Marine Le Pen, l’imposture en prime time

mercredi 29 juin 2011.
 

Jeudi 23 juin, la candidate du Front national à l’élection présidentielle a eu droit au prime time de France 2 en étant l’invité de l’émission Des actes et des paroles. L’occasion de se rendre compte du vide de son programme économique. Décryptage.

« L’émission c’est vous », assurait jeudi soir le présentateur David Pujadas à Marine Le Pen. La présidente du Front national inaugurait « Des actes et des paroles », le nouveau programme politique de France 2. Une tribune suivie par trois millions de téléspectateurs, qui aurait pu permettre à l’héritière Le Pen de dérouler son programme si, gênée, elle n’avait si souvent botté en touche, notamment sur les questions économiques.

Et le pouvoir d’achat ? Pas de réponse

La présidente du FN a très peu parlé d’immigration. Surtout lorsqu’elle pouvait contourner une question dérangeante, sur la « baisse de la qualité des recrutements dans l’armée », due, selon le programme du FN consultable sur leur site internet, aux « 20% de recrues issues de l’immigration ordinaire du monde musulman ». Mais même lorsque le débat portait sur ces nouvelles questions qu’elle entend incarner, sociales et économiques, la candidate n’a guère convaincu. Sur la sortie de l’euro, vieille lune frontiste, Marine Le Pen en reste aux incantations. Mais se paie le luxe de citer, livres à l’appui, des économistes ayant eux-mêmes vanté cette sortie : Maurice Allais, Jacques Nikonoff…

La mesure, immédiate « si (elle était) élue présidente », entraînerait une hausse de la dette de « 12 points de PIB », concède-t-elle, avant d’annoncer un « plan de redressement » pour le mois de novembre. Et même si ce problème était contrebalancé par la restauration de barrières douanières, entrainant « une réindustrialisation du pays », de créations d’emplois et d’un « dopage des exportations », la création de ce « nouveau franc » pose des questions salariales et de pouvoir d’achat. Qui, même assorties d’une « dévaluation de 25% par rapport à l’euro », ne trouvent pas de réponse. La présidente du FN se retranche en effet derrière un constat partagé par tous les ménages : « l’Euro a fait augmenter les prix ».

Le parti ne renie pas la « préférence nationale »

La lutte contre l’immigration, clandestine ou légale, n’est plus en tête de gondole au Front national. Pour autant, le parti ne renie pas la « préférence nationale », estimant que « l’immigration a été utilisée pour peser à la baisse sur les salaires ». Prise à partie par la dirigeante d’Europe Ecologie, Cécile Duflot, la présidente du FN a également redit son opposition à la « double nationalité ». Comme elle a rappelé ses positions pour l’abaissement de l’âge de la majorité pénale ou son refus de la dépénalisation du cannabis. « J’espère que j’ai tellement banalisé ces idées-là que 50% des Français plus un voteront pour moi », s’est-elle laissée aller à rêver. (à lire : Le Pen rejoue la partition sécuritaire)

On l’a vu jeudi soir, le Front national nouveau n’est rien moins que l’ancien avec des habits neufs. Ainsi, sans renier ses fondamentaux, Marine Le Pen s’aventure-t-elle sur des terres jusqu’ici laissées vierges par le FN, comme l’écologie, se prononçant pour la fermeture de la centrale nucléaire hors d’âge de Fessenheim. Un espoir de glaner quelques voix hors de son électorat traditionnel ?

3 à 4 points de moins qu’en mai dans les sondages

Créditée de 16% d’intentions de vote par le CSA, soit trois à quatre points de moins qu’en mai, la candidate fait feu de tout bois. C’est que « seule l’accession au second tour (de l’élection présidentielle) pourrait être un succès », selon le sondeur Stéphane Rozès, interrogé par le site Non-fiction.fr. Si elle y obtenait un score « qui peut être le double de celui de son père », elle « validerait sa stratégie », dit-il. « Dans ce cas, soit, ayant écarté la gauche, elle aura préempté la question sociale, soit, ayant écarté la droite, elle aura préempté la question nationale. » Si le programme protéiforme du Front national, bâti sur le socle historique du parti, se lit comme un attrape-tout, c’est que « la candidate du progrès social », comme elle s’est baptisée, rêve surtout de progrès en pourcentage de voix.

Grégory Marin, L’Humanité


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