Massacres en Côte d’Ivoire  : arrêtons 
la fausse symétrie entre les deux camps

mardi 2 août 2011.
 

Villages incendiés, habitants brûlés vifs, paysans traqués en brousse par centaines. Et parfois plus  : un millier lors de l’entrée des pro-Ouattara à Duékoué, à l’ouest du pays  : crime de guerre ou crime contre l’humanité  ? Mais aussi des quartiers entiers d’Abidjan pillés, des militants pro-Gbagbo assassinés tous les jours pour leur nom, leur âge, leur ethnie (l’ethnocide au sud concerne en particulier les Bété, Attié et Guéré), par centaines, sans compter les torturés ou les liquidés de l’Hôtel du Golf, siège du nouveau pouvoir et base de ses escadrons de la mort.

Trois fois plus de morts –de 3 000 à 5 000 cadavres– pour les deux mois d’Alassane Ouattara, ce héros de l’Occident, que pendant les dix ans de la gouvernance de Laurent Gbagbo. Où sont les humanitaires et leurs relais, les dénonciations politiques à Paris et les résolutions de l’ONU  ?

Arrêtons la fausse symétrie entre les deux camps  : ces massacres sont bien le fait des pro-Ouattara, cautionnés par l’armée française et onusienne, dans une complicité implicite ou passive. Chacun sait maintenant que les hélicoptères d’assaut de la force « Licorne » et ses supplétifs onusiens ont réalisé la pire intervention coloniale depuis la répression de l’UPC au Cameroun et la guerre d’Algérie.

Décapiter l’élite politique et intellectuelle sudiste, proche de Laurent Gbagbo et du Front populaire ivoirien, au profit d’un « mercenaire » des intérêts occidentaux, selon l’expression de Jean Ziegler. Bombarder les lieux de pouvoir d’un pays qui n’a plus de souverain que le nom  : présidence, résidence, camp militaire, télévision… La leçon est terrible  : cinquante ans après les indépendances formelles, il n’y a plus que sujétion et humiliation  ! Et voilà qui remet en cause bien des analyses à la mode  : à l’aune du coup d’État franco-onusien, on n’est pas encore en « post-colonie » ni prêt à sortir de la nuit coloniale. Décidément, chaque fois que l’homme africain s’essaie à entrer dans l’histoire, on lui écrase le visage à coup de bottes.

Malgré un formatage médiatique et une certaine lâcheté chez des analystes patentés qui ont cautionné ces massacres, la vérité se fait jour. Il faut arrêter la fausse symétrie entre les deux camps et la politique d’occultation des « spécialistes des droits de l’homme »  : depuis la prise du pouvoir du camp Ouattara, ce sont bien eux qui massacrent en fonction des cartes d’identité –comme au Rwanda, qui torturent ou embastillent ou déportent les opposants, tandis que les journalistes pro-Gbagbo sont traqués et que l’« État dyoula » s’est mis en place  : tout le reste est révisionnisme. Quel recours à Yopougon, quartier martyr, quand les tueurs font des « patrouilles communes » avec la force « Licorne » et l’Onuci  ? Plus qu’au Rwanda, notre institution militaire est complice ou coupable  : où est la fameuse « éthique » dont se targuent les philosophes en kaki –notamment l’obligation de désobéir à des ordres illégaux  ?

À qui a sillonné le pays depuis vingt ans, suivi les élections sur le terrain et mené de récentes missions en zone rebelle, le doute n’est pas permis  : oui, les élections largement truquées au nord ont bien été « la continuation de la guerre par d’autres moyens » (Bertrand Badie)  ; oui, l’ambassade de France a été et reste une officine anti-Gbagbo  ; et oui, la déportation en terre ennemie et l’incarcération à la Lumumba, dans des conditions ignobles, des responsables pro-Gbagbo ont été autant planifiées que la désinformation continue ou l’armement des rebelles, jusqu’à la logistique, les pick-up ou les uniformes. C’est pourquoi les responsables onusiens ou français, donneurs d’ordres illégaux en regard des résolutions onusiennes, risquent la Haute Cour de justice ou les juridictions internationales, tandis que Guillaume Soro et Alassane Ouattara sont passibles de la CPI pour ce qui se passe en Côte d’Ivoire.À propos, comment s’appelle un régime qui massacre sa propre population, qui est arrivé au pouvoir dans les fourgons (pardon, les hélicoptères) de l’étranger, qui n’a de forces que des bandes armées incontrôlables et des délinquants sans foi ni loi  ? Sans Parlement ni Cour constitutionnelle, contrôlé par deux corps expéditionnaires, en train de brader les richesses du pays sans contrôle, et de tuer, comme au Rwanda, sur des bases ethniques  ? Vous avez dit « dictature »  ?

MICHEL GALY

Auteur de Guerres nomades et sociétés nomades, aux Éditions L’Harmattan.

Texte publié par L’Humanité

Laurent Gbagbo mérite mieux que le lâche abandon auquel ont procédé les dirigeants du PS français (par Jean-Luc Mélenchon)


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