Fonderies du Poitou Alu : reprise du travail après deux mois de grève (8 articles)

samedi 29 octobre 2011.
 

Les salariés de la Fonderie du Poitou Alu (FDPA, groupe Montupet), paralysée depuis deux mois par une grève et placée en redressement judiciaire, ont voté jeudi en assemblée générale la reprise du travail pour vendredi, selon la CGT.

Environ "95% des 300 grévistes" qui ont participé à l’AG en milieu de journée ont voté la reprise du travail pour vendredi, a indiqué Géry Bégeault, représentant CGT de l’intersyndicale CGT, CFE-CGC, FO et UDT. Les salariés ont accepté "l’accord de fin de conflit" qui constate "la caducité du plan de compétitivité", voulu par la direction du groupe Montupet, à l’origine du conflit et qui prévoyait jusqu’à 25% de baisses de salaire", a-t-il ajouté. "La production va reprendre progressivement (...). Mais la production" du site, qui fabrique des culasses principalement pour Renault, "ne reprendra normalement qu’en fin de semaine prochaine", a estimé le syndicaliste.

Par ailleurs, le ministre de l’Industrie, Eric Besson, a annoncé jeudi qu’il avait commandé un audit du site et cherchait un repreneur pour cette entreprise en redressement judiciaire. Le ministre a fait savoir dans un communiqué que ce plan n’était "acceptable ni sur le fond ni sur la forme". Il ajoute qu’il a commandé un audit industriel du site, qui a démarré le 24 octobre, et il attend les conclusions "sous dix jours". Entre-temps, Carlos Ghosn, PDG de Renault, s’est engagé à continuer à s’approvisionner auprès de la FDPA, dont il est le principal client "permettant d’assurer le plan de charges du futur repreneur, sous réserve que celui-ci continue de satisfaire aux exigences industrielles".

Les salariés de la Fonderie du Poitou Aluminium (FDPA) de Châtellerault sont en grève depuis le 2 septembre pour s’opposer à la volonté de leur direction, le groupe Montupet, de baisser leurs salaires de 25%.

7) Fonderies du Poitou : la voix répugnante du PDG de Montupet par Jean-Luc Mélenchon

Je suppose que vous avez tous entendu à la radio la voix répugnante du nouveau patron des Fonderies du Poitou, PDG du groupe Montupet. Ce type parle avec un fouet dans la bouche. Son argument après avoir mis l’usine en dépôt de bilan c’est « s’ils n’avaient pas fait grève, on aurait sauvé l’emploi ». Ce pauvre type avait décidé de supprimer 25 % de la paie des ouvriers. Voilà pourquoi ils étaient en grève ! Lui s’était au contraire octroyé 1,2 millions de cadeau de bienvenue dans l’affaire des fonderies après l’avoir rachetée ! Voilà le genre de héros des temps modernes que vous permet d’obtenir la bienfaisante « main invisible du marché », les amis de la « concurrence libre et non faussée » et des autres mantras du capitalisme de casino qui mène le monde. Bien sûr l’usine est profitable et ses productions sont de très haut niveau technique. « Et alors ? » dit le soit-disant performant gestionnaire, la bouche pleine de ses grosses bouchées prises sur la bête ! Il sait qu’il peut encore bien profiter. Dans un premier temps le patron vampire a bien pompé l’entreprise qu’il traite comme un « centre de coût » selon la formule consacrée. Il lui ponctionne de monstrueux frais de siège destinés à vider la trésorerie et les réserves. A présent il ferme la boîte, transfère les productions ailleurs et se régale avec la vente du foncier qui ne lui a rien coûté à l’achat de l’entreprise. Le jackpot ! La vie des gens n’est rien pour lui.

Que puis-je faire ? D’abord en parler. Ici vous informer du dessous des cartes du soit-disant discours de l’entrepreneur navré par « les grèves qui tuent l’entreprise ». En fait c’est un voyou. Puis, je me suis demandé quoi faire. A la suite des gens sur place j’ai été convaincu que l’affaire pouvait se débloquer si Renault, créatrice de cette fonderie autrefois, la rachetait pour assurer son approvisionnement. N’est-ce pas Renault qui, en 1979, a créé le site d’Ingrandes ? N’est-ce pas encore Renault qui l’a développé en près de trois décennies ? Certes le groupe a vendu cette usine en 2008. Mais ce qui a été défait ne peut-il être reconsidéré quand les intérêts de toutes les parties le demandent ? Le groupe Renault, n’a-t-il pas racheté à 100%, en début d’année, la Fonderie de Cléon en Normandie, sauvegardant ainsi l’activité et les emplois de cette usine. Renault l’avait également vendue une dizaine d’années auparavant. Mes camarades du « Front de Gauche des luttes » ont sollicité une rencontre avec la coordination CGT Renault pour bien analyser cette idée de proposer la reprise par Renault. Et de mon côté, j’ai écrit directement à Carlos Ghosn. Je lui dis :« Je m’adresse à vous aujourd’hui car c’est un fait bien établi que Renault est capable de débloquer la situation. Renault peut racheter la FDPA au groupe Montupet. C’est le souhait des salariés eux-mêmes ! C’est aussi l’intérêt de votre groupe, nous le savons bien, de sécuriser son approvisionnement en pièces de moteur d’aluminium de qualité. Pouvoir bénéficier de la production des salariés hautement qualifiés qui travaillent aux fonderies du Poitou est un enjeu industriel. La qualité des produits des chaînes d’assemblage de vos voitures y trouve son compte. » Dans cette bataille je crois que nous devons faire bloc avec les employés de Montupet comme jamais. En effet, c’est la première fois qu’un patron prend en France l’argument de la grève comme motif de la liquidation d’une usine. Je sais naturellement que la raison n’est pas là. La liquidation était prévue par le patron dépeceur. Mais en produisant cet argument de guerre civile, il cherche à se couvrir en adressant un signal au reste du patronat. Il leur dit : soyez solidaire car je vous aide à combattre les résistances de vos personnels.

6) Fonderies du Poitou : l’espoir d’une reprise par Renault

Depuis six semaines, les salariés de la Fonderie du Poitou Aluminium d’Ingrandes, dans 
la Vienne, s’opposent à un chantage aux salaires et à l’emploi. Un comité d’entreprise décisif 
se tient aujourd’hui. Reportage.

Autoroute A10. Sortie Châtellerault. Direction Ingrandes et la zone industrielle Saint-Ustre. Partout dans le paysage, des stigmates de la lutte des salariés de la Fonderie du Poitou Aluminium  : sur le bitume, les murs, le garage à vélos, les vitrines des commerçants, à la une de la Nouvelle République… « Montupet, enculé  ! »  : visiblement le slogan reste d’actualité. Sur le parking, ils sont toujours là. 
Solidaires, déterminés, disponibles pour accueillir les médias, les personnalités politiques, les soutiens. Ils sont là depuis le 2 septembre, devant et dans le local des syndicats. La production de culasses pour l’automobile est à l’arrêt total. Sixième semaine de grève et bien malin qui pourrait réussir à faire dire aux métallos qu’ils en ont ras la casquette. D’autant qu’une convocation vient d’arriver pour un comité d’entreprise extraordinaire qui se tient aujourd’hui ; est portée à l’ordre du jour la mise en cessation de paiement du site. Autrement dit, Montupet a « mis les deux genoux à terre » et la procédure de recherche d’un repreneur devrait officiellement pouvoir s’engager.

Certes, la fiche de paye d’octobre affichera zéro. Mais qu’à cela ne tienne, « on l’encadrera et on la mettra dans le salon ou sur le frigo ». On rit. Rappelons-le, le groupe Montupet, propriétaire de l’usine depuis dix-huit mois, avait imaginé un « plan de compétitivité » pour répondre aux soi-disant exigences de ses clients, 
qui priverait les salariés de trois à quatre mois de salaire par an, avec chantage à la fermeture, alors « perdre un mois de salaire pour se battre, vous savez… ». « La cessation de paiement est paradoxalement accueillie comme “une bonne nouvelle”. Parce que, de toute façon, bosser pour Montupet, plus jamais  ! » Qu’ils soient mainteneurs ou ouvriers de production ou cadres, qu’ils s’appellent Michel Bonomi, Frédéric Perrault ou Philippe Latus, l’argumentaire est systématiquement le même. « Les baudets du Poitou », comme les a appelés le PDG de Montupet, Stéphane Magnan, ne rient plus. L’important pour eux, « c’est de bien mesurer que si nous avions cédé, tous les patrons des boîtes des alentours et d’ailleurs auraient imposé la même misère ». 
Ce qu’ils veulent les « culassiers », c’est retourner dans le giron de 
Renault. La marque au losange les a vendus il y a douze ans, mais elle est restée le principal client malgré la scission entre les ateliers fonte et alu, malgré de multiples ventes et rachats de l’entreprise. « Ils ont 
besoin de nous  ! » Et puis « ce n’est pas l’hypothétique usine d’essuie-tout 
et de papier toilette qui devrait s’ins-taller à Ingrandes qui va sauver l’avenir industriel du Châtelleraudais  ! »

Dans le local des syndicats, les ordinateurs et le téléphone ne comptent plus les heures sup  : « Merde  ! France Inter a donné le numéro de ma belle-sœur à l’antenne et elle n’arrête pas de recevoir des coups de fils pour des soutiens ou des renseignements  ! Et puis il y a les gars de Schneider Electric qu’il faut remercier pour leurs dons et puis tous les autres  ! Il faut absolument remercier tout le monde et leur adresser des reçus pour leur compta », commande la secrétaire dans une ambiance où l’humour est de mise pour tenir face au stress. « Allez, on finit la lettre au préfet les gars  ! Et puis au président du Sénat. Comment il s’appelle le nouveau déjà  ? Et celui de l’Assemblée  ? Je sais plus là, je sais même plus où j’habite  ! » plaisante Tony Garrot, l’un des délégués CGT, sous sa sympathique chevelure bouclée poivre et sel. Il ne faut pas se tromper. Mais c’est qu’ils en ont rencontré du monde et envoyé par dizaine des courriers officiels  ! De Nathalie Artaud (Lutte ouvrière) au très à droite Jean-Pierre Raffarin, en passant par Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle, par le député européen Yannick Jadot (EELV), le député maire de Châtellerault Jean-Pierre Abellin (Nouveau Centre), la présidente de région, Ségolène Royal (PS)… Besson, Baroin, Accoyer, Larcher, Bel… On fait mine de s’y perdre, mais les têtes fonctionnent bien. « Parler politique en ce moment, pour nous, ce n’est pas la priorité, même si on est des citoyens et qu’on sait qu’on n’est pas dans le camp Sarkozy, je n’ai pas peur de le dire. Mais, sincèrement, on est avant tout concentré sur nos emplois et nos salaires », commente Xavier Poisson, un jeune délégué CGT, qui n’en finit pas de se réjouir de voir des cadres de la CGC travailler de concert et échanger leur casquette avec des cégétistes. L’unité syndicale avec FO et le syndicat autonome UDT fonctionne à plein. « Eh  ! L’Huma  ! Si tu veux visiter l’usine, on y va  ! »

Pénétrer dans l’immense bâtisse, sur les pas de « Momoche », alias Patrice Mochon, un autre des responsables syndicaux CGT de l’entreprise, c’est exceptionnel. « Pendant des années on voulait faire visiter la fonderie à des délégations, on n’en avait jamais le droit », soupire-t-il. Mais sous la pression des grévistes, la direction locale a déserté les lieux. Même le dispositif de sécurité a été levé. Une porte. Au sol, une ligne de « démarcation ». À gauche du tracé peint au sol, la Fonderie du Poitou Fonte, qui tourne. À droite, la Fonderie Alu. Une seule et même entreprise du temps de Renault. Séparation des activités. Séparation des hommes.

Il y a des décennies de cela, dans cette région, nous aurions sans doute visité « La Manu ». À l’époque, la sabrerie, la coutellerie et l’extraction de la pierre des meules étaient la fierté du Châtelleraudais. On se souvient aussi de la culture de champignons à grande échelle et, plus près de nous, de l’usine Michelin, qui a fermé. Tant de métiers disparus. Là, Patrice témoigne, poste de travail par poste de travail, d’un savoir-faire qui part d’un lingot d’alu pour arriver aux culasses qui équipent des Renault, des Dacia, mais aussi des Peugeot et des Mini-Cooper… « Nos procédés de fabrication sont quasiment sans déchets et à 2 000 euros la tonne d’alu, c’est un super atout. » Le procédé est plus avancé ici que dans l’usine Montupet de Châteauroux par exemple, qui tourne d’ailleurs à plein régime en ce moment pour alimenter les chaînes de montage automobile. « Il y avait du stock de culasses, mais pour pas mal de modèles, ils sont en train d’arriver au bout », nous explique-t-on, persuadés que la grève du Poitou doit commencer à franchement inquiéter à tous les niveaux…

Des barricades de pièces témoignent de la lutte dans les travées de l’usine. Et au sol des lingots disposés pour former deux mots bien lisibles du haut de la sablerie  : « Montupet voleurs ». À part d’intimes souffles réguliers de machines en sommeil, tout est silencieux dans les ateliers. Ces trous au sol d’un peu plus d’un mètre de diamètre, les fours (17 au total), sont vidés depuis la semaine dernière. Ils pourraient redémarrer en une semaine et permettre aux hommes de reprendre leur tâche à des températures ambiantes dépassant parfois les 50ºC. Un métier dur, mais un métier passionnant, où l’expérience permet toutes les subtilités pour atteindre la qualité qu’exigent les constructeurs d’automobiles. 
Fraisage, grenaillage, usinage, passage à la radio de contrôle  : deux culasses toutes les six minutes, 8 000 par jour quand la fonderie tourne à plein, qui sont expédiées en Espagne, dans le Nord à la Française de Mécanique, à Cléon…

228 fondeurs sont montés à Paris, en septembre, pour manifester devant le siège de Montupet, puis Renault.

« Les installations sont assez sales. Avant, chaque mois d’août était consacré au nettoyage. Depuis Montupet, on attend qu’une vibration se produise sur les gaines pour faire tomber la poussière », déplore l’un des fondeurs. « Momoche » ne peut se résoudre à quitter les lieux sans nous montrer son vestiaire de métal  : nº111193. Près de 480 vestiaires, alignés comme ça, attendant que les hommes reviennent.

Au mur, les panneaux d’informations syndicales avec des grilles de salaires qui démarrent à 1 400 euros. Les mieux payés du groupe Montupet, présent également dans l’Oise et notamment en Bulgarie où les investissements vont bon train, alors que les caisses d’ici ont été vidées. Est-ce pour qu’un plan social leur coûte moins cher qu’ils avaient décidé de diminuer les salaires de 25%  ? La question se pose. Les fondeurs ont la conviction que s’ils avaient cédé à ce chantage, « ça aurait été le début de la fin ». Maintenant, il faut que « Renault se prononce ».

Chaque jour, depuis le 2 septembre, les Fondeurs du Poitou créent l’événement. Dans les rues, à la porte des usines et des centres commerciaux et jusqu’au Sénat et à l’Assemblée. Mardi, Journée de mobilisation nationale contre l’austérité, ils prennent la tête des manifestations de Châtellerault et Poitiers. C’est aussi par solidarité avec eux que des milliers de salariés, du public comme du privé, défilent dans les rues. Juché sur le camion sono, un fondeur, bien sûr  : Éric Martin, dit « Rocky », au nom de l’intersyndicale, hurle l’urgence de mettre en place des politiques pour l’emploi, le pouvoir d’achat, la formation, la recherche-développement, avec contrôle des fonds publics, pour lutter contre la crise et « contre la course aux profits destructrice et indifférente au sort des personnes ». Si ce n’est pas déjà faire de la politique, ça…

Laurence Mauriaucourt, L’Humanité

5)

Comme on le sait la campagne que je mène n’est pas une campagne personnelle. Les objectifs visés sont politiques. La forme de la campagne autant que son programme doivent prendre place comme autant de degré franchi en vue de la révolution citoyenne que nous espérons pour notre pays.

Dans cette visée, nous savons que la résistance ouvrière est centrale. Elle sera décisive dans le déclenchement du retournement de situation que nous voulons construire. C’est pourquoi la valorisation des luttes de terrain est essentielle. Spécialement dans les cas qui permettent de faire comprendre la cupidité des hommes du système et l’ampleur des reculs sociaux qu’ils veulent obtenir. On se souvient de la prise de conscience que permis la lutte des « Conti ». On vit dans ce cas aussi que céder ne mène nulle part. Les mêmes qui avaient accepté beaucoup de sacrifices et fait confiance à la parole de leurs patrons furent ensuite en première ligne de la lutte ouvrière dans notre pays.

C’est ce qui commence dans cette fonderie. Cette fois ci la crédulité est nulle. La résistance est immédiate. La direction de la Fonderie du Poitou Aluminium, menace d’un plan social l’ensemble des salariés qui refuserait le « plan de compétitivité » présenté le 15 juillet dernier. Que dit ce plan ? Pour conserver leur emploi, les ouvriers doivent accepter une baisse de 23% de leur salaire. Les cadres et techniciens eux doivent renoncer à 14 jours de RTT et accepter que cinquante d’entre eux soient transférés vers d’autres sites en France et à l’étranger. On se souvient que pareil chantage fut servi aux « Conti » et que l’accord trouvé en 2007 fut violé deux ans plus tard par l’annonce de la fermeture de leur usine. La leçon a été entendue.

Depuis le 2 septembre, à l’appel des quatre syndicats de l’entreprise, 95% des salariés sont en grève sur les près de 500 personnes qui travaillent à la Fonderie. « On est très en colère. Faut pas qu’ils touchent à nos salaires. On a une vie de famille » dit un ouvrier à la caméra de France 3 qui, à la fin de son reportage, glisse que Marie-George Buffet et moi-même nous nous serions fait annoncés pour le lundi. C’est bon. Nous comptons sur les caméras lundi ! France 2 a déjà fait un bon reportage sur le sujet. Nos arguments sont en béton.

Source : blog de Jean-Luc Mélenchon

4) Les salariés d’une fonderie en colère contre un plan de compétitivité (Le Monde.fr)

Ils sont en grève illimitée depuis le 2 septembre pour défendre leurs salaires.

Et sont bien décidés à se faire entendre. Les salariés de la Fonderie du Poitou Aluminium (FDPA), située à Ingrandes-sur- Vienne (Vienne), sont venus manifester à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), jeudi 15 septembre au matin, devant le siège du propriétaire de leur usine, le groupe français Montupet, avant de se rendre devant les grilles de Renault, leur principal client.

Ces salariés entendent protester contre"le plan de compétitivité" présenté fin juillet par la direction de leur entreprise. Celui-ci prévoit une baisse de salaire de 13 % pour les ouvriers, à laquelle s’ajoute un passage aux 35 heures, contre 38,5 aujourd’hui.

Au total, pour les syndicats, cela équivaut à une baisse des salaires de 23 %.

Quant aux cadres, qui bénéficiaient d’un accord sur les 35 heures, ils voient celui-ci remis en cause avec la perte de quatorze jours de RTT, le gel des salaires pendant trois ans et, pour 50 d’entre eux, un "plan de mobilité" dans les autres sites du groupe (France, Bulgarie, Irlande, Espagne, Mexique). Soit, selon les syndicats, une baisse de 15 % des salaires.

ACTIONNAIRES "VOYOUS"

Près de 400 salariés, sur les 480 que compte l’usine qui fabrique des culasses en aluminum pour les moteurs de voiture, ont décidé de dire "non" à ce plan. Mardi 13 septembre, ils ont écrit une lettre à Nicolas Sarkozy pour dénoncer "la casse des emplois". "Actuellement, on travaille à 60 % de notre capacité, reconnaît Eric Bailly, secrétaire CGT du comité d’entreprise et porte-parole de l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, FO et UDT). C’est un process intéressant sous réserve qu’il y ait du volume. Or ,Montupet n’a pas investi un centime dans la fonderie."

Du côté de la hiérarchie de l’entreprise, c’est silence-radio. Le directeur n’a pas souhaité s’exprimer. Idem du côté de la direction de Montupet. Interrogé en juillet par Le Monde, Pascal Dupont, directeur de l’usine, avançait alors l’"urgence à rétablir la compétitivité du site pour garantir sa pérennité". Le but de ce plan, ajoutait-il, est "d’obtenir des volumes de production supplémentaires grâce à une politique de prix satisfaisante pour nos clients. Ce qui implique de réduire l’ensemble de nos coûts de 15 à 20 %. Les deux autres sites français de Montupet sont beaucoup plus compétitifs que nous".

A quelques mois de l’élection présidentielle, le combat de ces salariés ne passe pas inaperçu. Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes et candidate à la primaire socialiste, a dénoncé des actionnaires "voyous", accusant également le patron de l’entreprise d’avoir dans le même temps "une rémunération d’un million d’euros, des dividendes d’1,5 million, tandis que les frais de fonctionnement du siège s’élèvent à 2 millions d’euros".

Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche, est également venu soutenir les manifestants lundi. "Non, nous ne sommes pas dans leurs mains, abandonnés, à devoir subir ce qu’ils ont décidé dans leurs obscurs bureaux lointains (...) Ce que nous défendons ici, c’est notre dignité", at- il lancé devant les portes de l’usine.

"UNE VOLONTÉ DÉLIBÉRÉE DE NOUS COULER"

Car ce que craignent salariés, syndicats et élus locaux, c’est, à terme, une fermeture pure et simple de l’usine. Créée en 1980 par Renault, qui est aujourd’hui son principal client (à 85 %), FDPA a été achetée en 2002 par un fonds d’investissement américain, qui l’a revendue en 2007 à un fonds allemand, avant d’être rachetée par son concurrent Montupet en 2010. "On craint qu’il y ait une délocalisation, avance Emile Brégeon, vice-président du conseil régional de Poitou-Charentes. Que la direction de l’usine laisse pourrir la situation et qu’au final, l’usine soit fermée." Eric Bailly ne dit pas autre chose : "En nous rachetant, ils ont mis la main sur notre process, sur les brevets, sur le carnet de commandes de Renault, le tout à un très bas prix. Ce plan de compétitivité n’est pas lié à la situation financière de l’entreprise ni à celle du groupe. Il y a une volonté délibérée de nous couler."

Lundi, l’ensemble des élus du conseil général de Poitou-Charentes a voté, à la demande de Mme Royal, une résolution appelant l’Etat à intervenir auprès de Renault afin que ce dernier fasse pression sur son sous-traitant.

Même son de cloche du côté de Jean-Pierre Abelin, maire de Châtellerault et député Nouveau Centre (NC) de la Vienne. "On savait que le carnet de commandes posait problème mais la proposition de Montupet est totalement inacceptable, aussi bien sur la forme que sur le fond, s’insurge-t-il. La stratégie adoptée par Montupet fait craindre le pire." Mardi, avec Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP de la Vienne et ancien premier ministre, ils ont interpellé l’actuel locataire de Matignon, François Fillon, sur la situation de cette usine. Pour l’instant, ils n’ont pas eu de réponse. "Si la situation restait en l’état, on prendrait des intiatives plus fortes. M. Raffarin sait se faire entendre", ajoute-t-il, dans une allusion à la récente polémique sur la taxe sur les parcs d’attraction dans laquelle M. Raffarin avait réussi à obtenir gain de cause auprès de Nicolas Sarkozy.

Raphaëlle Besse Desmoulières

3) « Notre outil à nous, c’est la grève ! »

Rencontre à Châtellerault entre Jean-Luc Mélenchon, Marie-George Buffet et les salariés qui occupent la Fonderie du Poitou. Ils refusent le plan de recul social du groupe Montupet.

L’arrivée de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à la présidentielle de 2012, et de Marie-George Buffet, député communiste de Seine-Saint-Denis et responsable des luttes au sein de ce Front de gauche, était attendue hier après-midi par près de 
500 personnes sur le parking de la Fonderie du Poitou Alu d’Ingrandes, près de Châtellerault, dont toute l’activité est stoppée depuis le 2 septembre.

Pas une journée ne se passe, depuis la rentrée, sans que les fondeurs du Poitou, en lutte contre un « plan de compétitivité » qui les priverait de 23 % de salaire et de jours de RTT, ne créent l’événement dans le Châtelleraudais. Lutte emblématique contre le plan que le groupe Montupet, propriétaire de cette unité rentable de production de culasses pour l’automobile, souhaitait voir appliquer dès la fin septembre, sous la pression de son client principal, Renault. Mais cela ne fera pas reculer la détermination des salariés et de l’intersyndicale (CGT, FO, CFE-CGC, UDT syndicat autonome) à faire annuler ce plan. « Notre outil à nous, c’est la grève. Le rôle du pouvoir politique est d’appuyer notre demande et de populariser notre démarche », confiait Tony Garrot, délégué syndical CGT, peu avant que Marie-George Buffet ne prenne le micro pour apporter son soutien et s’engager « à travailler à donner à voir cette lutte pour créer des solidarités ».

Un véritable pillage de la trésorerie

Fustigeant des dirigeants empochant 23 000 euros par mois, au milieu de salariés qui comme Cédric, père de deux enfants, atteignent à peine 1 600 euros mensuels après dix ou vingt ans d’ancienneté, l’élue communiste a notamment pointé la responsabilité de Renault « qui doit imposer à Montupet de retirer son plan ». C’est avec une certaine fermeté que Jean-Luc Mélenchon a tenu, quant à lui, à apporter « aide, courage et enthousiasme » aux grévistes, les félicitant de « tenir tête » dans une « bataille énorme » dont l’enjeu « dépasse l’échelon local ». Cédric, qui attend davantage de « l’application d’une loi comme celle de modernisation sociale de 2005 que des bonnes paroles », partage néanmoins cette idée d’enjeu qui dépasse le cadre de la fonderie, car « si le plan passe ici, les autres patrons s’en serviront ailleurs »  ! Le candidat du Front de gauche, tout en se faisant expliquer en quoi le savoir-faire des 480 salariés de FDPA est unique en Europe et indispensable à Renault, a par ailleurs épluché les chiffres en compagnie de Patrice 
Mochon, secrétaire du syndicat CGT de FDPA. Et les chiffres, incomplets car la direction fait de la rétention d’informations, font déjà apparaître un véritable pillage de la trésorerie, notamment au titre de « frais de siège ». Nicolas Sarkozy en aura lui aussi connaissance, une lettre lui sera adressée. Le principe de cette « adresse au chef de l’État » a été voté à l’unanimité. « Tout passe par le vote, tous les jours, ici », a tenu à commenter Pascal Briand, secrétaire de l’UD-CGT de la Vienne. Que les salariés aient plus que jamais le droit de donner leur avis en matière de choix industriels et économiques, c’est aussi une des propositions du programme partagé du Front de gauche. Montupet est un « bon client pour en démontrer l’urgente nécessité », jubilait Jean-Luc Mélenchon.

La « prospérité » à quel prix  ?

Face à une direction « inflexible », les salariés de FDPA multiplient les initiatives. Ils ont notamment investi, la semaine dernière, le site de Châteauroux, une des trois usines françaises de Montupet. Alex Jamain (CFE-CGC) n’en revient toujours pas  : « Du Zola  ! 
Pas d’extracteurs de poussières et pas d’engins de manutention, les gars charrient à la main des tonnes de jantes chaque jour… » Ce mardi, une manifestation unitaire aura lieu à Châtellerault.

L. Ma.

2) Un PDG super-riche, réfugié fiscal en Belgique, veut baisser les salaires de 23%

« Les salariés d’Ingrandes sont les mieux payés du groupe », un argument qui est censé convaincre de la nécessité d’une révision à la baisse de leurs salaires et mettre le site de la Vienne en concurrence avec les deux autres sites français de fonderie du groupe, situés à Laigneville, dans l’Oise, et Châteauroux, dans l’Indre.

Mais le mieux payé, chez Montupet, c’est d’abord Stéphane Magnan, soixante ans, PDG du groupe, qui en est aussi l’un des principaux actionnaires. Ayant choisi d’échapper à la fiscalité française, il a bénéficié d’un salaire annuel de 944 385 euros net (hors avantages en nature et hors revenus de ses 1 172 503 actions) en 2010.

Le groupe Montupet, qui emploie 1 700 salariés en France (où il produit 50% de 
ses produits livrés dans le monde) et qui dispose de sites en Bulgarie et au Mexique, a augmenté son chiffre d’affaires de 84% en 2010 et a réalisé un bénéfice de 6,7 millions d’euros. Sur le premier semestre 2011, la croissance du chiffre d’affaires par rapport au premier semestre 2010 est de 32,7 %, et s’élève à 251 millions d’euros. C’est dire si la vente de pièces pour l’automobile est rentable. Et si les moyens semblent manquer aux Fonderies du Poitou Alu pour répondre aux exigences de baisse des prix des clients, au point d’exiger des salariés qu’ils renoncent à 23% de leur salaire, les comptes font tout de même apparaître une ponction de 600 000 euros au titre de « frais de siège ». Aucun investissement, les Fonderies du Poitou Alu survivent en état d’« autogestion ».

« Let’s win » (il faut gagner), ou « Keep on fighting » (continuez le combat). C’est par ces slogans que Carlos Tavares, directeur général de Renault nommé le 1erjuillet, signe ses courriels. Gageons que les salariés d’Ingrandes, qui devraient se rendre jeudi à Châteauroux pour rencontrer leurs homologues du groupe, sauront donner leur version du sens à donner à ces formules.

L. Ma.

1) La direction des Fonderies du Poitou Alu, à Ingrandes, dans la Vienne, tente d’imposer aux salariés une baisse de 23 % de leurs salaires. Ils sont en grève depuis vendredi

Lovée entre les champs de céréales et de tournesols, la zone industrielle Saint-Ustre, à la sortie du village d’Ingrandes, tout proche de Châtellerault, dans la Vienne. Et là, deux fonderies aujourd’hui distinctes, qui furent toutes deux propriétés de Renault jusqu’en 1998. L’une spécialisée dans la production de blocs moteurs en fonte et l’autre dans la fabrication de culasses en aluminium. Immenses bâtisses aux toits caractéristiques en épis, qui rapportent du blé  ! Mais pas assez pour répondre aux exigences de Renault, désormais simple client (mais à 80 %  !) des Fonderies du Poitou Alu. Qu’à cela ne tienne, le groupe Montupet, propriétaire de l’entreprise qui emploie 474 salariés, depuis 2009, après neuf reventes-rachats, planche depuis le mois de mai sur un « plan de compétitivité ». Et à quelques jours des congés estivaux, ces salariés en ont découvert le contenu révoltant.

Syndicats unis contre la régression sociale

Aux ouvriers en contact avec la matière, il est demandé d’accepter une baisse de salaire de 15% et de travailler 35 heures par semaine au lieu de 38 h 50, payées 35. Cela équivaut à une baisse de 23 % de salaire et, tous comptes faits, cela suppose de vivre avec trois mois de salaire en moins sur l’année  ! Aux personnels dits de main-d’œuvre indirecte (cadres, techniciens…), le plan, qui selon la direction doit s’appliquer dès la fin septembre, impose de renoncer à 14 jours de RTT et prévoit 50 départs volontaires vers d’autres sites du groupe en France, en Bulgarie et au Mexique. En cas de refus, l’avenir du site est clairement menacé. Les salariés, unis malgré ces disparités de traitement, refusent ce plan. Ils ont entamé une grève le vendredi 2 septembre, suivie à près de 95%, déterminés à obtenir son retrait pur et simple.

C’est unitairement que les syndicats CGT, FO, CFE-CGC et UDT (syndicat autonome) condamnent ce « plan de régression sociale » qui « ramènerait les salariés trente ans en arrière ». En opération escargot dans le centre-ville de Châtellerault et dans la zone commerciale toute proche, ils l’ont dit haut et fort à la population. Ils l’ont également dit au préfet qui les a reçus et qui a immédiatement nommé un médiateur censé « favoriser le rétablissement du dialogue social à l’intérieur de l’entreprise », en la personne de Jean-Luc Lancelevée, qui dirige l’unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (UT Direccte). Le préfet Yves Dassonville, fraîchement nommé, s’est lui-même avoué « préoccupé » par le maintien de l’emploi dans le bassin châtelleraudais.

C’est dire si les salariés, échaudés par l’expérience de tels plans antisociaux qui n’ont pas permis de sauver des entreprises comme Continental, à Clairoix (Oise), ou Bosch, à Vénissieux (Rhône), ne sont pas les seuls à craindre pour l’avenir même du site et de l’ensemble des salariés. « Le groupe Montupet a réussi à imposer 3% de baisses des salaires chez nous, à sa fonderie de Châteauroux en échange d’une baisse des cadences. Mais quelques mois plus tard, les cadences de production étaient remontées au même niveau  ! » tient à rappeler un syndicaliste CGT de cette autre fonderie gérée par Montupet, venu soutenir ses collègues d’Ingrandes. « Nous ne voulons pas que ce plan serve d’exemple aux autres directions d’entreprise », martèle Tony Garrot, délégué CGT. Le syndicat ne manque pas de s’appuyer sur les exemples des Fonderies de Bretagne et de Cléon qui ont été contraintes de retourner dans le groupe Renault pour répondre aux besoins industriels et sociaux. Car la marque au losange, comme Peugeot, autre donneur d’ordres du site, n’a pas fini de vendre des moteurs à essence  !

L’industrie française méprisée par le pouvoir

« Les salariés ont vécu leurs vacances dans la peur de recevoir un nouveau contrat de travail qui inclurait les pertes de droits, en cette rentrée, c’est la colère qui domine », commente un délégué du syndicat autonome, « face à cette provocation, le conflit est légitime ». D’autant plus légitime que le gouvernement vient d’annoncer un plan d’austérité qui prévoit, notamment, des hausses des mutuelles… « Les patrons et ce gouvernement, ils vont nous demander quoi après  ? Notre pantalon, si on les laisse faire  ! » tempête Alain, ouvrier de l’atelier de finition à la fonderie. Comme ses collègues, Bernard et Marc,

"Face à cette provocation, le conflit est légitime"

il se souvient que « toutes les primes ont déjà sauté, malgré les promesses de ne pas toucher aux droits sociaux au moment du rachat, et il refuse de bosser en deux-huit pour le smic après vingt-quatre ans de boîte  ! » Le plan de Montupet les priverait de 500 euros par mois, environ. Pour eux, comme pour Pierre Baraudon, responsable syndical de la Snecma, venu en soutien sur le site  : « Baisser les salaires, cela va à l’encontre de ce qu’il faut faire pour relancer l’économie et sortir de la crise  ! » « Des cadres qui perdent des jours de RTT, cela signifie aussi une perte pour l’économie locale de loisirs, notamment », s’acharne à démontrer Alex Jamain, délégué de la CFE-CGC. Les loisirs et le tourisme, dans la région, c’est toute une histoire  ! Qui permet de voir le sénateur UMP Jean-Pierre Raffarin « plus empressé à courir au chevet de la TVA du Futuroscope que de plaider pour les fondeurs du Poitou » et obtenir gain de cause auprès de Nicolas Sarkozy. De quoi semer un peu plus le sentiment que l’industrie française est méprisée du pouvoir, alors qu’elle représente 3 millions de salariés, 10% du salariat du pays  ! La présidente de région, Ségolène Royale, elle, a fait le déplacement pour dénoncer « le pillage » de la trésorerie par des « patrons voyous ». De quoi médiatiser le premier jour de la lutte, le vendredi 2 septembre. Mais, caméras ou pas, les salariés poursuivent leur mouvement de grève.

Laurence Mauriaucourt, L’Humanité


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