Taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle européenne : virage idéologique ou manœuvre de diversion ? (ATTAC, L’Huma)

mardi 26 juillet 2011.
Source : ATTAC France
 

La Commission Européenne a publié son budget prévisionnel pour les années 2014 à 2020. Avec une surprise de taille : ce budget inclut les recettes d’une taxe européenne sur les transactions financières. Un virage à 180° pour la Commission, qui y était jusque-là totalement défavorable !

La taxe envisagée s’appliquerait à toutes les transactions, à un taux de 0,1 % pour les transactions au comptant, et de 0,01% pour les produits dérivés. Algirdas Semeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité, table sur une recette de 54 milliards d’euros qui alimentera le budget de l’UE et freinera la spéculation.

Il s’agit là d’une victoire politique pour Attac qui défend le principe d’une telle taxe depuis plus de 10 ans. Il suffit néanmoins de regarder de plus près les propositions de la Commission pour constater que le compte n’y est pas.

Tout d’abord, la Commission n’envisage pas de mise en œuvre avant 2018. Un tel délai est totalement injustifiable. Ne s’agit-il pas d’un pur effet d’annonce à un moment où les résistances sociales se multiplient en Europe contre les plans d’hyper-austérité ? Alors que l’UE impose dès maintenant la plus stricte austérité budgétaire – faisant payer aux populations les coûts d’une crise provoquée par les marchés financiers – comment prendre au sérieux cette volonté proclamée de s’attaquer à la finance… d’ici à 7 ans ?

Par ailleurs, alors que cette taxe devrait selon nous financer les biens publics mondiaux (santé, éducation, stabilité climatique…), la Commission destine au contraire ces sommes à la réduction des contributions des États membres. Le budget européen restera plafonné à 1% du PIB de l’Union, loin du niveau qui permettrait de cons-truire de vraies solidarités européennes.

Attac continuera de soutenir le principe d’une TTF dans la perspective d’une régulation stricte et immédiate des marchés et de l’activité spéculative. Ce sont les spéculateurs et non les peuples qui doivent payer les coûts de la crise ! Dans l’immédiat cela suppose de mettre en œuvre en Europe des audits démocratiques des dettes pu-bliques, suivis d’une annulation des dettes illégitimes. Il faudra imposer à terme la mise sous contrôle social du système bancaire et une redéfinition du rôle de la BCE.

Ces mesures sont indispensables au plan européen et/ou national pour sortir de la crise qui frappe l’Europe. Plus que jamais, les mobilisations en Grèce et en Espagne, et dans toute l’Europe contre les plans d’austérité, expri-ment la volonté des peuples européens de rompre radicalement avec les politiques menées par les gouverne-ments européens, l’UE et les institutions financières internationales.

Attac France,

2) Assiste-t-on à un détournement de la taxe Tobin  ?

Par thomas coutrot, coprésident d’attac

La Commission européenne opère
une conversion essentiellement verbale

Les temps changent. La Commission européenne a publié son budget prévisionnel pour les années 2014 à 2020. Surprise  : ce budget inclut les recettes d’une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin) au niveau européen. Un virage à 180 degrés pour une Commission qui y était jusque-là totalement défavorable.

La taxe envisagée par la Commission s’appliquerait à toutes les transactions (et pas seulement aux transactions portant sur les devises, comme le proposait James Tobin). Son taux serait de 0,1% pour les transactions au comptant, et de 0,01% pour les produits dérivés.

La Commission table sur une recette de 54 milliards d’euros en incluant les opérations de devises (cibles d’origine de la taxe dite « Tobin »), et dit viser ainsi à alimenter le budget de l’Union européenne et à freiner la spéculation. C’est indiscutablement une victoire politique pour Attac et tous ceux qui défendent cette mesure depuis plus de dix ans.

L’année dernière encore, la Commission publiait un document de travail concluant que taxer les transactions financières en Europe serait désastreux pour les marchés financiers européens, qui seraient alors victimes de délocalisations massives. Pourtant, la City de Londres prélève depuis de nombreuses années une taxe de 0,5% sur les transactions en actions et obligations sans avoir été désertée par la finance, bien au contraire…

Le Fonds monétaire international, sous Dominique Strauss-Kahn, avait lui aussi publié un rapport écartant la taxe Tobin comme économiquement irrationnelle.

Ce spectaculaire virage montre qu’à l’occasion de crises, des mesures jusqu’ici totalement impensables pour les dirigeants néolibéraux deviennent d’une évidence indiscutable, pourvu que le rapport de forces politique les y contraigne. Ce sont manifestement les résistances sociales aux plans d’austérité en Grèce, en Espagne, au Portugal… qui ont convaincu la Commission de mettre un peu d’eau dans son vin ultralibéral en acceptant de taxer verbalement la finance. Verbalement, car la Commission n’envisage pas de mise en œuvre avant…

2018. Un tel délai est injustifiable et fait immédiatement penser à une manœuvre de diversion pour mieux faire passer le pacte pour l’euro plus et la nouvelle gouvernance économique européenne en cours d’adoption. Comment prendre au sérieux cette volonté proclamée de s’attaquer dans sept ans à la finance, en même temps que l’Union promeut partout la plus stricte austérité budgétaire, faisant payer aux populations les coûts d’une crise provoquée par les marchés financiers  !

D’autre part, la société civile internationale exigeait que la taxe finance la lutte mondiale contre la pauvreté et le changement climatique. La Commission destine au contraire ces sommes à la réduction des déficits publics en Europe. Pire encore, dans son projet, les recettes de la taxe permettront aux États membres de réduire d’autant leurs contributions au budget européen.

Celui-ci restera plafonné à 1% du PIB de l’Union, loin du niveau qui permettrait de construire de vraies solidarités européennes. A

Attac continue donc d’exiger la mise en place immédiate d’une taxe sur les transactions financières dans l’Union européenne, sans attendre une hypothétique et improbable décision du G20 ou des États-Unis.

Cette mesure n’a de sens que dans la perspective d’une régulation stricte des marchés et de l’activité spéculative, en particulier sur les produits dérivés portant sur les titres de la dette publique (CDS) ou sur les produits agricoles et alimentaires. La spéculation est en train de créer les conditions d’une nouvelle et dramatique crise alimentaire dans le monde, et d’une nouvelle et grave crise bancaire et financière en Europe.

Il est urgent de procéder à la mise sous contrôle social du système bancaire, et cela risque d’être d’une actualité brûlante en cas de crise bancaire.

L’obstination de la Banque centrale européenne à refuser toute restructuration des dettes publiques, à commencer aujourd’hui par la Grèce, est irréaliste et irresponsable.

Il faut réaliser un audit des dettes publiques en Europe, afin de déboucher sur une dénonciation de la partie illégitime de ces dettes.

La taxe Tobin n’a de sens que dans le cadre d’une politique globale de désarmement de la finance et de réorientation radicale du modèle de développement, pour sortir des impasses productivistes et capitalistes.

Thomas Coutrot, coprésident d’attac

1) La Commission européenne invente la taxe Tobin au service des marchés

Principale nouveauté du budget de l’Union européenne, une taxe sur les transactions financières pourrait être instaurée. Pour promouvoir le développement social ou la flexicurité ?

Le budget de l’Union européenne (UE) n’augmentera pas. Et ce au moment où les zélateurs de l’austérité ne jurent que par Bruxelles pour « coordonner les politiques économiques ». La Commission a dévoilé le 29 juin ses propositions de budget pour 2014-2020. Ce dernier serait de 1 025 milliards d’euros, soit 1,05% du revenu national brut. Le pouvoir d’achat de l’UE reste constant. Sa part dans la richesse produite dans l’UE est en baisse. Les États veulent contenir les dépenses.

Si « l’exécutif » européen est suivi, le volet recettes du budget évoluera. La part de la contribution de chaque pays en fonction du revenu national brut diminuerait au profit du prélèvement de 1% du montant de la TVA collecté par les différents trésors nationaux.

La principale innovation serait l’instauration d’une taxe sur les transactions financières de 0,1%. Cette dernière pourrait rapporter 54 milliards d’euros, selon Algirdas Semeta, le commissaire chargé de la fiscalité. « Il s’agit là d’une victoire politique pour Attac, qui défend le principe d’une telle taxe depuis dix ans », se réjouit l’organisation altermondialiste. Pas dupe cependant, Attac s’inquiète d’un possible « effet d’annonce », alors que se « multiplient les plans d’hyperaustérité ».

Le hic est là. Que va financer cette taxe  ? Pour Attac, elle devrait « financer les biens publics mondiaux (santé, éducation, stabilité climatique) ». Pour le Parti de la gauche européenne présidé par Pierre Laurent, elle devrait abonder un fonds de développement social européen – financé également par création monétaire de la BCE – qui permettrait le développement des services publics. On est très loin de ces scénarios dans le projet officiel. Le budget européen stagne alors qu’il devrait augmenter pour financer la solidarité européenne. Le « budget européen est un budget d’investissement », insiste-t-on à la Commission. Il répond à la stratégie UE 2020  : promouvoir la flexicurité et les partenariats public-privé. Pour laisser la place aux investissements, les fonctionnaires communautaires seront mis à contribution. Leur nombre devrait diminuer de 5% et l’âge de la retraite serait repoussé de 63 à 65 ans.

Gaël De Santis, L’Humanité


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