Le retour, ensemble, de Marx et Lacan

vendredi 9 septembre 2011.
 

U n colloque s’est tenu, ce mois d’août, au château de Cerisy-la-Salle (Manche) qui, sous ce titre, convoquait marxisme et freudisme – revisités… parfois. Et ainsi, bien sûr, philosophie, économie politique et… psychanalyse. Le retour – ensemble  ! – de Marx et de Lacan à Cerisy surprendra ceux qui n’ont pas oublié les anathèmes jetés jusqu’au milieu du siècle dernier entre marxisme et psychanalyse.

Il s’agit aujourd’hui, plus raisonnablement, d’articuler deux « disciplines » (le mot science est manié ici avec précaution), disons  : adjacentes. L’une et l’autre en effet sont des « praxis »  : elles se préoccupent de leurs effets dans le réel. L’une et l’autre ont une visée émancipatoire  : la première de structures, de rapports sociaux aliénants, la seconde de déterminismes inscrits au niveau de l’inconscient.

Dans le cadre de cette homologie unitaire, il y a pourtant, entre acte révolutionnaire et acte psychanalytique, une opposition quasi originaire  : l’acte psychanalytique aborde l’émancipation sur le plan individuel, l’acte révolutionnaire, selon Marx tout au moins, sur le plan collectif. Le danger est alors que cette différence soit traitée sur le mode du « ou bien ou bien ». L’objectif de ce colloque était tout autre  : comment sur le plan théorique et aussi pratique, comment, sans pour autant tomber dans la confusion de la multidisciplinarité, étayer chaque praxis par l’autre. Recherche tout à fait justifiée quand on sait que, de l’une et l’autre, c’est finalement à l’échelle de l’individu, du « sujet » souffrant, que se jugeront les effets pratiques.

Mais n’oublions pas que dans l’idée de communisme de Marx, le collectif n’écrase pas le singulier  : « Le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous », affirme-t-il dans le Manifeste du Parti communiste. Il ne s’agit pas, dans le marxisme, d’aplatir la dimension du sujet, écrasé sous le poids de ses déterminismes structuraux. La structure ne bloque pas le sujet dans ses actes, c’est ce que montre aussi la psychanalyse.

La psychanalyse, à la différence des autres formes de thérapies psychologiques, comportementalistes ou humanistes, renvoie au sujet, qu’il soit névrosé ou psychotique, la charge de son malheur. Car c’est seulement en transformant sa position face à ce qui le fait souffrir que le sujet change, qu’il peut modifier son destin.

La psychothérapie institutionnelle et une certaine psychiatrie inspirée par la psychanalyse cherchent à mettre à profit l’enseignement de Marx et de Freud  : entrecroisement entre le singulier et le collectif, sans qu’aucun des deux termes puisse être subsumé dans l’autre.

Psychanalyse et marxisme combattent pour que le sujet puisse exister dans ses failles, pour qu’il puisse s’exprimer, et bien sûr se subvertir. Lacan et Marx n’ont jamais cédé sur leurs engagements subversifs, ni sur le fond ni sur les formes des praxis auxquelles ils nous incitent, sur le plan du collectif comme de l’individuel, dans la cité, de même que dans l’intimité de chacun d’entre nous.

Ce colloque, à travers ses nombreuses interventions, y compris dans les domaines de la mode, du cinéma, de la musique et de la peinture, a montré, par la richesse de ses débats, la vitalité de chacun de ces engagements. Comme d’habitude, ce colloque fera l’objet d’une publication, dans l’année à venir.

Silvia Lippi et Jean Péré


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