans la théorie contemporaine de l’évolution, la sélection naturelle devrait céder peu à peu en importance au profit de la sélection sexuelle.

Mâles et femelles n’ont pas les mêmes intérêts dans la reproduction, ce qui entraîne souvent une « guerre des sexes »  : le lion mâle, pour rester dominant, cherche à tuer les lionceaux élevés par les femelles  ; la mante religieuse décapite son partenaire après l’accouplement. D’un autre côté, l’hybridation entre espèces différentes constitue un fait fréquent dans la nature  : par exemple le colvert peut s’hybrider avec plus de cinquante et une espèces différentes de canards  ! Ces hybridations interspécifiques se rencontrent chez les insectes, les poissons, les grenouilles, les oiseaux, les mammifères et dans tout le règne végétal. L’espèce pourrait ainsi céder la place au « complexe d’espèces », tel celui des éléphants d’Afrique. Tous ces faits ne s’inscrivent pas facilement dans la théorie darwinienne de l’évolution.

La sexualité n’est pas toujours liée à la reproduction. L’auteur présente une « théorie des bulles libertines » contenant et échangeant de l’ADN lors des premiers pas de la vie sur terre. Ce « libertinage » serait à l’origine de la sexualité, et l’implication du processus dans la reproduction ne serait apparue que plus tardivement. L’évolution aurait finalement comme moteur principal la reproduction différentielle qui implique séduction, érotisme et désir. « Il n’y a pas de sélection par la mort mais par l’amour », affirme l’auteur.

Paul Mazliak, historien des sciences

Tribune dans L’Humanité


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